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Les maronites de France avaient déjà un diocèse, les voici dotés d'un nouveau siège épiscopal près de Paris, signe d'un "enracinement" selon leur évêque: leur patriarche Bechara Raï l'inaugurera dimanche, lors d'une visite qui n'éludera pas le sort des chrétiens d'Orient.
Chef de l'Eglise maronite - la communauté catholique libanaise - depuis mars 2011, le cardinal Raï effectuera à partir de samedi et jusqu'à mardi sa quatrième visite pastorale en France, marquée lundi par un entretien avec le président François Hollande à l'Elysée.
"Notre patriarche, quand il se déplace ici, est accueilli comme un chef d'Etat, notamment en raison de la relation séculaire entre l'Eglise maronite et la France", a souligné devant la presse l'évêque de l'éparchie (diocèse) maronite à Paris, Mgr Maroun-Nasser Gemayel.
Le cardinal Raï est le 77e patriarche depuis l'arrivée des premiers disciples de saint Maron au Liban en provenance de Syrie, il y a plus de 1.500 ans. Nul doute qu'il évoquera avec François Hollande, qu'il a déjà rencontré en avril 2013, la question délicate du siège du président libanais, vacant depuis près d'un an faute d'accord politique et traditionnellement dévolu à un maronite, seul chef d'Etat chrétien du monde arabe.
Le patriarche devrait plaider la "neutralité positive" du Liban et le "renforcement de ses forces de sécurité", comme il l'a fait début avril lors d'une "messe aux intentions de la France". Il avait aussi souligné la nécessité d'un soutien de Paris "pour gérer humainement et dignement le problème des réfugiés syriens et irakiens et ses conséquences malheureuses sur la sécurité, sur l'économie et sur les plus démunis des Libanais".
Le patriarche maronite "d'Antioche et de tout l'Orient", qui est l'un des dignitaires chrétiens de la région s'exprimant le plus fréquemment contre "la violence des courants intégristes" jihadistes, "a un message politique pour François Hollande", confirme Mgr Gemayel. "Mais c'est aussi un message pour l'Eglise universelle: comment pourrait-elle imaginer un Orient sans chrétiens?", ajoute le premier évêque maronite en France.
"Les chrétiens d'Orient sont dans une situation dramatique, comme on en a jamais vue. On a l'impression qu'on est arrivés à la fin", se désole le prélat libanais. Or, fait-il valoir, "les chrétiens au Moyen-Orient font le pont entre l'islam et l'Occident. On a une expérience de 1.400 ans avec l'islam, on parle leur langue, on a des habitudes communes".
- "Intégrés, pas dissous" -
Les maronites "se sentent particulièrement concernés" par cette situation, eux qui sont "habitués à l'émigration", souligne l'évêque.
Aujourd'hui, même s'ils ne sont que quelque 85.000 en France, sur une diaspora de plusieurs millions de membres dans le monde, leur présence se structure autour d'une autonomie et d'une visibilité nouvelles, selon Mgr Gemayel.
Longtemps placée sous la juridiction de l'archevêque de Paris, ordinaire des catholiques orientaux de France, la communauté maronite a été élevée au rang d'éparchie par le pape Benoît XVI en juillet 2012, avec à sa tête un chef membre de la Conférence des évêques de France.
Ce diocèse a depuis peu son siège épiscopal à Meudon (Hauts-de-Seine) - dans une vaste maison au nom prédestiné, la Villa des Cèdres - qu'inaugurera dimanche le cardinal Raï. Le patriarche commémorera aussi le centenaire de l'affectation (1915) au culte maronite d'une chapelle de la rue d'Ulm, devenue la cathédrale de la communauté sous le nom de Notre-Dame-du-Liban. On y dit la messe en syriaque, et surtout en arabe. "Nous apportons notre parfum oriental", se félicite l'évêque, qui est aussi visiteur apostolique pour 16 pays d'Europe septentrionale et occidentale.
"On était d'une terre lointaine, aujourd'hui on est dans un enracinement", estime le prélat. "Intégrés? Certainement. Dissous? Loin de là".
"Nous sommes là pour bâtir ensemble cette Eglise avec cette France qui nous est chère", dit encore Mgr Gemayel. "Il faut des paroisses, des prêtres, tout ça manque pour l'instant". Neuf paroisses établies, notamment à Paris, Lyon, Marseille et Suresnes dans les Hauts-de-Seine, 18 autres en devenir (à Bordeaux, Nice...), une quinzaine de prêtres... "Mais je n'ai pas peur, tous nos baptisés sont engagés auprès de nous", se rassure l'évêque.