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La pandémie de coronavirus a provoqué un séisme économique dans certains secteurs, mais elle a aussi offert certaines perspectives. Au niveau de l'éducation, les cours à distance ont forcé professeurs et élèves à numériser une partie de leurs relations. Et c'est en partie en se basant sur ce concept qu'Antoine Cariat, un jeune Bruxellois, a lancé son application Easyllabus, qui permet aux étudiants… d'écouter les meilleurs résumés ou notes de cours.
Une école de commerce, puis une idée
Bruxellois, Antoine a suivi un parcours scolaire traditionnel avant de suivre des cours à l'EPHEC, une école de commerce. "J'ai fait l'orientation commerce extérieur, à Bruxelles, et après j'ai fait une année passerelle pour faire mon Master à l'ICHEC en Sciences commerciales", nous a-t-il expliqué.
J'ai donc pris mes cours et je les ai enregistrés en les récitant
L'histoire de son idée, il le reconnait, fait très cliché. "Mais c'est comme ça que ça s'est passé. En 2016, j'étais en 3e à l'EPHEC, je suis parti en Erasmus à Bologne et j'avais des centaines de pages à étudier. Et je me suis que si j'avais toutes ses pages en format audio, je retiendrais peut-être ta matière plus vite, et en plus grande quantité. J'ai donc pris mes cours et je les ai enregistrés en les récitant. J'avais donc plein de fichiers MP3 et dès que j'allais me balader, faire mes courses ou visiter un endroit et que j'étais seul, j'écoutais mes cours". Il estime que ça lui a permis de réussir ses examens.
"Passionné d'entreprenariat", il concrétise l'idée
Durant quelques années, l'idée a germé dans la tête d'Antoine, qui poursuivait donc ses études. "Comme je suis devenu passionné d'entreprenariat, je me suis dit que je devais tester cette idée, c'était en 2019. Je suis à temps plein dessus depuis ce moment-là. Je me suis tourné vers l'incubateur (structure qui aide des entrepreneurs à se lancer) de l'ICHEC. Au moins de décembre, je commence à enregistrer mes premières capsules, et je vois que ça fonctionne très bien".
Les syllabus, on n'y touche pas, on les laisse aux professeurs, on n'a pas les droits dessus de toute façon
Petit à petit, l'idée se transforme donc en projet concret. "A ce moment-là, on tourne autour des 450 écoutes mensuelles pour quelques centaines d'utilisateurs". Il a choisi des cours très fréquentés pour ses premiers essais. "J'ai pris la première année de psycho à l'ULB, et la troisième de droit à l'ULB. Les capsules étaient basées sur les meilleures notes de cours, résumés et synthèses. Les syllabus, on n'y touche pas, on les laisse aux professeurs, on n'a pas les droits dessus de toute façon".
On passe par les groupes Facebook d'étudiants
Pour trouver cette matière première essentielle, donc les résumés et les synthèses, "on est passé énormément par les groupes Facebook d'étudiants: ils rassemblent des milliers de personnes, et on a accès directement à nos utilisateurs. Je demandais à la personne qui a réalisé les notes si elle était d'accord qu'on en fasse des capsules, j'enregistrais avec mon micro et une carte son, et je les envoyais sur les plateformes existantes à ce moment-là, donc Spotify, Apple Podcast et SoundCloud".
Rassembler des fonds: "Assez facile dans mon cas"
Antoine sent bien qu'il tient quelque chose, mais il doit aller plus loin pour construire un business model, donc un plan de revenus pour un entreprise. Il participe alors à un salon. "Une personne qui travaille pour un fond wallon, Digital Attraction, passe par mon stand et trouve l'idée assez cool et me demande des infos". Quelques temps plus, "je passe devant un comité et j'obtiens 25.000 euros de fonds pour lancer Easyllabus".
J'ai engagé 12 étudiants réciteurs, choisis pour leur qualité d'orateurs
Cette somme lui permet "en 2020, d'instaurer de procédés et de rendre le truc un peu plus professionnel. J'ai engagé 12 étudiants réciteurs, choisis pour leur qualité d'orateurs, ça leur a permis de se faire un peu d'argent durant la période compliquée qu'on connait. Tout ça nous a permis de produire beaucoup de capsules. Entre mars et juin 2020, on est passé à 45.000 écoutes et plusieurs milliers d'utilisateurs actifs. On était super content".
Plus tard dans l'année, grâce à une nouvelle aide publique de 75.000 euros ("j'ai eu de la chance dans mon parcours, ça n'a pas été trop dur de trouver des fonds pour le moment"), la possibilité de mieux contrôler et monétiser la mise en ligne et l'écoute des 'cours audio' se dessine. "Ça coute beaucoup d'argent, une appli, mais les utilisateurs le demandaient, car les plateformes ne sont pas vraiment faites pour un usage d'écoute de cours divisés en années, en cours, etc. On perdait beaucoup d'écoutes".
Depuis le début du mois de mars 2021, Easyllabus peut être téléchargée sur les magasins d'applications pour les smartphones Android et les iPhone. "On intègre toujours de la publicité pour générer des revenus, développer le produit, payer ceux qui travaillent. Mais on a désormais un abonnement Premium à 3,99€ par mois, qui permet d'écouter sans publicité, de lire sa synthèse en même temps qu’on l'écoute, et d'écouter les capsules offline (donc hors connexion)". Le succès est au rendez-vous. "On voulait 1.500 téléchargement un mois, on y est parvenu en une semaine".
Les cours disponibles se développent et se diversifient. "En moyenne, un cours, c'est 7 à 8 capsules de 15 à 25 minutes. Pour l'instant, on choisit les cours en fonction du nombre d'étudiants. Car pour produire un cours, ça nous coûte de l'argent, et il faut donc le rentabiliser. Pour ça, il faut qu'il soit écouté au maximum. On cible donc les universités et les facultés où on est sûr que le cours va fonctionner. On poste parfois des sondages sur des groupes Facebook pour voir les cours qui sont les plus demandés. Mais on va prévoir un nouveau système pour que n'importe qui puisse uploader sa capsule. C'est la V2, ça va venir".
Si je ne fais pas avancer un projet, la locomotive ne part pas
Le plus difficile ? "Si je ne fais rien, rien ne bouge"
Si Antoine adore l'expérience entrepreneuriale qu'il vit actuellement, il admet qu'il y a des côtés parfois négatifs. "Le plus difficile ? Quasiment tout est difficile. En fait, si je ne fais rien, rien ne bouge. Si je ne fais pas avancer un projet, la locomotive ne part pas. C'est ça qui est compliqué, c'est le fait de ne compter que sur soi-même. Tous les jours, il faut pousser, pousser, pour que ça avance".
Ce jeune Bruxellois de 25 ans qui veut "faire une nouvelle, vraie levée de fonds", plus conséquente, s'attend tout de même que "ça soit plus difficile".