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Les loups rodent-ils en province de Hainaut, le long de la frontière française? Deux témoignages de lecteurs signalent en tout cas la présence de l'animal dans le Borinage.
Première alerte, celle d'Aziz, mercredi passé. "J'ai filmé un loup à Boussu, dans le Hainaut." Sur la vidéo, on voit l'animal faire calmement le tour du véhicule, avant de disparaitre dans la nuit.
Quelques heures plus tard c'est Ludivine qui nous a fait parvenir une photo
Alors, loup ou pas ? Ce n'est en tout cas pas impossible. "C'est un animal qui se déplace sur de grandes distances. Et il y en dans les Vosges, en France," explique Anthony Kohler, expert en grands prédateurs chez Natagora et Vice-Président de l'ASBL Ferus.
Mais de simples photos ou vidéos ne suffisent pas à affirmer qu'il s'agit bien d'un loup. "Il faudrait des analyses génétiques. On a souvent des alertes qui s'avèrent finalement être des chien-loup, une race de chien très fugueuse, poursuit l'expert, dans ce cas-ci en regardant la vidéo je pense qu'il s'agit bien d'un chien-loup errant."
"On ne sait pas comment réagir si on tombe nez à nez avec une bête comme ça!"
Qu'il s'agisse ou non du prédateur, l'animal a en tout cas impressionné Ludivine. "Je n'en avais jamais vu de pareil. On ne voit ça que dans les films en règle générale. Il a une démarche très droite, très majestueuse. Il ne renifle pas partout comme les chiens." Mais l'émerveillement passé, place à l'inquiétude. "On pense à nos animaux domestiques, à nos animaux de ferme mais aussi à nous: on ne sait pas comment réagir si on tombe nez à nez avec une bête comme ça!"
Pas de panique! En tout cas pas pour l'Homme. "Si vous voyez un jour un vrai loup, il faut en profiter, c'est rare ! Ne partez juste pas en courant, car ça entraine un réflexe de poursuite chez les prédateurs. Si vous tapez des mains ou que vous criez un peu, le loup partira sans problème," explique Anthony Kohler.
Une espèce qui recolonise l'Europe de l'Ouest
Même si l'animal photographié par Aziz et Ludivine n'est sans doute pas un loup, il ne serait pas improbable d'en rencontrer chez nous dans un futur proche. Un loup solitaire a d'ailleurs été repéré à Nassogne en province de Luxembourg au mois d'octobre dernier.
Il est désormais une espèce protégée et s'est installé pas loin de chez nous. "Il est arrivé dans le massif des Vosges en 2011 et s'est reproduit en 2013", détaille Anthony Kohler. "Ce qui veut dire que des jeunes vont atteindre la majorité sexuelle. A ce moment-là, ils quittent la meute pour aller s'installer ailleurs. Ce phénomène appelé la dispersion a permis une recolonisation de l'Europe de l'Ouest."
Des grands espaces ont été reconquis par l'animal, les Pyrénées, le massif des Vosges, mais pas uniquement. "Le loup n'a pas besoin d'énormes parcs. Il s'adapte très bien à énormément de territoires, des milieux naturels loin de tout mais aussi des espaces plus restreints dans des zones péri-urbaines. Que le loup se trouve une zone de vie à cheval sur la France et la Belgique, c'est plus que probable!"
"La présence du loup représente un véritable potentiel"
Le loup effraye, il est souvent diabolisé. A tort pour Anthony Kohler. "C'est une opportunité pour la faune sauvage, car il agit comme un régulateur. Au même titre que la chasse ou les collisions routières. Mais le loup s'attaque surtout aux plus faibles, ce qui est intéressant au niveau de la sélection naturelle."
Prédateur impitoyable, le loup a une place très importante dans l'écosystème. "Au parc Yellowstone, ils l'ont bien compris. Après avoir dépensé des millions de dollars pour se débarrasser du loup ils ont dépensé des millions de dollars pour le réintroduire. Avec à la clé, un changement complet du paysage et le retour d'une multitude d'espèces dans la zone." Un impact tel, que même le cours des rivières a été modifié, comme le montre la vidéo ci-dessous.
Chez nous, le loup ne risque pas de modifier le tracé des berges de la Meuse, mais il peut par contre permettre de développer une nouvelle forme de tourisme. "La France n'a pas encore saisi cette opportunité. Mais en Allemagne, en Espagne et en Italie des tours opérateurs organisent des circuits sur la thématique des grands prédateurs. Et les réservations sont en hausse. Il y a un véritable potentiel qu'il faudra exploiter si le loup revient chez nous!"
Seul désagrément pointé par Anthony Kohler: la cohabitation difficile entre le loup et les animaux domestiques et d'élevage. "Comme le loup a tendance à s'attaquer aux plus faibles, il faudra lui compliquer la vie, anticiper. D'ailleurs dès le printemps des mesures de protections vont être testées sur des exploitations bovines en Belgique."