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Etudier pendant un an dans une université belge coûte, selon une estimation de l’ULg et toutes dépenses comprises, près de 10 000 euros. Sur les dix dernières années, le nombre d’étudiants qui demandent l’aide du CPAS a augmenté de 125% en Wallonie et de plus de 200% à Bruxelles. Dans un contexte économique toujours plus difficile, le recours aux bourses d’études est primordial. Mais il y a quelques jours, les règles ont changé.
Lionel a 23 ans. Jeune étudiant, il entre en dernière année en sciences biomédicales à l’université de Liège. Pour assurer sa survie financière tout au long de l’année, il compte sur une bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles: "J’ai été étudiant boursier pendant mes trois premières années. Il y a juste l’an dernier où je n’y ai pas eu droit" explique-t-il. Pour cette année, nous sommes mi-octobre et Lionel ne sait pourtant toujours pas à quoi il aura droit. C’est pour obtenir plus de précisions qu’il a contacté la rédaction
"Certains comptent sur cet argent pour payer leur année d’étude"
"Cette année, il y a une réforme concernant l'obtention de bourses d'études. Cette réforme n'a toujours pas abouti et les dossiers d'allocations d'études sont en attente depuis plusieurs mois. Certains étudiants comptent sur cet argent pour payer leur année d'étude, que ce soit pour les livres ou les logements " déclare le jeune homme, qui se trompe sur l’état d’avancement de la réforme. En effet, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) a approuvé le 21 septembre dernier un nouveau régime pour les bourses d’études. De nouvelles conditions pour une mesure "plus juste socialement", selon les mots du ministre Jean-Claude Marcourt.
Quels changements ?
Concrètement, pour avoir droit à une allocation d’études, il faudra remplir différents critères. Au niveau pédagogique, l’étudiant devra être inscrit comme étudiant régulier, dans un établissement d’enseignement de plein exercice et ne pas faire des études de spécialisation ou une thèse de doctorat. Gros changement par rapport aux critères précédents : la réforme supprime la condition de réussite pour le maintien de l’allocation. Une décision qui réjouit la Fédération des Etudiants Francophones (FEF): "Mettre en place ces changements au niveau du critère académique, c’est une bonne chose. On demandait depuis plusieurs années la suppression de l’obligation de réussite" estime Maxime Mori, président de la FEF.
L’autre gros changement induit par cette réforme concerne les finances des parents. L’octroi d’une bourse dépend désormais de l’ensemble des ressources du ménage au sein duquel vit l’étudiant. Auparavant, l’étudiant pouvait choisir comme représentant légal le parent aux revenus les plus faibles. Différents critères ont été définis et le gouvernement de la FWB a déterminé une suite de ressources à prendre en compte au moment du calcul. L’établissement de ces critères, c’est d’ailleurs ce qui chiffonne la FEF. "On est d’accord avec le principe de la globalisation des revenus, avec le principe mais pas avec tous les critères. Qu’en est-il de la réforme des allocations familiales ? Est-ce que ce sera pris en compte ? Imaginons un étudiant qui souffre de handicap, est-ce que les aides dont il bénéficie seront comptabilisées dans le calcul total ? Cela manque encore de précisions" ajoute Maxime Mori.
Dernier critère : l’âge. L’étudiant n’aura pas de bourse s’il a 35 ans au 31 décembre de sa première année. Pour les étudiants de nationalité étrangère, il existe des conditions pédagogiques et financières supplémentaires.
Indispensable
Si Lionel ne sait pas encore à quelle sauce il sera mangé, il espère vraiment obtenir cette aide financière. "A elle toute seule, ce n’est pas suffisant. Depuis que j’ai commencé mes études, j’ai toujours gardé un petit boulot à côté, sinon ce n’est pas possible. Il y a deux ans, j’ai touché 500 euros pour l’année. Ce n’est pas énorme mais c’est toujours ça de pris" confesse le garçon. "Par contre, obtenir le statut d’étudiant-boursier, cela permet de ne pas payer le minerval. Pour l’ULg, cela représente une économie de 835 euros !"
Dans les faits, c’est compliqué
La mise en place de ce nouveau régime a pris du temps. Après l’annonce en juillet dernier, il a fallu adapter le texte aux remarques du Conseil d’Etat. Les bureaux d’aide aux étudiants, en première ligne, n’ont reçu les informations que très tard. "On a eu le texte comme tout le monde, à la rentrée. D’habitude, on lance nos campagnes d’info sur les bourses en juillet mais là, sans toutes les données, c’était impossible" précise Florence Vanderstichelen, directrice du service d’aide aux étudiants de l’Université Catholique de Louvain.
Du retard...beaucoup de retard
Certains points doivent encore être précisés. Les équipes sociales des universités et hautes écoles du pays essayent de comprendre précisément comment le texte sera appliqué. Impossible, pour le moment, de lancer les procédures. "Les dossiers sont en stand-by, rien n’est traité, ajoute Florence Vanderstichelen. Il reste trop de points d’interrogation. Avec mes collègues des différents établissements du pays, nous faisons circuler tout ce qu’on apprend pour essayer de constituer un corpus commun". La Fédération des Etudiants, elle non plus, n’est pas étonnée. "Vu comment ça a tardé, nous ne sommes pas surpris que les demandes soient toujours en cours de traitement" avance Maxime Mori.
Des situations absurdes
Sur le terrain, les assistants sociaux ont déjà pointé quelques difficultés majeures. "On doit faire particulièrement attention aux compositions de ménage, puisque théoriquement, les revenus de toutes les personnes qui s’y trouvent doivent être pris en compte" avance Brice Dethy, assistant social à l’UCL. "Un étudiant m’a amené une composition de ménage avec...26 personnes, tous ses colocataires. Techniquement, leurs revenus à tous devraient être pris en compte. Mais dans les faits, ils n’aident pas l’étudiant financièrement. Pareil pour cette étudiante, domiciliée chez ses propriétaires. Pourquoi tenir compte des revenus de gens qui ne sont, au final, pas concernés ?"
"On s’attend à aider moins d’étudiants, mais à les aider pendant plus longtemps"
L’objectif de cette réforme était d’aider "les étudiants qui en ont le plus besoin". Pour Florence Vanderstichelen, c’est raté. "A priori, beaucoup d’étudiants seront exclus des allocations d’étude. Ce critère financier va en éliminer plusieurs. Avec l’abandon du critère académique, les bénéficiaires pourront prendre plus de temps pour faire leurs études, comme cela n’influera pas sur leur bourse. On s’attend à aider moins d’étudiants, mais à les aider pendant plus longtemps".