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Michel Bouquet: "Je n'arrêterai jamais le théâtre, pourquoi arrêter ?"

Le comédien Michel Bouquet qui remonte, à 90 ans, sur les planches du théâtre Hébertot à Paris le 23 décembre dans la pièce "A Tort et à raison" de Georges Weller, a confié à l'AFP: "Je n'arrêterai jamais le théâtre, pourquoi arrêter?"

"Je ne suis pas infatigable, je suis très fatigué, mais je ne peux pas m'en empêcher", admet-il, un sourire de sage sur les lèvres. "Tenter la chose, c'est ce qui me passionne vraiment, explique-t-il. Je me dis à chaque fois que je n'y arriverai pas et j'essaie d'y arriver." Il entend tenir son rôle physiquement et en justesse: "les deux choses. Je me dis: 'passerai-je la limite ou pas?'", poursuit-il, le regard pétillant, "j'ai quand même 90 ans".
 
Michel Bouquet a célébré son grand âge le 6 novembre, sur la scène du théâtre d'Angers, dans la peau de Wilhelm Furtwängler, chef d'orchestre renommé accusé d'être un nazi, dont on instruit le procès dans "A tort et à raison" de Georges Weller. La pièce mise en scène par Ronald Harwood se jouera sur les planches du théâtre Hébertot, à Paris, à partir du 23 décembre, "pour trois ou quatre mois".
 
"Je l'avais déjà jouée il y a vingt ans avec Claude Brasseur à Montparnasse", se souvient-il. "Le rôle n'est pas très long, Juliette (Carré) y interprète un petit rôle, avec Francis Lombrail, le directeur du théâtre, et deux jeunes comédiens merveilleux." Son épouse, Juliette Carré joue à ses côtés, comme dans "Le Roi se meurt" (Ionesco) cette année à Hébertot.
 
Son amour du théâtre est insatiable. "Il y a beaucoup de rôles que je voudrais jouer encore. Je n'arrêterai jamais le théâtre, pourquoi arrêter? Seulement, je passe des nuits blanches à me dire que je vais m'arrêter en plein milieu."
 
Pourtant, ce n'est pas du plaisir, dit-il, "c'est une angoisse affreuse. Mais c'est intéressant. Pour vivre quelque chose que l'on ne vivrait pas autrement, on ne risque rien, rien sauf de se casser la figure".


"Laisser parler la grande voix"

Le comédien a travaillé les textes des plus grands auteurs: Jean Anouilh, Harold Pinter, qu'il a connus, Molière qu'il admire par-dessus tout. Il exerce son métier dans l'obéissance. Le comédien doit s'oublier, selon lui, s'effacer devant le texte. "Il ne faut pas surtout pas se mêler de la pensée de Molière, ce serait complètement dingue de dire qu'on a compris Henri Michaux, on ne peut pas dire que l'on a compris un auteur, si on le dit, on est un imbécile. Il vaut mieux laisser parler la grande voix."
 
Son regret est de n'avoir jamais joué le rôle d'Hamlet. Mais il a eu "la chance d'avoir les plus grands" professionnels comme Harold Pinter. "J'ai été protégé. Ce sont eux qui ont fait ma carrière", relève-t-il.
 
Il a joué "Le Malade imaginaire" des centaines de fois. "Jouer n'est pas jouer, ce n'est pas vrai, il faut éprouver c'est tout. Molière est vraiment fabuleux, c'est un cas insensé, pas un mot qui ne soit pas sublime", déclare-t-il, émerveillé.
 
Les réalisateurs de cinéma qu'il admire le plus au monde sont Friedrich Wilhelm Murnau et Erich van Stroheim.
 
Il a une mémoire phénoménale, pleine de souvenirs précieux. "Jean Grémillon était un ange descendu sur terre. Un des plus grands réalisateurs français, peut-être avec Renoir."
 
En 1955, il a prêté sa voix au documentaire "Nuit et Brouillard" de Alain Resnais, sur les camps d'extermination. "Il m'a montré pendant trois jours la totalité de ses images, j'ai tout pris dans la figure", se souvient-il.
 
La Shoah est "impardonnable". "Cela a stoppé l'homme", dit-il dans "La Vénus au Miroir", un documentaire que Jean-Pierre Larcher lui consacre et qui sera diffusé dimanche soir sur France 2.

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