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La Cour suprême américaine se plonge dans le marigot du découpage électoral partisan

Les neuf juges de la Cour suprême américaine se sont trituré les méninges mercredi pour jauger si un Etat du Sud a tracé sa carte électorale en fonction de considérations raciales, "exilant" 30.000 électeurs noirs de leur circonscription.

L'actuelle majorité républicaine à la Chambre des représentants tenant à quelques sièges, toute inflexion de la jurisprudence de la Cour suprême pourrait déterminer la marge de manoeuvre du prochain président des Etats-Unis. Et ce, d'autant plus que les cartes électorales font l'objet de contentieux judiciaires dans une dizaine d'Etats.

Au coeur des discussions, le découpage électoral partisan, dit "gerrymandering", consistant à déplacer les frontières des circonscriptions au gré des intérêts de la formation au pouvoir.

La Cour suprême majoritairement conservatrice a décidé en 2019 que ce charcutage ne relevait pas de la compétence des tribunaux fédéraux, mais il reste prohibé lorsqu'il se pratique sur des bases raciales et non plus de l'affiliation politique.

Les neuf juges s'intéressaient mercredi à la Caroline du Sud, où la majorité républicaine a "blanchi" la 1ère circonscription, à Charleston, en "exilant 30.000 citoyens afro-américains", soit 62 % de la population noire, selon les magistrats de première instance.

"Toute cette affaire revient à démêler la race de la politique", a résumé Samuel Alito, l'un des juges les plus conservateurs, alors que les deux se recoupent bien souvent dans les comportements électoraux.

Ainsi en Caroline du Sud comme en Alabama, autre Etat du Sud où la Cour suprême a invalidé la carte électorale jugée discriminatoire, sur sept élus à la Chambre des représentants, chacun des deux Etats compte six républicains blancs et un démocrate noir.

La majorité conservatrice a laissé percer son scepticisme face à la décision de première instance concluant que le facteur racial a été le motif prédominant" du découpage autour de Charleston.

"Nous n'avons jamais eu d'affaire comme celle-ci", a dit le président de la Cour, John Roberts, relevant l'absence de preuve directe ou de "circonscriptions aux contours bizarres", révélatrices d'un gerrymandering racial.

Statuer en faveur des plaignants "marquerait un tournant dans notre jurisprudence sur le droit de vote", a-t-il souligné à l'intention de leur avocate, Leah Aden.

- "Flagrant délit" -

Les trois juges nommées par des présidents démocrates se sont montrées plus sensibles aux allégations de gerrymandering racial, rappelant qu'un "flagrant délit" n'était pas nécessaire pour en établir la preuve.

Les débats, qui ont duré plus de deux heures, ont également porté sur le degré de préséance à accorder aux conclusions de fait de la juridiction inférieure.

La Cour a fixé à fin janvier 2024 les ultimes soumissions des parties et pourrait donc statuer peu après.

Pour les militants des droits civiques, comme l'influente organisation ACLU, le temps presse, à l'approche d'une année électorale cruciale.

"Les électeurs noirs de la 1ère circonscription ont déjà dû voter une fois en vertu de cette carte inconstitutionnelle en 2022", a déploré Sophia Lin Lakin, qui suit les questions électorales pour l'ACLU. "Ils ne devraient pas avoir à subir cela de nouveau aux prochaines élections".

La semaine dernière, un tribunal fédéral a validé la nouvelle carte électorale de l'Alabama, incluant deux et non plus seulement une circonscription à majorité afro-américaine.

Le tribunal puis la Cour suprême avaient invalidé la carte adoptée par la majorité républicaine, au motif qu'elle violait le Voting Rights Act. Cette grande loi sur les droits civiques adoptée en 1965 visait à empêcher les anciens Etats ségrégationnistes du Sud de priver les Afro-Américains du droit de vote.

En Géorgie et en Louisiane, des juridictions fédérales doivent se prononcer sur des recours pour un nouveau tracé des cartes électorales qui comprenne dans chacun de ces deux Etats du Sud dirigés par les républicains une circonscription supplémentaire à population majoritairement afro-américaine.

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