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L'application 'Rencontre Ados', développée par un Belge, accusée d'être un "repère à pédophiles": elle a été retirée du Play Store

À l'ombre des mastodontes comme Tinder, Fruitz et autres Meetic, destinées à un public majeur, les applications de rencontre pour adolescents ne sont pas en reste. L'une d'elle défraye la chronique en ce moment : "Rencontre Ados".

L'application, qui est aussi un site, se définit comme "un site de rencontres gratuit pour les jeunes de 13 à 25 ans". Une tranche d'âge qui peut interpeller, car de jeunes adolescents peuvent être confrontés à des adultes de plus de 10 ans qu'eux. "Au départ en 2006, c'était 13-17, mais pour augmenter le nombre d’utilisateurs, j'ai mis 25 pour avoir les “jeunes adultes” en plus et augmenter la fréquentation", reconnait Thomas Mester, le créateur. 

Le Belge qui est derrière l'application ne s'en cache pas le moins du monde, sa création n'a qu'un seul objectif : lui rapporter de l'argent. "En 2006 j'avais 16 ans, j'avais besoin d'argent et je savais coder. Ma mère regardait tous les prime de la Star Academy et à chaque coupure pub, il y avait MEETIC, j'en ai donc déduit qu'il y avait beaucoup d'argent dans la rencontre. Mais s'attaquer à une niche aussi large me paraissait insensé, alors j'ai décidé de choisir une niche: les seniors, les LGBT, etc, mais quand on choisit une niche, il faut connaitre voir être dedans pour connaître ses besoins. J'ai donc choisi la mienne : ados."

Polémique

Si son application fait parler d'elle aujourd'hui, ce n'est pas pour la bonne cause, loin de là. Tout part d'une publication sur X, anciennement Twitter.

L'utilisatrice du réseau social affirme avoir entendu parler de l'application via une amie. Intriguée, elle décide de se créer un compte, sans photo, en se faisant passer pour une adolescente de 13 ans. Il n'aura fallu que quelques minutes pour qu'elle reçoive des messages déplacés dont un qu'elle affiche. La rédaction de RTL info a procédé au même test et a obtenu les mêmes résultats. 

Cette publication a provoqué un vif émoi, surtout chez des parents inquiets de voir à quoi leurs enfants peuvent être exposés. C'est le cas d'Élodie, dont la fille a 13 ans. "On a peur pour nos enfants. Le monde est dangereux, en fait. En tant que parents, on a une responsabilité, mais il faut qu'on soit aidé. Où s'arrête la responsabilité des parents et de l'Internet ?", se questionne la maman. Elle se dit prête à porter plainte. 

Une augmentation de 82%

Pour qu’une plainte aboutisse, encore faut-il que la police soit en mesure de collecter les informations.

"Les problèmes avec les plateformes de ce type, c'est qu'on a de faux profils", détaille Yves Goethals de la section Child Abuse de la Police fédérale. "Des adultes qui se présentent comme des enfants. Ils vont essayer d'obtenir des choses que les jeunes donneraient plus facilement à d'autres mineurs d'âge. Certains vont essayer d'en tirer plus des jeunes en faisant du chantage une fois qu'ils ont des photos compromettantes."

Et ces faits ne sont pas rares. Pire, ils sont même en très forte augmentation. Stephan Smets travaille chez Child Focus et assure que "le nombre de cas de grooming (quand quelqu'un prend contact avec un mineur afin de lier des rapports émotionnels avec lui dans le but de le soumettre à des abus sexuels ou à son exploitation sexuelle, ndlr), dans le monde entier, a augmenté de 82% l'année dernière. La majorité des cas rapportés sont en Europe."

"Créer un site de rencontre où on met ensemble des jeunes de 13 ans et des adultes de 25 ans, et sans contrôle d'âge, c'est comme si on créait une bergerie et qu'on laissait entrer les loups", métaphore-t-il.

Mais les sites de rencontre ne sont pas les seuls endroits privilégiés par les prédateurs. "Ce genre d'applications, tout comme les réseaux sociaux ou les jeux en ligne avec une fonction chat sont des moyens de faire une première rencontre. À partir de là, la personne mal intentionnée va demander à échanger via d'autres canaux comme Snapchat où les conversations sont cryptées."

Parlez-en

Si jamais un jeune devait se retrouver piégé dans une situation qui lui a échappé, Yves Goethals donne un conseil capital : en parler à ses parents. "On a constaté que si un jeune de 14 ans demande conseil à un autre jeune de 14 ans, ce n'est pas une bonne idée, ça tourne mal. Il faut créer une situation dans laquelle le jeune peut dire 'j'ai fait une bêtise, voilà le résultat. S'il vous plaît, aidez moi'. Il faut donner le message aux jeunes qu'ils ne sont pas seuls. On va toujours faire de notre mieux pour aider un mineur d'âge qui en a besoin."

Avis incendiaires

Sur Google Play Store, l'application (qui n'est pas disponible sur l'App Store) est pour le moins très mal cotée : à peine 1,7/5. Autre curiosité : l'application se veut destinée aux 13-25 ans, mais est renseignée comme étant "Pegi 18". Cette classification, que l'on retrouve également sur les jeux vidéo, "s’applique lorsque le degré de violence atteint un niveau où il rejoint une représentation de violence crue, de meurtre apparemment sans motivation ou de violence contre des personnages sans défense. La glorification des drogues illégales et les contacts sexuels explicites entrent également dans cette tranche d’âge". 

Toujours sur le Play Store, on trouve notamment plusieurs commentaires qui parlent d'un même danger : les prédateurs sexuels qui sévissent en nombre. 

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 Face à ces critiques, Thomas Mester, le fondateur de l'application, se défend en mettant la responsabilité... sur les ados eux-mêmes. "Il y a un système d’amitié et un système qu’on appelle 'gate' qui permet de n’avoir d’invitation que de profil correspondant à ses critères de recherche", nous indique-t-il. "Donc si vous ne configurez pas vos critères (1er volet de sécu.) et que vous acceptez sans regarder l’âge (2ème volet de sécu.). Oui, n’importe qui peut vous envoyer un message. Alors que sur Facebook, Snapachat et TikTok il n’y a que le système d’amis."

"Avez-vous déjà créé un compte Snapchat ? C’est bien pire que nous, eux ils n'ont AUCUN check. Vente de drogue, dickpics, vente de faux billets, prostitution, etc. Mais bon, c’est une multinationale américaine cotée en bourse et ils ne répondront pas à vos messages", ajoute le jeune trentenaire.

Et pour conclure, il fait une comparaison entre son application pleine de prédateurs et... la gare du Midi. "La gare du midi est un repère de toxicos et de voleurs. On fait quoi on la ferme ? Le problème se déplacera. Il faut des outils pour lutter. Et actuellement, Internet est anonyme". "C’est aux parents d’aller vers les enfants et discuter des dangers du WEB et autres et de comment agir face à cela. De ne pas croire les infos et photos sur un profil, car tout peut être falsifié."

Des règles présentes... pour rien ? 

Lorsque l'on s'attarde dans les conditions générales de l'application, on se rend compte que les concepteurs ont bien pensé à ce problème de prédateurs. 

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Pourtant, malgré la présence de cette charte détaillée, le contrôle des créateurs n'est que très partiel. D'autant qu'il n'y a que trois personnes, dont deux bénévoles, pour surveiller plusieurs centaines de milliers de comptes. En tout, deux millions de comptes sont créés sur Rencontre Ados, mais ils ne sont pas tous actifs, précise Thomas Mester. 

Pour Child Focus, signifier qu'il faut une autorisation parentale est "probablement une tentative de se protéger en tant qu'organisateur de cette plateforme, mais ça n'est d'aucune utilité. Aucun jeune ne va demander l'accord de ses parents pour rejoindre une plateforme de rencontres, et si ce n'est pas contrôlé, ça n'a pas de sens de demander un accord parental". "Il ne faut pas que les parents interdisent, car ça peut avoir l'effet inverse, mais si les jeunes se rendent sur ces plateformes, ils doivent être conscients des risques."

"Notre espoir réside dans la nouvelle loi qui doit arriver au Parlement européen au mois d'octobre. Cette loi protégera les jeunes, car elle obligera tous les opérateurs, comme ici Rencontre Ados, à faire une analyse de risques et prendre les mesures nécessaires pour éviter à tout prix qu'un adulte puisse approcher un mineur à des fins sexuelles."

Rappel utile : 

  • Envoyer des photos de sexe sans le consentement de la personne qui les reçoit (peu importe son âge) est punissable par la loi. 
  • La majorité sexuelle est fixée à 16 ans. 
  • N'envoyez JAMAIS de photos dénudées de vous à une personne que vous ne connaissez pas ou que vous n'avez jamais vue.
  • Soyez prudents si vous rencontrez pour la première fois une personne que vous avez connue sur Internet. Prévenez des amis ou des proches sur le lieu de rendez-vous. 
  • Si vous envoyez des photos dénudées à quelqu'un, la loi interdit à cette personne de partager ces photos avec d'autres personnes.
  • Si vous souhaitez porter plainte, pensez à garder un maximum de preuves. 

Supprimée du Play Store

Un jour après notre enquête, l'application n'est plus disponible sur le Play Store de Google.

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