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Dans une salle des fêtes du Médoc, la musique classique se cherche un nouveau public

Une salle des fêtes de village et un atelier d'initiation pour "casser l'image élitiste" de la musique classique, c'est le pari tenté par le Festival international de quatuors à cordes de Bordeaux pour toucher un nouveau public, à commencer par les plus petits.

Habitué des auditoriums de la métropole ou des grands châteaux, le festival Vibre!, basé à Bordeaux, a délocalisé cette année quelques concerts dans les salles polyvalentes et cinémas des communes viticoles du Médoc à une heure de là.

A Listrac-Médoc, 2.700 habitants, Vibre! a misé sur une salle polyvalente, utilisée régulièrement pour des vide-greniers, des repas associatifs ou des spectacles d'artistes locaux, pour attirer "des publics qui ne viendraient pas naturellement au concert", explique Julien Kieffer, le nouveau directeur du festival. Une première tentative de délocalisation dans la cathédrale de Bazas, petite localité à l'entrée de la forêt des Landes, avait "surtout touché un public bordelais" l'an passé.

"On s'est rendu compte que certaines portes étaient difficiles à franchir, car chargées en symboles, socialement", raconte le directeur, qui depuis sa prise de fonction en 2020 cherche à rajeunir et "casser l'image élitiste de la musique de chambre".

Financé par des mécènes issus des grands vignobles locaux, comme la fondation Rothschild, la formule propose des concerts à 10 euros maximum - contre le triple ou le quadruple dans une salle prestigieuse.

Elle s'accompagne d'ateliers d'initiation à la musique classique pour plus de 160 habitants, en majorité des enfants, dans cette commune en voie de périurbanisation, traversée par un flot incessant de voitures et camions.

"C'était bien, j'ai pensé à plein de personnages", raconte Gabriel, 9 ans, assis sur l'une des 100 chaises marrons en polypropylène devant la scène où le quatuor français Van Kuijk, plutôt habitué à la Philarmonie de Paris ou au Konzerthaus de Vienne, achève de jouer.

Dans la même salle, deux semaine auparavant, Gabriel, assistait avec sa classe de CM1-CM2, à un cours prodigué par une violoniste (Karine Watelet), violoniste, une comédienne (Aïda Sanchez) et une médiatrice culturelle de l'association "Concerts de poches" (Camille Houdant).

Pour apprécier Mozart, Mendelssohn ou Chostakovitch, les enfants, d'abord intimidés ou dissimulant quelques rires - sont invités à "partir en voyage dans (leur) imagination" en ré-écoutant, les yeux fermés, trois minutes de violon.

- "Forêt" et "sanglier" -

"J'ai pensé à une forêt, avec plein d'animaux", dit un garçonnet, "moi à un parc avec des oiseaux qui volent", suggère une fillette, et "moi, une histoire avec des fées", ajoute un autre participant.

Guidés, les élèves associent peu à peu des images - "une forêt", "une jungle" - aux sons joués au violon, puis proposent des personnages - "un sanglier", "un chercheur de trésor"- dont les caractères s'accordent avec les notes et le tempo.

Chaque histoire est mimée à grands coups de grimaces et de pitreries par la comédienne, sur des extraits de Mendelssohn ou Chostakovitch, qui font rire aux éclats les enfants.

Le but de ces scénettes originales et "visuelles" est de "ramener les enfants à une écoute active", pour qu'ils "ressentent physiquement les vibrations de la musique", explique la violoniste.

Mercredi, devant le quatuor Van Kuijk, ils étaient une quinzaine d'enfants et 80 adultes, dont la plupart avaient assisté à des ateliers d'initiation.

Un "succès" pour André Lemouneau, 70 ans, conseiller municipal de Listrac, qui espérait "plus de monde" mais se souvient d'un cinéclub lancé en fanfare par la mairie et "arrêté au bout de quatre séances" car il n'attirait qu'une poignée de personnes dans cette commune, où la population "difficile à bouger" est culturellement "vampirisée par Bordeaux".

La veille, ils n'étaient qu'une trentaine au concert organisé au cinéma de Pauillac, la grande commune viticole du Médoc.

A Listrac, "la recette du succès, ça a été les ateliers pour donner envie de venir aux gens, car balancer un quatuor à cordes ici sans aucune préparation, on aurait eu 10 personnes, des amateurs de grande musique, et c'est tout", sourit M. Lemouneau.

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