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Micheline Presle, un siècle de cinéma

Micheline Presle, doyenne des actrices françaises, décédée mercredi à l'âge de 101 ans, incarnait une certaine idée du chic parisien et avait su garder, après soixante-dix ans de cinéma, l'enthousiasme d'une débutante.

Restée longtemps l'une des trois stars préférées des Français avec Danielle Darrieux et Michèle Morgan, elle était aussi l'une des rares actrices "établies" qui donnèrent beaucoup à des cinéastes débutants.

Ayant côtoyé les plus grands, de l'avant-guerre à l'après-Nouvelle Vague, elle rejetait pourtant, ces dernières années, toute nostalgie sur son glorieux passé.

"Je refuse la nostalgie, cet arrêt du temps. Et si mon enfance, mon adolescence et moi vivons en bonne intelligence, ma carrière m'échappe", confiait-elle.

Sa carrière ? Elle a fait plus de 150 films, dont quelques-uns à Hollywood, se laissant porter par ses rencontres: de George Pabst à Alain Resnais en passant par Abel Gance, Jacques Demy ou Joseph Losey.

C'est Pabst, le cinéaste allemand - il avait fait tourner Greta Garbo et Louise Brooks dans les années 20 - qui découvre la jeune Micheline Chassagne, âgée d'à peine 17 ans, et lui offre un rôle dans "Jeunes filles en détresse".

Elle s'appelait Presle dans le film, elle en fera son nom de scène. Mais c'est "Paradis perdu" d'Abel Gance qui la fera connaître du grand public cette même année.

L'Occupation fait d'elle la grande vedette française de la zone libre. Elle tourne "Felicie Nanteuil" de Marc Allégret avec Louis Jourdan, qu'elle faillit épouser.

- Le cinéma, "grande affaire de sa vie" -

A la Libération, elle franchit encore un pas dans la notoriété avec "Falbalas" (1945) de Jacques Becker, "Boule de suif" (1945) de Christian-Jaque et surtout "Le Diable au corps" (1947) de Claude Autant-Lara avec Gérard Philipe.

Son naturel, sa beauté classique la mènent droit à Hollywood où la conduit aussi l'acteur et réalisateur Bill Marshall (dont Michèle Morgan vient de divorcer en 1948).

Hollywood, qui n'a jamais vraiment réussi aux stars françaises de l'époque, lui impose un contrat draconien. "Je n'ai rien fait d'intéressant là-bas, confiera-t-elle. J'ai même réussi la prouesse de faire avec Fritz Lang son film le moins intéressant, +Guérilla aux Philippines+, une oeuvre de commande sur le retour du général MacArthur".

Elle ne peut tourner "L'affaire Cicéron" de Mankiewicz parce qu'elle est enceinte (de sa fille, Tonie Marshall) et doit céder le rôle à Danielle Darrieux.

Elle rentre alors en France - "j'ai eu l'impression qu'on m'en voulait, comme à une enfant désobéissante" - où elle tourne "L'Amour d'une femme" de Jean Grémillon puis, à Londres, "L'Enquête de l'inspecteur Morgan" de Joseph Losey.

A la fin des années 50, la Nouvelle Vague l'ignore.

Avec des réalisateurs comme Jean Delannoy ou Edouard Molinaro, elle passe avec aisance des rôles de bourgeoises élégantes aux fofolles sympathiques.

Mais c'est sur le petit écran qu'elle obtient son plus grand succès avec "Les Saintes Chéries", en compagnie de Daniel Gélin. Un feuilleton sur les petits travers de la vie de couple qui enthousiasme même le jeune François Truffaut.

Des jeunes lions des Cahiers du cinéma, elle ne croise que Jacques Rivette avec qui elle tournera "La Religieuse" (1967) et Jacques Demy qui la demandera pour "Peau d'âne" (avec Catherine Deneuve et Jacques Perrin).

Au début des années 70, elle rencontre, au théâtre, une nouvelle famille avec le Grand Magic Circus de Jérôme Savary, au style délirant.

Plus tard, elle tournera avec sa fille, réalisatrice, notamment "Vénus Beauté (institut)", en 1999. En recevant le César de la meilleure réalisatrice, cette dernière rendra hommage à sa mère, "toujours prête à se lever à 05H00 du matin pour patauger sous la pluie et faire un premier film dans l'enthousiasme".

"Je crois bien que le cinéma a été la grande affaire de sa vie", concluait Tonie Marshall, seule femme à avoir jamais reçu un César comme réalisatrice.

En mars 2020, sa mère, alors âgée de 98 ans, l'enterrait à 68 ans.

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