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Votée au parlement européen le 14 avril dernier, la loi sur le "secret d'affaires" devrait être approuvée par les ministres européens le 17 mai prochain, selon le Corporate Europe Observatory (CEO). Pour beaucoup, cette loi, qui pourrait menacer le journalisme d'investigation est le fruit d'un intense lobbying. Mais sur qui se porte-t-il surtout?
Le vote était sans appel le 14 avril dernier. Sur les 652 eurodéputés présents à Strasbourg, 503 avaient voté pour
"La signature du Conseil des ministres n'est qu'un coup de tampon"
Suite au vote du Parlement, une dernière étape doit encore avoir lieu: celle de la signature d'un ministre de chaque pays européen (peu importe la compétence de celui-ci). Pour Martin Pigeon qui travaille pour "Corporate Europe Observatory" (CEO), un groupe de recherche qui vise à exposer le jeu d'influence des lobbies et des grandes entreprises sur les décisions politiques européennes, la directive sera signée le 17 mai lors d'un Conseil des ministres de l'agriculture. "La signature par le Conseil des ministres n'est qu'un coup de tampon, une formalité. Il n'est jamais arrivé à ma connaissance que le Conseil ne signe pas un texte qui a déjà été approuvé au Parlement. De plus, la décision a déjà été prise bien avant, en amont, par le comité des représentants permanents (COREPER)", explique-t-il.
Qui sont les "véritables proies des lobbies"?
Composé de représentants des pays membres qui agissent comme "ambassadeurs" des différents pays de l'Union tout au long de l'année, le COREPER s'assure de traiter et de préparer les dossiers, comme celui sur le secret d'affaires, qui se retrouvent ensuite à l'ordre du jour lors d'un conseil des ministres. Ce comité appuie la décision d'accepter ou non une directive sur les avis délivrés par les fonctionnaires de la Commission européenne. Ces derniers sont les véritables personnes chargées d'étudier et d'éplucher les avantages et les inconvénients d'une directive.
Pour Corporate Europe Observatory, "cela va sans dire que ce sont eux les véritables proies des lobbies. Ce ne sont pas les ministres mais bien les fonctionnaires de la Commission qui sont approchés par les lobbies."
Le texte sur le secret des affaires inquiète le groupe de recherche CEO car il pourrait porter atteinte à leur travail d'investigation sur les lobbies et les entreprises. "Ce texte crée de telles incertitudes juridiques que si ça se passe mal au niveau de la transposition nationale, tu peux te retrouver à avoir des professions entières impactées", explique Martin Pigeon.
"Ce sont surtout des grosses boîtes qui ont poussé à créer cette directive"
La Française Constance Le Grip, membre du Parlement et défenseuse du texte, a été interrogée par la BBC sur le risque encouru par la presse et les lanceurs d’alerte. Qu'adviendrait-il pour les journalistes et lanceurs d'alertes s’ils venaient à révéler des informations d’entreprises? "Pouvez-vous promettre qu’aucun ne sera condamné à cause de cette directive?", Mme Le Grip répondait: "Je ne suis pas un juge."
Pour le chercheur Mr. Pigeon qui a étudié l'affaire, ce sont surtout les grosses entreprises qui cherchent à se protéger et éviter que des fuites comme le "Panama Papers" et le "Luxleaks" se reproduisent: "Ce sont surtout des grosses boîtes comme Nestlé, Michelin, Alstom, et toute l'industrie chimique qui ont poussé à créer cette directive. Ils ont dit que ce texte visait à protéger les petites et moyennes entreprises lorsque le texte est devenu politique, donc au niveau du Parlement."
Désormais, chaque pays membre de l'Union européenne dispose de deux ans pour transposer cette directive à l'échelle nationale et de la modeler à sa guise.