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En Virginie, tempête autour des droits des élèves transgenres

Lorsque le gouverneur de Virginie a annoncé qu'il comptait restreindre les droits des élèves transgenres, l'information a fait l'effet d'une déflagration chez les militants LGBT.

Depuis, la riposte s'organise autour de ce sujet sensible sur lequel se déchirent conservateurs et progressistes, et qui a été brandi comme épouvantail par de nombreux candidats de droite aux élections de mi-mandat.

Glenn Youngkin, le gouverneur républicain à qui sont prêtées avec insistance des ambitions présidentielles, dit défendre les "droits des parents" et vouloir les replacer "au centre" des décisions concernant leurs enfants.

Dans son projet de directives, dont l'entrée en vigueur a été repoussée d'un mois sur fond de contestation, il entend faire en sorte qu'un élève transgenre ne puisse demander à être appelé par un autre prénom que si ses parents le demandent par écrit au personnel éducatif. Même chose pour ses pronoms.

Or, soulignent ses opposants, cela pourrait mettre en danger certains élèves n'ayant rien dit à leurs géniteurs de crainte d'une réaction de rejet.

Les élèves doivent également, selon ces propositions, utiliser les toilettes correspondant à leur "sexe biologique" et non à leur identité de genre, et participer aux activités sportives sur la même base.

Des mesures "cruelles" et "clivantes", dénoncent les militants LGBT.

"Ça n'a rien à voir avec les droits des parents", affirme à l'AFP Ranger Balleisen, lycéen transgenre de 17 ans à McLean, en Virginie.

"Il s'agit plutôt d'attaquer les élèves trans et de les utiliser pour promouvoir son programme politique. C'est injuste. C'est dangereux pour nous", ajoute Ranger, membre du Pride Liberation Project, qui a organisé fin septembre une grève lycéenne de protestation à laquelle ont participé plus de 12.000 élèves selon le mouvement.

- "Gauche radicale" -

Avec ce projet, Glenn Youngkin, élu après avoir fait campagne sur le droit des parents à être impliqués dans l'éducation de leurs enfants à l'école, avec dans le viseur l'"idéologie" progressiste, détricote des mesures favorables aux élèves transgenres mises en place sous son prédécesseur démocrate Ralph Northam.

Un message à l'attention de la base républicaine, disant qu'il "mène une guerre pour reprendre l'école à ce qu'elle considère comme la gauche radicale" dans un contexte de polarisation extrême du pays, affirme à l'AFP Matt Dallek, historien de la politique à l'université George Washington.

Si les offensives conservatrices sur les sujets de société sont loin d'être nouvelles, "ce que l'ex-président (républicain) Donald Trump a montré de manière très efficace, c'est que si vous utilisez les questions de société comme arme, cela peut vraiment mobiliser vos partisans", ajoute-t-il.

Et avec une Cour suprême désormais à majorité conservatrice, qui a dynamité cet été le droit fédéral à l'avortement, le mouvement conservateur pense avoir le vent en poupe.

"Il y a le sentiment au sein de la droite américaine que sur certaines des questions de société sur lesquelles ils se battent depuis des décennies, ils commencent enfin à gagner", dit Matt Dallek.

- Bataille judiciaire -

D'où le fait que les personnes transgenres aient été un thème récurrent dans la campagne pour les élections parlementaires du 8 novembre.

Signe du vif débat sur la question, plus de 70.000 commentaires ont été publiés sur le forum public consacré au projet de M. Youngkin. Beaucoup y sont opposés avec véhémence, mais de nombreux messages le soutiennent fortement.

"Les écoles sont faites pour éduquer, pas pour endoctriner", dit l'un. "Les parents devraient avoir le droit de savoir quelles décisions leurs enfants mineurs sont en train de prendre", dit un autre.

Alors que depuis quelques années des propositions de loi visant à restreindre les droits des personnes transgenres essaiment à travers le pays, militants et ONG tirent la sonnette d'alarme, disant craindre une augmentation du nombre de suicides chez les jeunes transgenres.

Refuser d'appeler une personne par le nom qu'elle préfère "est une preuve indéniable de manque de respect et de mépris", dénonce la branche pour la Virginie de l'organisation de défense des droits civiques NAACP.

Glenn Youngkin, qui a quadrillé le pays ces dernières semaines pour soutenir des candidats républicains - lui-même n'est pas en lice - reste droit dans ses bottes. "Les enfants n'appartiennent pas à l'Etat, ils appartiennent aux familles", répète-t-il.

Il pourrait se retrouver face à une bataille judiciaire. Des écoles ont d'ores et déjà annoncé qu'elles rejetaient ses règles, et des experts ont mis en doute leur légalité.

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