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Plus de 20 millions de m3 de béton, 1,2 million de tonnes d'acier, plus de 6.000 fortins, des barbelés sur 4.000 km de plages : le Mur de l'Atlantique, de la Norvège à la côte basque, fut le plus grand chantier défensif allemand de la Seconde Guerre mondiale.
C'est en France, alors occupée, que son histoire stratégique s'est jouée, le débarquement des Alliés sur les plages normandes le 6 juin 1944 déjouant les prévisions nazies.
- Une idée d'Hitler -
L'idée de bâtir ces fortifications d'un autre âge est née dans l'esprit d'Hitler dès l'entrée en guerre des Etats-Unis en 1941, une fois acquise la certitude que les Alliés finiraient par débarquer sur les côtes d'Europe occidentale. L'enjeu : faire de l'Europe occupée par les Allemands la "forteresse" vantée par la propagande nazie.
La mission est confiée à l'organisation principale de construction du Reich fondée par l'ingénieur Fritz Todt. A un rythme effréné, "l'Organisation Todt" va engloutir pendant près de deux ans la quasi-totalité du potentiel allemand en travaux publics.
Plus de 300.000 ouvriers de toutes nationalités travailleront sur la seule partie française du Mur, débauchés des usines du Reich par d'alléchantes primes, volontaires ou requis en France par les autorités allemandes, ou enfin contraints parce que prisonniers.
Priorité est d'abord donnée à la fortification des ports, dont l'état-major allemand est convaincu qu'ils constituent l'objectif numéro un de l'adversaire en cas de débarquement. Le reste des côtes, et spécialement les plages, n'est alors protégé "que" par une succession de blockhaus en béton armé, érigés par des entreprises allemandes mais aussi des entreprises françaises sous-traitantes.
- Intenses travaux, erreurs stratégiques -
Nommé inspecteur général des côtes début 1944, le maréchal Erwin Rommel voit vite les failles du Mur, essentiellement armé de canons disparates et aux stocks limités d'obus. Surtout, persuadés que le débarquement aurait lieu dans le Pas-de-Calais, les stratèges allemands ont négligé de longues portions du littoral. Notamment la baie de Seine, théâtre du futur "D-Day", où, hormis les places fortes de Cherbourg et du Havre, une petite centaine de canons à peine défendent 200 km de côtes.
Rommel ordonne la mise en place d'engins anti-débarquement sur tout le littoral. En toute hâte, les tétraèdres et rails d'acier destinés à éventrer les chalands de débarquement, murs antichars ou nids de mitrailleuses poussent par milliers sur les plages. Plus de 5 millions de mines sont posées, des pieux - baptisés "asperges de Rommel" par les paysans normands - sont dressés pour que les planeurs viennent s'y fracasser en atterrissant.
Sur les plages normandes, ces travaux débutent toutefois avec six semaines d'un retard qui ne sera jamais rattrapé. Et le 6 juin 1944, le Mur se révèlera inefficace face à l'action des fantassins débarqués sur les plages.
- Vestiges -
En 1994, le gouvernement français décide de classer Monuments historiques certains vestiges du Mur de l'Atlantique, par exemple la Batterie de Longues-sur-Mer (Calvados), tandis que de nombreux autres sont laissés à l'abandon le long des plages.
Certains sont devenus des musées, tels "Le grand blockhaus" à Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique) ou le poste de direction de tir de Riva-Bella à Ouistreham (Calvados).
Plus original, sur la plage de Leffrinckoucke (Nord), les promeneurs ont pu un temps admirer les jeux fascinants du soleil sur un blockhaus patiemment recouvert de milliers de petits morceaux de miroirs par un artiste local. A Cherbourg (Calvados), des graffeurs ont éphémèrement transformé un blockhaus en vaisseau spatial à la Star Wars.
A Ostende (Belgique), un musée en plein air présente un ensemble de bunkers partiellement restaurés.
Au cinéma, l'histoire vraie d'un résistant français ayant volé aux Allemands un plan secret de leurs défenses dans le Cotentin a inspiré en 1970 le dernier film joué par Bourvil : "Le mur de l'Atlantique".