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Un groupe ayant partie liée aux islamistes d'Abou Sayyaf est le suspect numéro un dans l'attentat contre la cathédrale de Jolo, dans le sud des Philippines, qui a fait 21 morts, ont indiqué lundi les enquêteurs.
Deux explosions ont dévasté dimanche pendant la messe l'édifice religieux situé sur l'île de Jolo, bastion d'Abou Sayyaf qui n'est pas associé au processus de paix en cours. L'attentat a été revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Les spécialistes estiment que cette attaque, l'une des plus sanglantes de ces dernières années aux Philippines, est susceptible de contrarier des années d'efforts de paix qui ont culminé la semaine dernière par un référendum local. Celui-ci a largement validé la création d'une nouvelle région autonome appelée Bangsamoro.
Les autorités ont dit que l'attentat avait vraisemblablement été commis par la faction Ajang-Ajang, un groupe de quelques dizaines de membres, et était motivé par la vengeance.
"Leur chef a été tué l'année dernière. Il y avait des informations persistantes selon lesquelles ils allaient lancer des représailles", a déclaré à l'AFP le porte-parole de l'armée régionale, le lieutenant-colonel Gerry Besana.
"Nous les avons vus sur les images de la vidéo surveillance. C'était le frère du chef qui a été abattu", a-t-il dit, en parlant d'images prises devant la cathédrale. "On le voit avec deux autres membres d'Ajang-Ajang".
D'après les forces de sécurité, cette faction est constituées de proches de membres d'Abou Sayyaf ayant été tués dans des affrontements avec le gouvernement.
- "Spécialiste des représailles" -
Spécialisé dans les enlèvements crapuleux, Abou Sayyaf est aussi accusé des pires attentats dans l'archipel, en particulier celui contre un ferry qui avait fait plus de 100 morts en 2004.
Créé dans les années 1990 grâce aux financements d'un membre de la famille du chef d'Al-Qaïda Oussama ben Laden, ce groupe s'est depuis scindé en plusieurs factions dont certaines ont prêté allégeance à l'EI.
Ajang-Ajang "est la cible d'opérations de sécurité de haut vol et le groupe s'est spécialisé dans les représailles", explique à l'AFP Rommel Banlaloi, président de l'Institut philippin pour la recherche sur la paix, la violence et le terrorisme.
Si Abou Sayyaf a prêté allégeance à l'EI, ce n'est pas forcément vrai de la totalité des membres d'Ajang-Ajang, une faction disparate, ajoute-il.
Dans un communiqué, l'EI a affirmé que deux kamikazes s'étaient fait exploser à l'intérieur de la cathédrale et dans le parking à l'extérieur, selon le Centre américain spécialisé dans la surveillance de la mouvance jihadiste (SITE).
Or, selon l'armée philippine, la deuxième bombe se trouvait dans le coffre d'une moto garée à l'extérieur de l'édifice. La police a estimé que les deux bombes avaient été déclenchées à distance, sans plus de précisions.
L'attentat est une source d'inquiétude pour les autorités et les ex-rebelles musulmans qui tentent de tourner la page de l'insurrection séparatiste dans le sud des Philippines.
Des musulmans avaient pris les armes dans les années 1970 pour réclamer l'autonomie ou l'indépendance dans ce qu'ils considèrent comme leur terre ancestrale. Cette insurrection a fait 150.000 morts.
- "Occasions gâchées" -
Le principal groupe rebelle, le Front Moro islamique de libération (Milf), avait signé en 2014 un accord de paix avec le gouvernement prévoyant d'octroyer l'autonomie à la minorité musulmane dans certaines parties de la grande île de Mindanao et des îles de l'extrême sud-ouest.
"C'est un grand défi pour le gouvernement de Bangsamoro", a ajouté M. Banlaoi.
Pour lui, les anciens rebelles doivent montrer qu'ils peuvent ramener de la stabilité dans cette région pauvre afin d'attirer les investisseurs et décourager l'extrémisme.
"Le Milf doit prouver qu'il peut faire la différence. La tâche à laquelle il est confronté est énorme", poursuit-il.
L'attentat a été perpétré malgré la loi martiale qui règne sur le sud de l'archipel depuis que des jihadistes se réclamant de l'EI avaient pris le contrôle pendant plusieurs mois en 2017 de quartiers entiers de la grande ville de Marawi.
Le pape François a "fermement condamné" ce double attentat, "un épisode de violence qui endeuille à nouveau cette communauté chrétienne".
"C'est une tragédie humaine terrible", a déclaré sur la chaîne ABS-CBN Andrew Mason, économiste à la Banque mondiale. Mais l'impact de cet attentat constitue aussi "une tragédie en termes de développement" économique.