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Magali est au CPAS. Maman de 4 enfants, elle a dû quitter, en décembre, son logement qui se situait dans l'entité de Quaregnon (Hainaut). Depuis, impossible de trouver un toit. "Dans mon propre pays, être dans cette situation, je trouve ça honteux", dénonce cette dame qui assure "toujours avoir payé ses loyers et factures à temps".
Madison se fait beaucoup de souci pour son amie Magali. Elle a donc décidé de contacter notre rédaction pour faire la lumière sur la détresse qu'elle a pu observer dans le regard de cette personne qu'elle connaît depuis de nombreuses années. "J’ai une amie qui a quatre enfants, dont un petit dernier est né en décembre 2015. Sa propriétaire lui a remis son préavis, et depuis le 1er décembre, elle n’a plus de domicile. Mon amie étant au CPAS, les propriétaires refusent de lui louer leur logement sous prétexte qu’elle n’est pas fiable. Elle a pourtant toujours été en ordre au niveau de ses loyers", s'est inquiétée Madison via notre bouton orange
39.000 ménages en attente d'un logement social
Un témoignage qui met en lumière les difficultés pour les personnes qui émargent au CPAS de trouver un logement, qu'il soit privé ou social. S'il existe pourtant 101.000 logements publics, "39.000 ménages sont en attente", nous a confirmé Daniel Pollain, porte-parole de la société wallonne des logements.
"A croire que le CPAS est la peste"
Magali, que nous avons contactée peu de temps après avoir été avertis pas son amie, fait donc partie de ces milliers de personnes inscrites sur des listes pour obtenir un logement. "Je suis une maman de 36 ans avec quatre enfants, âgés de 6, 5 et 2 ans et un bébé qui vient d'avoir un mois. Ma situation est compliquée. Ma propriétaire a repris sa maison pour usage personnel en décembre". Si elle estime qu'un logement social règlerait une bonne partie de ses soucis, elle ne se cantonne pas qu'à cette idée. "On ne cesse de chercher autre chose, mais quand on dit au propriétaire que je suis au CPAS, il refuse de nous louer son bien. Toutes les portes se ferment devant moi, à croire que le CPAS est la peste. Pourtant j'ai toujours payé mes loyers en temps et en heure", s'indigne-t-elle.
A l'heure actuelle, Magali vit avec ses 4 enfants et son compagnon (ce dernier est sous la mutuelle suite à une dépression), chez ses parents dans l'entité de Quaregnon. "Mais la maison est petite. En plus ils ont un certain âge et n'ont plus la santé qu'il faut pour endurer cela", précise Magali. Toute la famille se retrouve donc sous un seul toit, dans des conditions précaires.
Un parcours parsemé d'embûches
Magali, qui a arrêté ses études à 16 ans sans avoir décroché son CEB (Certificat d'études de base), n'a jamais travaillé.
Après avoir fait face à de nombreux refus pour décrocher un emploi, elle a décidé d'entreprendre une formation de "technicienne de surface" en 2007.
Malheureusement, cette tentative s'est avérée infructueuse. "Je me suis fait agresser dans le train en me rendant à cette formation. Suite à cela, je n'ai plus pu y aller", regrette-t-elle avant d'ajouter: "Et sans diplôme, travailler à l'heure actuelle c'est difficile".
Coût de la vie élevé, pénurie d'emplois et difficultés à trouver un logement. Autant d'épreuves pour ces personnes qui vivent avec un revenu d'intégration sociale (Chiffres au 1er septembre 2015: 114.195 personnes bénéficiaient de ce revenu) et qui se retrouvent généralement dans une situation de précarité telle qu'elles ont l'impression d'être face à un mur.
"Si elles ne bénéficient pas d'un logement social tout de suite, ce qui est généralement la règle car il de nombreux ménages en attente en région wallonne, ces personnes se tournent vers le privé et là, une habitation pour un couple et quatre enfants, ce sera très difficile à trouver en-dessous de 600 euros par mois. Or cela représente déjà la moitié de son revenu, et personne n'a encore mangé une tartine avec ça", indique Luc Vandormael, président de la fédération des CPAS.
Face aux difficultés, la colère l'emporte
C'est donc un sentiment de colère qui s'est emparé de cette jeune maman, qui ne sait plus à quel Saint se vouer. "Là pour l'instant je suis très très déprimée. Je dirais même que je suis dans l'injustice. Ce n'est déjà pas normal d'être dans son pays et de n'avoir droit à rien. C'est très dur à vivre. D'ailleurs je suis suivie depuis quelques mois chez un psychiatre", précise Magali. "Je ne suis pas raciste, mais...", ajoute-t-elle, démontrant bien qu'elle en veut énormément à la Belgique dans son ensemble.
Des réactions de ce type, Luc Vandormael en entend régulièrement. Elles sont selon lui inhérentes à la détresse des gens qui se retrouvent au CPAS, mais ne visent pas la bonne cible. "Les discours qui sous-entendent ou qui disent clairement qu'on sait aider les étrangers mais pas les Belges, malheureusement on l'entend de plus en plus mais je pense qu'il faut s'inscrire en faux parce que l'aide aux personnes étrangères n'enlève rien, même pas un centime, aux droits des autochtones", martèle- t-il.
Pourquoi Magali n'a-t-elle pas encore de logement social ?
Etant inscrite au CPAS de Quaregnon, Magali a trois options qui se présentent à elle: demander un logement social, s'inscrire dans une agence immobilière sociale, ou essayer de louer un bien privé.
En ce qui concerne les logements sociaux, sa situation devrait accélérer la procédure. "J'ai une attestation du CPAS comme quoi je suis bien sans abri, depuis un mois maintenant", nous confie Magali.
"Mais malgré cela je ne vois rien arriver", fulmine cette mère de famille.
La situation actuelle presse bien entendu Magali, qui occulte dès lors que le fait de disposer d'un logement social en quelques semaines est quasi mission impossible en dehors des cas de force majeure ou d'urgence sociale, activés au compte-gouttes. "Il y a toute une série de critères qui sont établis par la société wallonne du logement. C'est en quelque sorte un système qui, en fonction de la situation sociale de la personne, attribue un certain nombre de points", indique Luc Vandormael.
Un classement auquel vient se greffer l'ancienneté de la demande. Puis, en fonction du nombre de chambres sollicitées et de l'endroit sollicité, les demandeurs arrivent en haut de la liste, et le logement est attribué. Mais les revendications de Magali risquent de ne pas jouer en sa faveur au niveau de l'attente. "Mon fils de 6 ans souffre de troubles du comportement et d'un léger retard mental. Il est donc dans un enseignement spécialisé et je ne souhaite pas le changer d'école. Je dois donc rester près de Mons car il a besoin de stabilité. Il faudrait aussi que le bus qui l'amène à l'école passe là", précise cette maman.
"Tout ce que je désire, c'est un logement avec 3 ou 4 chambres"
La deuxième solution qui se présente à Magali est de s'inscrire dans une agence immobilière sociale. Un système un peu différent, car il s'agit ici d'une agence qui loue des bâtiments à des propriétaires avec un bail assez long. Ces agences s'engagent à effectuer des travaux éventuels de rafraîchissement et s'engagent aussi à ce que le loyer soit payé, "avec un montant un peu inférieur aux prix du marché, mais plus élevé quand-même que dans les logements sociaux", précise Luc Vandormael. Il s'agit donc d'un instrument de logement public où un intermédiaire (l'agence) garantit au propriétaire le bon état du bâtiment et le paiement du loyer, mais celui-ci est dès lors légèrement inférieur aux loyers qu'on retrouve dans le privé.
Ensuite, la troisième et dernière solution, c'est de louer un bien à un particulier. Mais les personnes qui émargent au CPAS se retrouvent dans ce cas souvent confrontées à deux difficultés. La première, ce sont les prix demandés, souvent trop élevés au vu de leurs revenus. Ensuite, il y a le refus des propriétaires de louer leur bien à quelqu'un qui bénéficie du revenu d'intégration sociale. La garantie locative est pourtant souvent avancée par le CPAS où est inscrite la personne, sans que cela soit une obligation, mais les propriétaires craignent de ne pas bénéficier de leur loyer de façon régulière, au grand dam de Magali. "J'ai toujours payé mes factures. Tout ce que je désire, c'est un logement avec 3 ou 4 chambres dans la région de Mons, avec un loyer raisonnable. Le bonus serait un petit jardin et, comme je n'ai pas de voiture, avec une accessibilité aux écoles et magasins", conclut-elle.