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La Banque centrale européenne devrait confirmer jeudi sa stratégie de durcissement monétaire progressif, bien qu'elle voit s'amonceler les menaces sur la conjoncture qui l'avaient déjà préoccupée lors de sa dernière réunion de septembre.
"S'il s'est passé quelque chose" depuis ce rendez-vous, "c'est bien l'augmentation des risques qui pèsent sur les perspectives de croissance", souligne l'économiste Carsten Brzeski, d'ING Diba.
Aux inquiétudes planant depuis plusieurs mois - guerre commerciale, indicateurs contrastés, tensions dans les pays émergents - se sont ajoutées la tourmente sur les marchés financiers et les perspectives d'un Brexit sans accord et d'un conflit budgétaire avec l'Italie.
A cet égard, la coalition populiste au pouvoir en Italie a maintenu lundi inchangées ses prévisions de budget malgré les critiques de la Commission européenne qui les a jugées la semaine dernière "hors des clous" du pacte de stabilité.
L'Italie a déjà vu l'agence Moody's dégrader vendredi dernier la note de sa dette, au dernière cran avant la catégorie spéculative qui compromettrait son financement, et attend ce vendredi le verdict de Standard and Poor's.
- Risques "prématurés" -
Face à ce cocktail de risques, toute la question est de savoir si un ralentissement de la croissance et de l'inflation en zone euro peut contraindre la BCE à différer la normalisation de sa politique monétaire.
"Les évolutions récentes sont tout sauf encourageantes, mais les risques de dégradation sont trop mineurs et trop prématurés pour que la BCE modifie la voie qu'elle a choisie", estime M. Brzeski.
Fin septembre, le premier gardien de l'euro, Mario Draghi, restait optimiste en diagnostiquant une "reprise relativement vigoureuse de l'inflation sous-jacente" (hors énergie et aliments) à venir lors d'une audition devant le Parlement européen.
On en est encore loin car l'inflation sous-jacente en zone euro s'est limitée à 0,9% en septembre, et ce malgré la politique très expansive de la BCE avec l'injection massive de liquidités depuis 2015 à travers les rachats de dette ou "QE" (quantitative easing), et des taux ramenés à leur plus bas niveau.
M. Draghi pourrait relativiser jeudi ce coup de mou sur les prix en disant s'attendre à un rebond dès le mois d'octobre.
- Cap maintenu -
Fidèle aux indications données depuis le mois de juin, la BCE devrait confirmer jeudi sa décision d'arrêter fin décembre les achats nets d'actifs sur le marché, déjà limités à 15 milliards par mois depuis octobre, et son anticipation de laisser les taux directeurs au plus bas au moins jusqu'à l'été 2019.
"Tout cela à condition que les données à venir confirment les perspectives d'inflation à moyen terme de la part de la banque centrale", prévient Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG.
Le marché se situe lui déjà dans l'après "QE" et attend jeudi des premières indications sur la gestion à venir du stock d'obligations publiques et privées, qui atteindra quelque 2.600 milliards d'euros fin 2018.
"La politique de réinvestissement du QE sera discutée jeudi mais potentiellement amendée en décembre seulement", pronostique Frederik Ducrozet, économiste chez Pictet Wealth Management.
Alors que la Réserve fédérale américaine est entrée de plein pied dans un cycle de resserrement monétaire, enfilant cette année les hausses de taux tandis qu'elle réduit au fil de l'eau la taille de son bilan, la BCE a elle l'intention de préserver le sien constant.
Elle a l'intention de renouveler "aussi longtemps que nécessaire" son portefeuille de dettes parvenant à échéance, pour préserver des conditions de financement favorables dans l'économie.