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Le site de petites annonces Vivastreet.be, plateforme de prostitution ? Le fondateur se défend

Le site de petites annonces Vivastreet.be, plateforme de prostitution ? Le fondateur se défend
 
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Vivastreet.be a tout d'un site traditionnel de petites annonces, comme 2ememain.be ou Vlan.be. Mais contrairement à ces deux références belges, une catégorie y a son importance: Rencontres. De nombreuses prestations tarifées y sont mises en avant via des annonces 'premium', donc payantes. Nous sommes parvenus à poser quelques questions au fondateur de Vivastreet, le Français Yannick Pons. On a également recueilli l'avis du SPF Justice pour qui la fermeture de ce site n'aurait aucun effet bénéfique, favorisant un retour vers davantage de clandestinité, avec moins de possibilité de contrôle.

La prostitution, depuis des siècles, est un phénomène de société très difficile à cerner par les autorités politiques. Légale, tolérée partiellement, acceptée sous certaines conditions strictes, complètement illégale: les réglementations diffèrent selon les régions et les époques.

L'arrivée du web a forcément perturbé la donne. On pense bien entendu aux nombreux sites de rencontre. Si leur objet principal est bien la mise en relation de personnes, ils constituent un lieu idéal pour que des professionnels du sexe trouvent leur client, même si ces sites s'en défendent. C'est le cas de Vivastreet, l'un des sites de petites annonces les plus importants en France. Le 4 mai, sa rubrique "Rencontres" comptait un total de 258428 annonces dont 93360 dans la section "Sans lendemain" et 8264 dans la section "Erotica". Des médias français comme Le Monde ou Les Inrocks ont rapporté plusieurs témoignages de personnes se prostituant via des petites annonces dans ces sections. Un journaliste des Inrocks a posté une annonce 'Erotica Gay' et détaille son expérience étonnante. Pas plus tard hier, un média local évoquait le démantèlement d'un réseau de prostitution à Lyon qui utilisait la plateforme Vivastreet.

Depuis un an, Vivastreet fait l'objet d'une enquête préliminaire pour "proxénétisme aggravé", après le dépôt d'une plainte l'accusant d'héberger des milliers de petites annonces de prostitution déguisée. Selon une enquête du journal Le Monde, il y avait en 2017 sur Vivastreet.fr 7.000 offres dans les rubriques d'escorting, ce qui représente, selon les mois, entre 40% et 50% du chiffres d'affaires petites annonces de Vivastreet, qui est estimé entre 11 à 21 millions d'euros.

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La page d'accueil de Vivastreet.be ne cache pas ses 'recherches populaires'

En Belgique, la plateforme Vivastreet.be ne s'en cache pas: dès la page d'accueil, les recherches les plus populaires sont affichées, et il s'agit à chaque fois de "Escort" suivi d'une ville ou d'une région (voir copie d'écran ci-dessus). Or, la notion d'escort renvoie directement à de la prostitution dite 'privée', soit en dehors de la voie publique. On y trouve même généralement les tarifs des prestations, à l'heure. La prostitution est tolérée en Belgique, rappelons-le.

Y a-t-il d'autres sites de petites annonces en Belgique qui hébergent des 'rencontres', 'escort' et autres 'massages et plus' ? Un seul, d'après nos recherches, et c'est sur quicherchetrouve.be, un site pas spécialement connu. On y trouve plusieurs sous-catégories (homme, femme, etc), et les tarifs sont clairement mis en avant. Cela semble être le seul autre site d'annonces généraliste à autoriser clairement ce genre de proposition. Les autres sites, dont les plus connus 2ememain.be et Vlan.be, ont choisi de rester en dehors de cette catégorie délicate à gérer. Si vous tapez 'escort' sur 2ememain.be, vous ne tomberez d'ailleurs que sur des Ford. Si vous tapez 'sexe' sur Vlan.be, vous ne verrez que les DVD de la série 'Sex and the City'.

Pourquoi Vivastreet a-t-il commencé à accepter ces annonces ?

Ça n'a pas été simple, mais nous sommes parvenus à nous entretenir avec un (ancien) responsable de Vivastreet. Il s'agit en réalité de son fondateur, le Français Yannick Pons, pionnier dans les sites web francophones dits 'UGC' (User Generated Content, dont le contenu est généré par les utilisateurs). Il a commencé par "appartager.com" en 1998, un site permettant de trouver un colocataire ou une chambre dans une colocation. Il a eu l'idée de lancer Vivastreet plus tard, voyant le succès de Craiglist aux Etats-Unis, un site de petites annonces.

Il nous explique comment Vivastreet en est venu à héberger des annonces de type 'rencontres'. "Les sections ont été créées à la requête des utilisateurs, ou plutôt parce qu'on a commencé à apercevoir des annonces inappropriées placées dans des catégories qui ne correspondaient pas du tout. Je me souviens de cet exemple dans la catégorie babysitting, un 'gros bébé de 49 ans' cherchait une babysitter de 16 ans. Un maman a appelé pour nous dire qu'elle avait vu cette annonce à côté de celle de sa fille, qui était une babysitter...". De plus en plus d'annonces de ce type "polluaient" les autres sections, et Vivastreet a décidé alors, "vers 2007", de créer les sections 'Erotica' et 'Sans lendemain', qui existent encore sur Vivastreet. Le 4 mai dernier, la rubrique "Sans lendemain" comptait 93360 petites annonces, la section Erotica en proposait 8264.

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En cliquant sur 'Rencontres', on tombe immédiatement sur des relations tarifées

Ces annonces sont devenus une source de revenu, pourquoi et comment ? "Elles étaient tellement nombreuses qu'elles étaient devenues impossibles à gérer. Par défaut, il y a un ordre chronologique pour le classement des annonces ou des résultats de recherche, et les gens en postaient sans cesse pour apparaître en haut. A l'époque, en France, de 70.000 annonces dans cette catégorie quand elle était gratuite, on est passé à 7.000", nous a expliqué par téléphone Yannick Pons.

Le fondateur de Vivastreet, qui n'occupe plus de fonction exécutive désormais, a tenu à évoquer la difficulté de gérer des sites où les utilisateurs génèrent le contenu. "Il faut être le plus libre possible. Si on met des curseurs, si on est trop stricte, si on règlemente tout, il n'y a plus de site". Leur contrôle est donc a posteriori, une fois que des problèmes sont constatés car les gens s'approprient des plateformes et en font ce qu'ils veulent. "C'est un combat permanent pour les abus du système, une lutte pour éviter les activité illégale (mineur, pédophilie, etc)".

Impossible de savoir quelle est la part des rentrées financières de Vivastreet.be en provenance de la catégorie 'rencontres'. On a constaté cependant que sur les 40.394 annonces du site, la moitié (20.344 le 4 mai) est rangée dans cette catégorie. "En Belgique, placer une annonce dans la catégorie rencontre est gratuit", nous a-t-on fait remarquer. A moins qu'on en fasse une annonce 'premium' ou 'vip' pour qu'elle apparaisse en haut de la liste. Et on en a vu beaucoup, des annonces payantes de ce type (voir ci-dessus). En France, le vendredi 4 mai, 258.428 annonces étaient publiées. À 79,99 euros la publication (pour 30 jours) et des tarifs de 29,99 euros ou 79,99 euros pour une meilleure mise en avant de l'annonce par rapport aux autres, on peut imaginer le chiffre d'affaires important que génère cette rubrique pour Vivastreet.

L'avocat de Vivastreet en Belgique nous a précisé qu'on ne pouvait pas, juridiquement parlant, accuser Vivastreet de prostitution ou de proxénétisme, "car il n'y a pas de lien entre la rémunération et l'activité: c'est comme si on accusait Electrabel ou Proximus de tremper dans la prostitution car ils fournissent de l'électricité ou du téléphone à un bordel".

Les Etats-Unis viennent de fermer un site du même genre et d'inculper les patrons

Les Etats-Unis luttent depuis des années contre la présence en ligne de la prostitution. Et les choses viennent de changer. Il y a quelques semaines, la Chambre des représentants (organe législatif) a passé une loi destinée à faciliter les sanctions contre les sites web concernés.

Cette loi a mis du temps à être adoptée car les grands acteurs du web ont fait longtemps pression, vu qu'elle s'oppose à une autre loi qui les arrangeait bien. Une loi de 1996 qui accordait une immunité judiciaire large aux sites internet pour les contenus publiés sur leurs plateformes par les utilisateurs.

La nouvelle loi a donné ses premiers résultats aux Etats-Unis. Backpage.com, site américain de petites annonces, a été récemment fermé car accusé de favoriser la prostitution de mineurs. Les responsables ont fini par plaider coupable de trafic d'êtres humains.

La plateforme, parfois présentée par ses détracteurs comme le premier site de prostitution du monde - même si, parmi ses millions de petites annonces, beaucoup ne concernent pas la prostitution - avait été brutalement fermée le 6 avril par les autorités fédérales, et sept de ses responsables inculpés.

L'avocat de Vivastreet en Belgique nous a précisé que le site ne pouvait pas être comparé à Backpage.com. "Ils ont franchi la ligne rouge pour plusieurs raisons: ils agissaient en connaissance de cause et il y avait de l'incitation". D'un point de vue extérieur, néanmoins, Backpage était un site de petites annonces généraliste qui hébergeait plusieurs catégories 'rencontres', tout comme Vivastreet.

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Le site Backpage.com, désormais, ça ressemble à ça...

En Belgique, une philosophie radicalement différente !

Les Etats-Unis sont passés à l'action, mais la situation est différente en Europe et en Belgique. Chaque état membre de l'UE reste souverain dans ce domaine. En Belgique, "effectivement, l’article 380 du Code pénal interdit l’exploitation de la prostitution, mais celle-ci n’est pas interdite" en tant que telle, nous a rappelé Sharon Beavis, porte-parole du SPF (Service Public Fédéral) Justice. Concernant la prostitution en ligne, par exemple via des petites annonces sur Vivastreet.be, "l'article 380ter du même Code peut aussi servir de base pour des poursuites contre ces sites".

Mais notre Justice n'aborde pas le problème de la prostitution de cette manière, et cible plutôt les réseaux de proxénétisme, ainsi que l'exploitation d'hommes, de femmes et d'enfants. "Eu égard au principe de l’opportunité des poursuites applicable en Belgique, le ministère public n’est pas obligé de poursuivre toutes les infractions dont il a connaissance et il établit des priorités en respectant les directives générales du Collège des Procureurs généraux, notamment en matière de traite des êtres humains. Les priorités des parquets peuvent s’adapter aux réalités de terrain auxquelles ils sont confrontés".

Ces sites internet communiquent des informations aux parquets sur des annonces qu’ils soupçonnent couvrir des faits d’exploitation, ce qui peut donner lieu à l’ouverture d’enquêtes et à des poursuites

Comprenez que notre justice n'a pas vraiment le temps pour scruter le web à la recherche des petites annonces de prostitution en ligne belges, et qu'elle préfère s'attaquer aux filières susceptibles de contraindre des êtres humains à la prostitution. Filières criminelles qui mêlent souvent proxénétisme et trafic en tous genres…

De plus, partir à la chasse aux sites comme Vivastreet n'est pas la solution, selon notre porte-parole. "Appliquer l’art. 380ter de manière conséquente et ensuite fermer tous ces sites n’est ni réaliste ni opportun. Ils continueront à apparaître (se déplaçant au besoin vers des pays plus tolérants) et la prostitution s’exercera davantage dans la clandestinité. Cela compliquera davantage les possibilités d’identifier les cas d’exploitation sexuelle".

Au contraire, même, il faudrait laisser ces sites en activité car ils collaborent avec notre justice. "Ces sites internet communiquent des informations aux parquets sur des annonces qu’ils soupçonnent couvrir des faits d’exploitation, ce qui peut donner lieu à l’ouverture d’enquêtes et à des poursuites. Sur une simple requête par une apostille, ils fournissent toutes les données utiles et vraiment exploitables pour permettre l’identification des auteurs. Ces sites déclarent eux-mêmes ne pas tirer de profit commercial en cas d’abus perpétré via leur site internet, et plusieurs dénonciations spontanées sont déjà venues d’eux".


 

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