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Il y a une foule de fans hurlants, des confettis et les faisceaux colorés de projecteurs. Ce n'est pas un concert, mais le rassemblement politique d'une star de cinéma dans le sud de l'Inde.
Par une soirée humide au Tamil Nadu, grand État de la pointe méridionale du géant d'Asie du Sud, la vedette moustachue des salles obscures tamoules Kamal Haasan est en meeting politique en amont des élections législatives indiennes, qui se dérouleront du 11 avril au 19 mai.
En Inde, de la célébrité à la carrière politique il n'y a qu'un pas, que nombre de personnalités n'hésitent pas à franchir. Dans la masse des milliers de candidats qui se présentent aux législatives indiennes cette année, peu bénéficient de l'aura et l'audience d'Haasan et ses pairs.
Acteur-phare de l'usine à rêves du Tamil Nadu, appelée "Kollywood", le comédien de 64 ans a lancé l'année dernière son propre parti, le Makkal Needhi Maiam ("Centre de la justice du peuple" en tamoul). L'acteur ne se présente pas personnellement aux élections mais a investi 40 candidats à des postes de députés au Parlement national, qui siège à New Delhi.
Si le nom de Kamal Haasan ne figurera sur aucun bulletin de vote, voter pour son parti reviendra bien à voter pour lui. Aucune ambiguïté. Écharpes, affiches, écrans géants: lors de ce meeting dans la grande ville de Coimbatore, son visage souriant est partout.
"Tous les candidats sont une facette de moi, et je serai le tireur de chariot", martèle-t-il sur scène.
Ses rassemblements électoraux tiennent plus du grand spectacle que des meetings politiques traditionnels. Des danseurs effectuent des chorégraphies sur les plus grandes musiques de ses films, la foule connaissant les paroles par cœur et les chantant à l'unisson.
- Cricket et cinéma -
Les partis indiens de tous bords courtisent les célébrités, comptant bien bénéficier de leur renommée au moment des échéances électorales. Ils vont pour cela particulièrement puiser dans les mondes du cinéma et du cricket, deux passions nationales et dont les plus prestigieux représentants sont adulés comme des demi-dieux.
Avec des millions d'électeurs et un nombre vertigineux de candidats, présenter un nom connu fait des merveilles, explique Rasheed Kidwai, auteur d'un livre sur Bollywood et la politique.
"Un visage célèbre que les masses connaissent déjà aide clairement en raison de la taille énorme de nos circonscriptions parlementaires", explique-t-il à l'AFP. "Leur image à l'écran permet aussi de créer un meilleur lien avec le public."
Dans ce domaine, chaque grande formation politique y va de ses vedettes.
Le Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre sortant Narendra Modi présente à ces élections Hema Malini et Kirron Kher, deux actrices chevronnées de Bollywood. Smriti Irani, une ex-animatrice de télévision, est elle devenue ministre après l'arrivée au pouvoir des nationalistes hindous en 2014.
Suivant les pas de nombreux joueurs de cricket avant lui, Gautam Gambhir, qui faisait partie de l'équipe indienne championne du monde en 2011, a lui rejoint le BJP au mois de mars après avoir pris sa retraite sportive.
Le parti du Congrès, grande formation de l'opposition, a lui engrangé le ralliement de la star de cinéma Urmila Matondkar et compte déjà dans ses rangs l'acteur Raj Babbar ou le joueur de cricket Navjot Singh Sidhu.
Mais en se lançant dans le grand bain de la politique, nombre de célébrités risquent de déchanter en découvrant la dureté des campagnes électorales et des responsabilités politiques, prévient la journaliste Vaasanthi.
"Les partis veulent utiliser leur charme mais (la politique) ce n'est pas aussi facile que se tenir devant une caméra et jouer un rôle", explique-t-elle à l'AFP.
Certains des opposants de Kamal Haasan ont suggéré qu'il manquait d'expérience politique, une accusation risible au Tamil Nadu, région qui a connu bien des stars de cinéma à sa tête depuis cinquante ans.
"L'opposition demande, +mais qui est ce type ? C'est juste un acteur+. Oui, je suis un acteur, tout le monde sait ça. Un acteur honnête", rétorque Haasan devant une foule ravie lors de son rassemblement à Coimbatore.
Ses soutiens les plus fervents placent en lui bien des espoirs. "Je suis fan de lui depuis des années", dit Abhirami, une femme au foyer assise avec sa petite fille au premier rang du meeting.
"Nous manquons de bons dirigeants au Tamil Nadu. Maintenant qu'il s'est lancé en politique, je suis là pour le soutenir. Il semble plus crédible et honnête que la plupart des politiciens."