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Guerre en Ukraine: la ville d'Odessa, une cible stratégique et symbolique pour l'armée russe, se prépare à l'assaut

Des familles affolées y confient leurs vieux parents malades et trop faibles pour fuir Odessa. D'autres y amènent leurs animaux domestiques. Le monastère Archangelo Mikhailovsky est devenu le refuge des plus vulnérables, mais les moyens manquent déjà, avant même que la guerre n'ait atteint cette cité portuaire du sud de l'Ukraine.

Le grand monastère bleu aux coupoles dorées et grises, datant du début du XVIIIe siècle, est situé non loin de la mer, dans un quartier exposé en cas d'attaque russe. De nombreux habitants du voisinage sont partis depuis le début de l'invasion russe.

A la fois bienveillante et autoritaire, la responsable du monastère depuis 30 ans, Mère Serafim, gère cette situation inédite, mais l'inquiétude perce dans sa voix lorsqu'elle évoque l'afflux quotidien de nouveaux pensionnaires.

"Quelques centaines de personnes se sont déjà réfugiées depuis le début de la guerre dans le monastère, où sont aussi hébergées une centaine de nonnes", explique la religieuse au regard bleu, le visage encadré par son apostolnik, la coiffe noire des soeurs orthodoxes.

"Mais nous ne pourrons pas prendre tout le monde, hélas !, ça devient trop difficile à gérer et nous arrivons à court d'argent", poursuit-elle, évoquant aussi le problème des animaux domestiques confiés à sa garde - plus de 150 chats depuis le début de l'offensive russe -, qu'il faut bien nourrir.

Les bienfaiteurs du monastère, des habitants des alentours, ont préféré abandonner les lieux. Les vivres manquent. Les stocks faits par les religieuses, qui ont aussi préparé les caves pour abriter leurs pensionnaires en cas d'attaque, ne dureront pas très longtemps.

Dans le réfectoire, une quinzaine de personnes sont en train de déjeuner, de vieilles femmes en noir, mais aussi quelques familles avec enfants, un bébé de neuf mois. Yeliena, une grand-mère d'une soixantaine d'années, est avec ses trois petits-enfants de quatorze, onze et sept ans. La mère travaille la journée et les rejoint le soir au monastère. Ils ont quitté leur maison, se sentant trop isolés et menacés dans cette atmosphère oppressante de guerre qui s'approche.

"Je connais bien Mère Serafim, j'ai l'habitude de venir prier ici, c'est le premier endroit qui m'est venu à l'esprit", raconte Yeliena.

Dans les chambres donnant sur le couloir, de vieilles personnes silencieuses restent immobiles sur leur lit.

"Diabolique" 

"Nous sommes une grande famille, nous essayons de nous soutenir et de nous préparer pour la paix. Mais si ça arrive, nous sommes impuissants", poursuit Mère Serafim, dont la voix ferme vacille à de rares occasions.

"Nous prions pour la paix", ajoute la religieuse. Et puis, dans un soudain torrent de paroles, elle s'emporte contre Vladimir Poutine, le "diabolique", le "fasciste", le "criminel".

"Poutine a commis un péché que nous ne pourrons ni pardonner ni oublier", répète la religieuse, évoquant l'"Armageddon" déclenché par le président russe.

Agée de 59 ans, Mère Serafim est née à Vladivostok, dans l'extrême est de la Russie, de père russe et de mère ukrainienne. Elle est arrivée à l'âge de 10 ans à Odessa, une ville en majorité russophone.

"Je suis née en Russie et, pour moi, ce qui ce passe, c'est une affaire personnelle", répète la religieuse.

La ville d'Odessa, le principal port d'Ukraine, représente une cible stratégique et symbolique pour Moscou. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, a affirmé dimanche que les forces russes s'apprêtaient à la bombarder.

L'Eglise d'Ukraine a été reconnue indépendante en 2018 par le patriarche de Constantinople Bartholomée, provoquant la colère de l'Eglise orthodoxe de Moscou qui a dénoncé un "schisme" et rompu ses liens avec Constantinople.

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