Camille, une greffière du Tribunal de Première Instance (TPI) du Hainaut, a poussé le bouton orange Alertez-nous. Elle prétend que les règles en vigueur concernant le télétravail ne sont pas respectées sur son lieu de travail. Un jour de télétravail par semaine, ce n’est, selon elle, pas suffisant. Il serait possible de faire plus. La direction se défend et pointe du doigt plusieurs facteurs qui justifient cela.
"A l'aube d'une 5ème vague de coronavirus, le SPF Justice met sur pied une extraordinaire note octroyant à ses employés (assistants et collaborateurs) 1 jour de télétravail PAR MOIS. Les greffiers, qui disposaient eux de deux jours par semaine, n'ont maintenant plus que le droit de télétravailler 1 jour PAR SEMAINE. Je me pose la question de savoir s'il est normal d'aller autant à contrecourant de toutes les recommandations actuelles suite à la pandémie ?", nous a écrit Camille (nom d’emprunt) via le bouton orange Alertez-nous.
Les membres du personnel des trois divisions du Tribunal de Première Instance (TPI) du Hainaut ont en effet récemment reçu une note de service stipulant le nouveau règlement en matière de télétravail. Cette note a manifestement interpellé plusieurs employés qui ne comprennent pas ces changements alors que le Comité de concertation impose actuellement de travailler à domicile 4 jours par semaine, lorsque cela est bien évidemment possible.
Ils vont jouer sur le fait qu’il y a des malades, des collègues en quarantaine et donc moins de personnes au bureau
La note en question parle d’un jour de télétravail par semaine pour les greffiers à temps plein (le greffier veille au respect et à l’authenticité des procédures judiciaires, NDLR). C’est précisément ce qui pose problème à Camille, qui prétend avoir, jusqu’ici, pu bénéficier de deux jours de télétravail par semaine. "La note précise qu’un deuxième jour peut être accordé en fonction des nécessités du service", indique notre interlocutrice. "Mais même quand on demande un deuxième jour de télétravail, c’est refusé", poursuit-elle. Le motif invoqué ? D’après Camille, sa cheffe de service se réfère uniquement à la note de service distribuée en décembre. "Ils vont jouer sur le fait qu’il y a des malades, des collègues en quarantaine et donc moins de personnes au bureau."
Les tribunaux "à court de personnel"
Ce sont exactement les arguments avancés par la présidente du TPI du Hainaut. "On est vraiment à court de personnel, il nous manque 12 greffiers, indépendamment du Covid. Il faut en plus gérer le covid. C’est déjà très tendu, il faut qu’on fasse attention", insiste Monique Levecque.
Ce service est considéré comme essentiel aux yeux du gouvernement, rappelle la présidente, il est donc impératif d’assurer une activité normale pour le public. "On a des heures d’ouverture de greffe obligatoire, on doit tenir les audiences, décrocher, recevoir les justiciables. Tout cela fait qu’on est un service de première ligne", dit-elle encore. En tant que présidente du Tribunal de Première Instance, elle souhaite que les personnes soient jugées dans des délais raisonnables. "On est le tribunal où il y a le plus de dossiers de famille. On ne veut pas que les gens attendent 6 mois, surtout dans une période comme maintenant, où c’est très difficile et où il y a beaucoup de divorces."
Une confusion chez les employés ?
La distribution de cette note de service en plein mois de décembre a, semble-t-il, créé de la confusion au sein du personnel. Alors qu’une autre note avait précédemment été distribuée concernant le télétravail en période Covid. "Il y a le Covid d’un côté et d’un autre côté, il y a le processus mis en place pour le télétravail après le Covid. J’ai écrit le 22 novembre à tous les membres du personnel du Tribunal pour rappeler que l’arrêt Covid entrait en vigueur. Nous poursuivons nos activités normalement mais en mettant en œuvre le télétravail, dans la mesure du possible", développe Monique Levecque.
Il y a très peu de choses que ces personnes savent faire en télétravail
Cette note liée au Covid est donc toujours en application actuellement mais certaines fonctions ne permettent pas d’effectuer du travail à domicile, notamment pour le personnel administratif (assistant ou collaborateur). Mais même pour ces personnes, la Présidente assure que des compromis ont pu être trouvés. "Normalement, le personnel administratif, on en a besoin au palais car il y a très peu de choses que ces personnes savent faire en télétravail. Mais temporairement, on a accepté qu’elles puissent faire des choses à domicile qui, normalement, ne sont pas du télétravail pour qu’elles restent chez elles au maximum. On s’adapte."
Et de poursuivre: "On est pris entre le fait qu’on veut aider les gens et protéger les employés… Mon intérêt n’est pas que mon personnel tombe malade donc j’essaie que les gens puissent rester chez eux et éviter de faire beaucoup de déplacements, surtout dans les transports en commun, qui sont vecteurs de transmission. Mais à partir du moment où on nous dit que nous sommes un service essentiel, il faut quand même qu’il y ait des gens sur place."
Monique Levecque rappelle également qu’à ce jour, les dossiers ne sont toujours pas informatisés et qu’ils ne peuvent pas non plus sortir du palais de justice. Dans ces cas-là, pas d’autre solution donc que de venir sur place. "Quand du travail ne peut pas être fait à domicile, c’est un peu difficile pour un chef de service de dire oui."
Un manque de confiance et de la surveillance
Autre élément pointé du doigt par les employés : ils ont l’impression d’être surveillés et que les supérieurs ne leur font pas confiance. "La confiance n’est pas là. La direction est anti-télétravail. Elle a l’impression qu’on va en télétravail pour garder les enfants ou prendre congé. La direction a l’impression qu’on ne va pas vraiment bosser", déplore notre greffière qui a souhaité rester anonyme. La raison qui la pousse à dire ça ? Les travailleurs doivent établir un document détaillant les prestations qui seront effectuées durant leur journée de télétravail. Ce qui est tout à fait normal pour la Présidente du Tribunal de Première Instance. "C’est normal qu’un chef de service soit au courant de ce que fait la personne chez elle. On doit pouvoir vérifier, justifie-t-elle. Mais confiance, on a confiance. Sinon je ne demanderais pas aux gens ce qu’ils estiment pouvoir faire en télétravail."
Le télétravail n’est pas fait pour faire du babysitting
Il y a, selon Monique Levecque, un problème de communication. Mais elle reconnaît que certaines personnes demandaient parfois à faire du télétravail pour garder leurs enfants. "Le télétravail n’est pas fait pour faire du babysitting. On est censé travailler chez soi, faire une journée normale de travail."
Notre interlocutrice est formelle : la note de service distribuée en décembre n’est pas encore applicable. Elle ne le sera qu’une fois le Covid derrière nous et lorsque le télétravail ne sera plus imposé par le gouvernement. "Cette note prévoit un jour structurel, c’est-à-dire un jour fixe, de télétravail par semaine. On fait une convention avec la personne, ce qui est prévu dans la règlementation du travail. Il y a la possibilité d’avoir un deuxième jour de télétravail mais il ne sera pas fixe car on a besoin de voir la situation sur place à ce moment-là."
Certaines conditions devront par ailleurs être respectées pour bénéficier de cette deuxième journée de télétravail : "On demande que les greffiers ne fassent pas de télétravail suivi d’un congé ou d’un autre jour de télétravail. Ils doivent pouvoir revenir au bureau pour reprendre du travail à faire chez eux", conclut Monique Levecque.
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