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Le mouvement clandestin nationaliste corse du FLNC dit "du 22 octobre" a annoncé mardi qu'il s'engageait dans "un processus de démilitarisation", deux ans après l'annonce du dépôt des armes par la principale branche de l'organisation.
Cette annonce a été faite lors d'une conférence de presse nocturne clandestine sur le mode de ce que pratiquait le Front de libération nationale corse (FLNC) depuis sa création, il y a 40 ans, le 5 mai 1976.
"Nous voulons apporter notre pierre à l'édifice de la construction apaisée de notre nation (...) et engager un processus de démilitarisation de l'espace politique", a déclaré un porte-parole du FLNC du 22 octobre, cagoulé et vêtu d'un treillis noir, à six journalistes réunis dans le maquis dans un endroit inconnu d'eux.
Une trentaine de militants armés de fusils d'assaut, armes de poing et autres lance-roquettes entouraient l'orateur assis à une table ornée du drapeau corse frappé de la tête de Maure et faiblement éclairée par plusieurs petites lampes. Sur le devant de la table, une banderole au sigle FLNC et au sol, une autre avec l'inscription "A Ragione hè a nostra forza" ("la raison est notre force").
Lors de la lecture d'un texte de sept pages, le porte-parole a affirmé que la démarche de son groupe devait "renforcer le processus de paix initié par l'Union des combattants" (UC, principale composante du FLNC). Celle-ci avait annoncé en juin 2014 une "démilitarisation de l'espace politique" pour favoriser une solution politique de la question corse.
Le FLNC a connu depuis sa création plusieurs scissions et des affrontements sanglants, ainsi que des réunifications et recompositions.
Le président nationaliste de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni s’est réjoui de cette annonce qui "va dans le bon sens , après celle de l’Union des combattants en 2014". "Il appartient désormais à la France de répondre à ces initiatives, son silence jusqu’à présent ne manquant pas de paraître inquiétant", a déclaré M. Talamoni à des journalistes.
Gilles Simeoni, le président de la Collectivité territoriale de Corse (CTC), a lui aussi déclaré espérer, après cette nouvelle, "que la fenêtre qui existe aujourd’hui pour le dialogue et pour une avancée, sera véritablement investie par toutes les forces politiques, y compris par l’Etat dont nous attendons évidemment qu’il crée véritablement lui aussi les conditions d’un dialogue serein avec l’ensemble des Corses".
- "l'attitude rigide" de Manuel Valls -
Né le 22 octobre 2002, le FLNC 22 octobre avait exprimé son désaccord avec la majorité des clandestins qui avaient scellé une paix en 1999, aux terme d'une guerre fratricide ayant fait des dizaines de morts dans les rangs nationalistes. Il avait rallié l'UC en 2009, avant de s'en séparer de nouveau en 2012.
Pour le "22 octobre", la démarche de démilitarisation doit permettre à l'Assemblée de Corse, à majorité nationaliste depuis décembre 2015, de "gérer sereinement cette mandature".
Mais, a-t-il ajouté, "la cessation des actions militaires ne signifie pas un dépôt des armes". Celui-ci ne sera "réel que lorsque la France cessera de nier le suffrage universel et qu'elle s'engagera vers une solution politique négociée".
Une autre condition concerne "la reconnaissance officielle du peuple corse (...) et son droit à l'autodétermination".
"L'adieu aux armes, a enfin souligné le porte-parole, ne sera total qu'au retour des prisonniers politiques et l'arrêt des poursuites pour tous les militants recherchés. Pas avant !".
Estimant que "l'Etat français ne cherche plus à masquer son opposition à toute évolution institutionnelle et ne tient compte en rien des votes de l'Assemblée de Corse", le FLNC du 22 octobre a déploré la poursuite "de la répression et de ses dénis de démocratie".
Ces votes concernent des réformes votées par la majorité de gauche de l'Assemblée, avant la victoire des nationalistes. Il s'agit notamment de la coofficialité de la langue corse, l'instauration d'un statut de résident pour freiner la spéculation foncière et immobilière et une fiscalité adaptée.
Mettant en garde contre "des attaques sordides, possibles manipulations +barbouzardes+ et arrestations arbitraires, qui auraient pour seul but de provoquer un retour aux armes des mouvements clandestins", le porte-parole a considéré que "l'attitude rigide et complètement fermée du Premier ministre français (Manuel) Valls cache difficilement un désarroi profond".
Le "22 octobre" a rappelé ne pas avoir "revendiqué d'action militaire depuis de nombreuses années" mais ne pas avoir non plus "annoncé de trêve, ni de dépôt des armes" depuis sa création. En 2012, plusieurs de ses membres avaient été condamnés à Paris pour des attentats commis entre 2004 et 2006.