Heureux riverains de Surice, un village isolé de l'entité de Philippeville, dans le Hainaut, Jordan accepte volontiers les inconvénients de la campagne en matière d'accès au réseau. Mais il déplore le fait de payer un prix identique à ceux qui jouissent d'une connexion optimale, leur permettant de surfer convenablement ou d'avoir accès à une offre de télévision plus moderne.
Vivre dans des zones très isolées a de nombreux avantages: un plus beau cadre de vie, pas de problème de circulation ou de parking, le silence, la nature, etc…
Mais il a un inconvénient majeur: l'isolement. Il faut souvent faire le deuil d'un bon accès aux transports en commun, aux commerces, aux autoroutes et… aux services de télécommunication.
Tant que ces derniers se limitaient à la télédistribution et la téléphonie fixe, il n'y avait pas trop de problèmes. Mais l'arrivée de l'internet a changé la donne, d'autant plus ces dernières années, car il a tendance à devenir toujours plus indispensable.
Jordan, qui a contacté la rédaction de RTL info via la page Alertez-nous, est bien conscient de la situation, et ne se plaint pas de l'isolement digital de la campagne. "Nous avons choisi d'y vivre pour le calme, la beauté des paysages, et en sachant que nous ne pouvons pas disposer des mêmes avantages qu'offre la ville", reconnait-il.
Ce qu'il ne trouve pas juste, et on peut le comprendre, c'est que les prix pratiqués par les opérateurs ne soient pas proportionnels à la qualité du service.
Une "zone non modernisée"
Jordan, qui travaille dans des bureaux à Bruxelles, est un heureux riverain Surice, une section de la commune de Philippeville, dans la botte du Hainaut, non loin de la frontière française.
"Un petit village avec peu d'habitants", pour Jordan, qui savoure la quiétude de la campagne. "Une zone non-modernisée", pour les opérateurs (c'est de cette manière que Voo qualifie le village de Jordan, lorsqu'il évoque les limites de son abonnement au service clientèle).
Cet isolement numérique a plusieurs conséquences. La première est que Jordan doit oublier la notion de 'pack', qui permet de faire des économies importantes. "Je ne sais pas avoir la télévision via Proximus, ni l'internet via Voo, j'ai donc un abonnement auprès de chaque opérateur".
Dont coût: environ 50,95€ par mois pour Proximus (internet et téléphonie fixe), et 26,95€ par mois pour Voo (télédistribution et location du décodeur). Soit près de 80€ au total !
Une des deux factures mensuelles de Jordan
De l'internet fixe à 3 MBps: "28 semaines" pour télécharger un film
Deux abonnements, qui sont de plus de qualité limitée, voire nulle…
Chez Proximus, "nous payons pour une formule nous promettant jusqu'à 70 MBps (quantité de données maximale qui peut transiter par seconde, NDLR), mais nous sommes plafonnés à 3 MBps". Conséquence directe: "il est souvent difficile de regarder une petite vidéo, même sur Facebook, souvent elle ne démarre même pas, elle se bloque". Or, des vidéos, il y en a de plus en plus, et ça ne devrait pas s'arrêter. "L'autre jour, j'ai lancé le téléchargement d'un film, et le temps estimé était de 28 semaines et quelques jours".
Chez Voo, il n'a pas accès aux options de télévision à la demande (VOD), mais il a tout de même de la HD.
Le télévision interactive, Jordan peut l'oublier
Jordan réclame une loi
S'il accepte d'avoir moins d'options et un service de moins bonne qualité à la campagne, il trouve en revanche "choquant" de "payer la même chose que pour un service à la pointe".
Toutes les pétitions signées par les riverains n'ont rien donné. "Un de mes voisins a fait le tour du village, et a envoyé les pétitions à Test-Achat, mais ça n'a rien donné".
Face à ce qu'il estime être une injustice, Jordan aimerait que soit votée "une loi imposant aux opérateurs de fixer leur prix proportionnellement au service réel".
Que dit Proximus ?
Les opérateurs, hélas, n'ont vraiment pas l'intention de changer la donne et de facturer une connexion sur base de la vitesse effective.
"Dans le prix d'un abonnement, les clients ne paient pas uniquement le débit, mais aussi tout ce qui va avec", nous a expliqué Haroun Fenaux, porte-parole de Proximus, qui précise rapidement que "si on devait faire payer les clients proportionnellement aux coûts des infrastructures pour de l'internet loin dans les campagnes, ils seraient très contents de la situation actuelle".
Comprenez donc que même si la vitesse de l'ADSL est très basse dans les zones rurales, Proximus doit déjà dépenser pas mal d'argent pour y amener son réseau, aussi faible fut-il.
"Plus c'est isolé, plus c'est cher (il faut tirer plus lignes, creuser plus de tranchées, installer plus de matériel)", nous précise Proximus. Or, ces investissements ne sont pas du tout rentables: "on ne rentre pas dans nos frais", vu le peu de ménages qui peuvent devenir clients dans les zones rurales. "Proximus est une entreprise cotée en bourse", et doit rendre des comptes à ses actionnaires, même s'il s'agit majoritairement de l'Etat belge. Les investissements doivent donc être justifiés, et justifiables.
L'opérateur historique rappelle tout de même que chaque année, c'est "environ 1 milliard d'euros" qui est investi dans les "réseaux fixes, mobiles et les infrastructures informatiques".
Aucune loi en vue
Si l'on a bien compris que Proximus n'avait nullement l'intention d'adapter ses tarifs en fonction de la vitesse de connexion, qu'en est-il du côté de l'IBPT, l'Institut belge des services postaux et des télécommunications, qui agit en tant que régulateur ?
"A ma connaissance, il n'y jamais eu de telle loi, et il n'y a rien de tel en préparation", nous a expliqué Dirk Appelmans, porte-parole de l'IBPT.
Le régulateur peut intervenir s'il y a de grosses différences entre la vitesse promise par un opérateur, et la qualité du service pour le consommateur. Mais Proximus parle bien d'une connexion "maximale et théorique" de 70 MBps dans les petits caractères de ses promos pour son internet fixe. D'ailleurs, sur son site où l'on peut tester la vitesse d'une connexion en fonction de son adresse précise, on se rend compte que Jordan doit théoriquement s'attendre à du… 2,8 MBps :
Même s'il reconnait une certaine forme d'injustice, l'IBPT voit mal comment une loi pourrait arranger les choses. "Je ne sais pas si c'est vraiment faisable d'adapter une facture en fonction de la vitesse, cela demanderait des mesures au cas par cas, ce serait compliqué".
Le porte-parole de l'IBPT rappelle qu'il existe une carte de la Belgique avec les vitesses d'accès à l'internet fixe, ainsi qu'un site pour comparer les tarifs et peut-être, découvrir. Et qu'en cas de plainte, il faut se tourner vers le Service de médiation pour les télécommunications.
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