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Une clinique londonienne est devenue lundi la première au Royaume-Uni à bénéficier d'une protection administrative visant à éloigner des militants anti-avortement qui manifestent depuis plus de 20 ans devant ses portes.
Cette zone d'exclusion a été décidée par la municipalité du quartier de Ealing (ouest de Londres) à la suite de plaintes de patientes et d'employés de la clinique Marie Stopes affirmant avoir fait l'objet d'intimidations et de harcèlement et pourrait servir de modèle à l'échelle nationale.
A l'origine de cette décision se trouve une pétition signée par quelque 3.600 résidents, qui avait été suivie d'une consultation publique.
L'avortement est légal en Grande-Bretagne depuis 1967 et bénéficie d'un fort soutien dans l'opinion publique, mais les manifestations à l'extérieur d'établissements spécialisés, notamment de la part de groupes financés depuis les Etats-Unis, sont en augmentation.
Ce week-end encore, avant que l'interdiction n'entre en vigueur, un petit groupe de personnes s'est rassemblé à l'extérieur de la clinique, priant à voix haute, proposant des dépliants anti-avortement.
"Nous offrons simplement de l'aide", a assuré Eamonn Gill, chauffeur à la retraite, assis sur une chaise pliante, chapelet à la main. "Les gens ne veulent pas entendre la vérité. Ils utilisent la violence pour avorter, pour tuer un bébé".
- 'Ils vous traitent de meurtrière' -
Cela fait 23 ans que les manifestants anti-avortement assurent une présence devant cette clinique. Hebdomadairement dans un premier temps, puis quasi-quotidiennement ces dernières années.
La résistance des défenseurs d'un libre choix pour les femmes s'est alors organisée. Anna Veglio-White, 25 ans, une habitante du quartier, a créé l'organisation "Sister Supporter". Elle raconte avoir vu des femmes s'enfuir de la clinique en pleurs après être tombées sur des militants anti-avortement.
"Vous ne pouvez pas les éviter et vous vous sentez jugées, parce qu'ils vous traitent de meurtrière", a-t-elle dit à l'AFP. "Je suis passée un jour, ils avaient des fœtus en plastique. Une autre fois, ils bloquaient la porte".
Selon un rapport de la municipalité de Ealing, des patientes ont été suivies par des militants anti-avortement après leur départ de la clinique et des employés ont affirmé avoir été victimes de violence verbale et de crachats.
Interrogée à ce sujet, Clare McCullough, directrice de l'organisation "Good Counsel Network", l'une de celles organisant des manifestations, a démenti ces accusations et affirmé que son groupe avait aidé plus de 500 femmes au cours des cinq dernières années.
"Il y a des femmes qui ont besoin de soutien, qui sont poussées à l'avortement" par leur compagnon, ou en raison de leur situation, a-t-elle dit.
- Solution nationale -
Alina Dulgheriu, une Roumaine de 34 ans, affirme que c'est le soutien offert par le réseau anti-avortement qui l'a empêchée de se faire avorter. "Mon partenaire ne voulait pas du bébé, je travaillais comme nounou à domicile et je n'avais pas d'argent", a-t-elle raconté.
Le réseau lui a offert un soutien financier jusqu'à ce qu'elle puisse retourner travailler, a-t-elle assuré. "S'ils n'avaient pas été là, je n'aurais pas eu Sarah", sa fillette, âgée de 5 ans aujourd'hui.
La zone d'exclusion obéit au régime de la protection des espaces publics, une disposition locale habituellement utilisée pour empêcher les cas d'ivresse sur la voie publique ou la vente de stupéfiants.
Le dispositif restera en vigueur pendant trois ans mais la conseillère municipale Binda Rai espère qu'elle incitera le gouvernement à prendre des mesures similaires au niveau national.
"Il n'est pas juste que les autres femmes du pays" ne puissent bénéficier de cette protection, a-t-elle dit à l'AFP.
La ministre de l'Intérieur Amber Rudd a lancé une étude sur la question en novembre, déclarant qu'il était "totalement inacceptable" que des personnes puissent être harcelées pour l'exercice de leur droit aux soins médicaux.