Accueil Actu

Franc suisse: l'onde de choc se poursuit, une décision "juste" pour la BNS

Le directeur de la Banque nationale suisse (BNS) se dit samedi "persuadé de la justesse" de la décision de laisser s'apprécier le franc suisse, qui a provoqué une onde de choc dans l'économie helvétique et encore secoué les marchés financiers vendredi.

"La décision que nous avons prise n'est pas aisée. Je comprends parfaitement les interrogations, critiques et réclamations, mais il ne sert à rien de craindre les conséquences d'une décision dont nous sommes persuadés de la justesse", affirme le directeur général de la BNS, Thomas Jordan, dans une interview aux quotidiens suisses Le Temps et NZZ.

Jeudi, la BNS a décidé d'abandonner le taux plancher qui était fixé depuis 2011 à 1,20 CHF pour un euro, ce qui a provoqué un séisme sur les marchés boursiers et des devises. Le franc a gagné environ 20% par rapport aux autres devises et s'échange désormais autour d'un euro.

"Il faut rappeler que le taux plancher a été dès le départ compris comme une mesure exceptionnelle d'une durée limitée. Il allait devoir être abandonné", poursuit M. Jordan, pour qui l'objectif n'était plus "justifié et durable".

Il note que cela "pourra prendre du temps" avant que les marchés ne trouvent leur équilibre.

Vendredi, la Bourse suisse a accusé une nouvelle fois le coup, finissant la séance sur une perte de 5,86% après avoir dévissé de 8,7% jeudi, un record de chute depuis 1988.

Les actions des banques et de l'industrie du luxe ont subi les baisses les plus spectaculaires.

En outre, pour la première fois, le taux d'emprunt à 10 ans de la Suisse sur le marché obligataire secondaire est devenu négatif, avec un taux de -0,031%, contre +0,076% la veille à la clôture.

Concrètement, cela signifie que celui veut prêter de l'argent à la Suisse doit payer pour le faire.

Ces taux négatifs devraient donc en principe décourager les investisseurs de placer en franc suisse et les inciter à se tourner vers d'autres monnaies comme l'euro.

Les milieux économiques en Suisse ont exprimé leur inquiétude.

Le patronat helvétique, regroupé dans l'association Economiesuisse, remarque que la décision de la BNS "a pris de court les marchés et les entreprises".

"Aux yeux de l'économie, cette mesure est incompréhensible à l'heure actuelle", ajoute-t-il.

Economiesuisse prévoit dès à présent que des sociétés exportatrices et le secteur du tourisme seront obligés de "réduire la voilure".

L'industrie du textile a également fait part de sa préoccupation, car elle exporte 75% de sa production vers l'UE. Employant plus de 12.500 personnes, elle s'attend à des fermetures d'entreprises, et par conséquent à des pertes d'emplois.

- Un horloger tenté de partir -

La mesure continue aussi à susciter des remous sur les marchés des devises.

Aux Etats-Unis, le grand courtier en ligne FXCM a annoncé ne plus pouvoir respecter les règles prudentielles parce que ses clients ruinés lui doivent 225 millions de dollars, tandis qu'en Grande-Bretagne, la maison de courtage Alpari UK s'est déclarée en cessation de paiement.

Secteur emblématique, les montres suisses voient leur prix bondir de 15% à 20% pour leurs clients étrangers, alors même que le Salon international de la Haute Horlogerie, qui accueille des milliers de revendeurs étrangers, ouvre ses portes lundi à Genève.

La plupart des commandes passées auprès des très grandes marques horlogères le sont à l'occasion de ce salon.

Vendredi, le patron d'une petite marque horlogère, H. Moser & Cie, installée près de la frontière allemande, a rendu publique une lettre ouverte adressée au directeur de la BNS.

"Les premiers détaillants" qui commercialisent les montres de cette marque, vendues à 95% à l'étranger, ont "annulé leur commandes à la suite de votre annonce", y écrit cet entrepreneur, Edouard Meylan, avertissant qu'il est tenté de délocaliser son entreprise en Allemagne, toute proche.

Vendredi matin, la grande banque suisse UBS a été la première à sabrer ses prévisions de croissance pour la Suisse en 2015, en raison de cette nouvelle donne financière : elle table désormais sur une progression de 0,5% du PIB en 2015, au lieu de 1,8% précédemment, et d'1,1% en 2016, au lieu d'1,7%.

La Suisse avait connu une situation similaire à l'été 2011, en pleine crise financière mondiale. Le franc suisse à l'époque était très convoité, jouant à plein son rôle de valeur refuge, et s'était, du coup, également envolé pour atteindre la parité avec l'euro.

Cet appétit international pour la monnaie helvétique avait poussé en septembre 2011 la BNS à adopter le taux plancher.

Pendant trois ans et demi, la BNS a consciencieusement acheté des euros quand trop de spéculateurs s'intéressaient au franc suisse et faisaient pression à la hausse. En presque quatre ans, ses réserves en euros ont ainsi été multipliées par 10.

D'après des experts, la situation devenait de plus en plus intenable pour la BNS.

À la une

Sélectionné pour vous