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La justice va enquêter sur la réalité de l'emploi d'attachée parlementaire de Penelope Fillon, rémunérée par son mari, après des révélations bien embarrassantes pour la campagne du candidat de la droite à la présidentielle, qui dénonce des "boules puantes".
Le parquet national financier (PNF) a ouvert une enquête après que le Canard Enchaîné a révélé mercredi que Penelope Fillon, sans profession connue, a été la collaboratrice parlementaire de François Fillon, un emploi dont personne n'avait connaissance jusqu'à présent, y compris dans le milieu des collaborateurs Les Républicains.
L'hebdomadaire satirique affirme aussi que Penelope Fillon a été salariée, entre mai 2012 et décembre 2013, de la Revue des deux mondes, propriété de Marc Ladreit de Lacharrière, PDG de Fimalac et ami de François Fillon. Aux dires de l'ancien directeur de cette revue, elle n'aurait signé que "deux ou trois notes de lecture".
M. Fillon a jugé mercredi soir dans un communiqué que l'enquête ouverte "permettra de faire taire une campagne de calomnie" et il a demandé à être reçu "dans les plus brefs délais" par le PNF.
C'est "un caillou" dans sa campagne, estime un député, et "cela arrive à un mauvais moment, là où il va démarrer sa vraie campagne présidentielle". Le candidat fait dimanche un grand meeting à Paris destiné à relancer sa campagne.
L'enquête, confiée à l'Office central de lutte contre les infractions financières et fiscales, porte sur des faits présumés de détournement de fonds publics, d'abus de biens sociaux et recel.
Penelope Fillon a été rémunérée de 1998 à 2002, lorsque son mari était député de la Sarthe, puis elle est devenue la collaboratrice du suppléant de celui-ci quand il est entré au gouvernement (2002-2007), et de nouveau en 2012.
- 'Dans l'ombre' -
Lors de la campagne de la primaire de la droite, durant laquelle elle est très peu apparue, Mme Fillon avait pourtant assuré que, "jusqu’à présent, (elle) ne s'était jamais impliquée dans la vie politique de (son) mari".
Depuis Bordeaux où, hasard du calendrier, il rencontrait dans la journée son ex-rival Alain Juppé, M. Fillon s'est insurgé: "Je vois que la séquence des boules puantes est ouverte (...) Je voudrais simplement dire que je suis scandalisé par le mépris et par la misogynie de cet article."
Dès l'information révélée mardi, l'un des porte-parole du candidat LR à la présidentielle, Thierry Solère, avait confirmé que Penelope Fillon avait travaillé pour son mari mais "dans l'ombre, car ce n'est pas son style de se mettre en avant".
Le fait d'embaucher des membres de sa famille comme collaborateurs n'est pas illégal, à condition que ce ne soit pas un emploi fictif. C'est le cas de 10 à 15% des 900 parlementaires français, selon des chiffres obtenus pour la première fois en juillet 2014 grâce aux déclarations d'intérêts des parlementaires.
Alors Penelope Fillon a-t-elle réellement travaillé? Citée par Le Canard enchaîné, une collaboratrice de François Fillon de l'époque dit "n'avoir jamais travaillé avec elle".
Président de l'Assemblée de 2007 à 2012 et actuel secrétaire général de LR, Bernard Accoyer assure "l'avoir souvent vue participer à ses travaux. Je l'ai vue dans de multiples circonstances, y compris à l'Assemblée nationale".
Patron des députés PS, Olivier Faure, interrogé par l'AFP, estime que "elle a travaillé, paraît-il, pendant huit ans. Ca veut dire des milliers de gens rencontrés (...), de mails échangés (...), de courriers qui peuvent attester" de l'effectivité de son travail.
L'ex-journaliste Christine Kelly, auteure d'une biographie de François Fillon (2007), qui a confié au Canard n'avoir "jamais entendu dire que Mme Fillon travaillait", a affirmé mercredi sur Twitter avoir reçu des "menaces" et des "pressions" par téléphone d'une "équipe politique" qu'elle n'a pas nommée.
Un collaborateur de droite, qui travaille de longue date à l'Assemblée, a confié à l'AFP que "beaucoup de gens tombent des nues" parce que François Fillon s'était construit avec une image "d'homme intègre".
Le FN comme Manuel Valls et Benoît Hamon, finalistes de la primaire organisée par le PS, ont demandé à M. Fillon de "s'expliquer".
MM. Valls et Hamon, lors de leur débat, ont tous deux demandé d'interdire l'emploi par un parlementaire d'un parent proche.
Sur un mode caustique ou moralisateur, la presse de jeudi fait la leçon à François Fillon, "chevalier blanc" (L'Humanité) ou "chantre de la moralité" (Le Parisien), désarçonné par une affaire, "un boulet dans la campagne".