Accueil Actu Monde International

L'artiste sud-africain Robin Rhode voit Johannesburg comme une "toile brute"

350ac148ff3c7b8ea61faff0e763ecfe83327693
EMMANUEL CROSET

Le support de sa dernière oeuvre en date, Robin Rhode, artiste sud-africain installé à Berlin, l'a trouvé dans un stade abandonné de Johannesburg, ville où il a grandi et dont la "déliquescence" l'inspire.

"Mon travail est profondément enraciné dans Johannesburg et je pense qu'une des raisons en est que la ville fonctionne, par bien des aspects, comme une sorte de toile grossière, abîmée, c'est presque un appel à dessiner ou peindre une nouvelle histoire sur cette toile brute", explique à l'AFP l'artiste de 48 ans.

Robin Rhode a quitté Johannesburg pour Berlin il y a 20 ans, lorsque sa carrière internationale a décollé. Il peint sur des murs, enflamme des pianos et dessine des objets de tous les jours (clés, ampoules...) à la craie ou au fusain.

Il s'exprime souvent sur des supports extérieurs (murs, sols), où le gros de son travail est voué à s'effacer. Ses oeuvres sont immortalisées dans des photos souvent espiègles, où lui-même ou ses collaborateurs posent parfois durant la création, ou dans des vidéos.

Son travail a été acheté par des institutions aussi prestigieuses que le MoMA (musée d'Art moderne) à New-York. Il a réalisé une vidéo pour le groupe de rock U2 et a remporté le Zurich Art Prize en 2018.

Il pourrait travailler n'importe où, mais Johannesburg l'appelle sans cesse à revenir.

Il y a 15 ans, le Stade Cecil Payne de la capitale économique sud-africaine avait été profondément rénové et mis aux normes pour devenir un site d'entraînement de la Coupe du monde de football de 2010 organisée en Afrique du Sud.

Laissé ensuite à l'abandon par la municipalité, sa clôture est progressivement volée pour être vendue au prix de la ferraille.

fd11a22f61b4b6ec17367c3c7f72a50e904d29ef
EMMANUEL CROSET

Un club privé entretient le terrain principal, mais mauvaises herbes, tessons de bouteilles et même des douilles de munitions ont envahi ce qu'il reste d'un golf miniature, de mini-terrains de football en béton et d'un mur d'entraînement de tennis.

C'est sur ce mur que Robin Rhode a peint la première oeuvre d'une série intitulée "Joburg Hymn".

"Revenir de Berlin, me promener à nouveau dans ces lieux, parcourir la ville et voir la déliquescence de ces structures, a vraiment eu un effet profond sur moi", dit-il. "Cela m'a motivé à revenir pour réveiller ces installations".

- Terrains décrépis, galeries chics -

Johannesburg a épuisé 10 maires ces huit dernières années, certains ne restant que quelques semaines, transformant le conseil municipal en jeu de chaises musicales.

f414bbe5115db22cbd5df09955af10cc41fa1e71
EMMANUEL CROSET

Dans ce contexte de pagaille politique, une ligne de train de banlieue a fermé, des éclairages publics se sont éteints et des infrastructures telles que le stade ont cessé d'être entretenues.

Cette déliquescence a inspiré "Joburg Hymn" qui mêle dessins, peintures, photos, vidéos et animations.

Un drone, piloté par son frère Wesley, filme par exemple Robin Rhode posant en noir au milieu d'ampoules - symbole des nombreuses coupures d'électricité que subit la ville - dessinées sur le sol des terrains désaffectés.

Le virtuose sud-africain du piano Qden Blaauw, originaire du Cap, ou une chanson interprétée par Maxime Sheepers, Love Schebabe et Kevin Narain, chanteuse et chanteurs de Johannesburg, accompagnent des vidéos.

"Travailler avec Robin me rappelle toujours de garder espoir et rester optimiste", explique à l'AFP Kevin Narain. "Ce qu'on fait c'est donner une nouvelle vie au paysage. Cela ressuscite un passé oublié".

"Joburg Hymn" est exposé en septembre et octobre dans deux galeries de Johannesburg, la prestigieuse Circa et la galerie Stevenson voisine, deux endroits chics à mille lieues des terrains décrépis qui sont les sources fertiles de sa créativité.

76525b0c36892bfd78f7710ede49d30db40d30a3
EMMANUEL CROSET

"La toile brute qu'est Johannesburg me sert d'inspiration, de motivation, c'est un moyen pour moi de revenir et d'injecter une sorte d'énergie et une vie, une nouvelle histoire dans ces espaces délabrés. Cela appelle une régénération", analyse M. Rhode.

Cela "permet aussi à mon art de fonctionner comme une critique des diverses structures politiques qui s'effondrent. Je veux utiliser mon art comme un mécanisme de changement".

À lire aussi

Sélectionné pour vous