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Le Conseil d'Etat, un hyperactif en attente d'un nouveau patron ou patronne

Avis de vacance à la plus haute juridiction administrative de France: le Conseil d'Etat voit mardi son dirigeant, Bruno Lasserre, partir à la retraite sans successeur nommé à un poste aussi politique que stratégique en temps de crise sanitaire.

Attendu mardi après-midi place du Palais-Royal pour marquer la fin du mandat de M. Lasserre, Emmanuel Macron glissera-t-il au vice-président de l'institution (le Premier ministre en est le président en titre) l'identité de celui ou celle qui s'assiéra dans son fauteuil ?

Pour l'heure, en attendant une hypothétique annonce mercredi en Conseil des ministres, aucun profil ne se dégage pour prendre la tête d'une juridiction qui a capté la lumière comme jamais lors de ces deux dernières années "un peu folles", selon les mots de M. Lasserre.

"Le Conseil d'Etat s'est transformé en ruche", témoigne encore le haut fonctionnaire, en citant les "200 textes en matière de Covid" du gouvernement qui ont fait l'objet d'un avis en 2020, "dont 112 ont été examinés en moins de cinq jours".

Il a aussi fallu faire face à "l'inflation des référés", ces recours en urgence déposés par centaines par des citoyens, associations ou organisations professionnelles contestant la gestion de la pandémie, et qui "ont changé le regard politique et médiatique sur nos décisions", selon M. Lasserre.

"On a été les juges du temps court, de l'urgence. J'ai dû tenir le navire dans des eaux agitées", observe encore le vice-président, pur produit de l'institution dont il a gravi tous les échelons avant d'en prendre la tête en 2018, après notamment 12 ans aux commandes de l'Autorité de la concurrence.

Parfois accusée d'une endogamie coupable avec le pouvoir exécutif - les conseillers d'Etat, souvent issus de la défunte ENA, essaiment dans les ministères - l'institution s'est toutefois distinguée en 2021 en infligeant deux camouflets au gouvernement, avec la suspension d'une partie de la réforme de l'Assurance chômage, puis l'amende de 10 millions d'euros pour ne pas avoir lutté suffisamment contre la pollution de l'air dans plusieurs zones en France.

De quoi pousser M. Macron à se pencher avec acuité sur le profil du successeur de M. Lasserre, sans "candidat évident", dixit un poids lourd du gouvernement.

- "Oiseau rare" -

Le poste aurait pu échoir à Marc Guillaume, qui a suivi le cursus honorum de plusieurs anciens patrons de l'institution en occupant le rôle de secrétaire général du gouvernement de 2015 à 2020.

Mais, outre des relations fraîches avec Jean Castex qui lui a demandé de plier bagages à son arrivée à Matignon, M. Guillaume a été pris dans les remous de l'affaire d'inceste, classée sans suite pour prescription, visant le politologue et ami Olivier Duhamel, et a été épinglé par une enquête de presse mettant en avant de supposés comportements misogynes.

De plus, Marc Guillaume, âgé de 57 ans, s'engagerait pour un bail de dix ans, jusqu'à l'âge limite de départ à la retraite. "Or, la maison considère qu'il y a besoin d'alternance au bout de 6-7 ans", assure un fin connaisseur des lieux.

Dans ce flou, "des noms sont évoqués sans que personne n'ait le moindre début d'information crédible", s'amuse un conseiller d'Etat.

A commencer par celui de Sylvie Hubac (65 ans), actuellement présidente de la section de l'Intérieur du Conseil d'Etat. Ou encore ceux de Jean-Paul Faugère (65 ans) et Christophe Chantepy (62 ans), deux anciens directeurs de cabinet à Matignon, respectivement auprès de François Fillon et Jean-Marc Ayrault.

Mais M. Macron pourrait encore s'accorder un délai de réflexion, auquel cas l'intérim reviendrait à Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études. Une situation qui "paraît incongrue et inconséquente" au député LR Philippe Gosselin, qui rappelle que "la succession de M. Lasserre n’est pas un imprévu".

"S'il y avait l'oiseau rare, on l'aurait trouvé et ce n'est pas deux ou trois semaines en plus en janvier qui changeront les choses", fait valoir un ténor du gouvernement, en jugeant "pas souhaitable" de laisser dans l'incertitude une juridiction "que l'on saisit tout le temps".

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