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Voilà déjà près de trois semaines que le coronavirus en Belgique a conduit la population à revoir ses habitudes. L'un des plus grands changements que le confinement ait entraîné est l'impossibilité de se rendre au travail, pour de nombreux Belges, toute profession confondue. La ministre fédérale de l'emploi, Nathalie Muylle, a estimé à un million le nombre de travailleurs au chômage temporaire suite aux mesures de confinement. Ces personnes percevront 70% de leurs revenus bruts habituels. Parmi eux, l'ex-compagnon de Julie (prénom d'emprunt car elle veut garder l'anonymat), avec lequel elle a eu un petit garçon.
"J'ai peur qu'il décide de ne plus payer la pension alimentaire"
Julie et son compagnon sont maintenant séparés, et le père doit subvenir aux besoins de son fils en versant une pension alimentaire. "En plus de mon fils, il a plusieurs autres enfants", raconte-t-elle via notre bouton orange Alertez-nous. "Donc il paye plusieurs pensions alimentaires. Il travaille dans un garage, alors je me doute bien qu'il est à l'arrêt."
Cet arrêt de travail inquiète fortement Julie, qui n'a pas gardé de contacts proches avec le père de son fils. "Vu que mon ex-conjoint ne peut plus travailler, j'ai peur qu'il décide de ne plus payer la pension alimentaire", précise la maman par téléphone. "Ça fait 3 ans qu’il ne voit plus son fils, et j’ai peur qu’il utilise le confinement comme prétexte pour ne plus payer."
Les règles ne changent pas
Cette peur qu'exprime Julie est d'autant plus forte que ses propres revenus diminuent. Depuis le confinement, cette maman peut encore travailler de chez elle de temps en temps, mais bien moins qu'avant. En plus de cela, elle redoute que les allocations familiales de son fils soient versées en retard. "J’ai déjà reçu un mail des allocations familiales qui me disent qu’ils vont essayer de payer dans les plus brefs délais", explique Julie. "Je n’ai pas mes heures de travail habituelles, et donc si en plus je n’ai pas de pension alimentaire, ça va être très difficile."
S'il est confronté à des problèmes pour exécuter le jugement, il lui appartient de retourner devant le juge
Pour répondre au questionnement de cette maman, nous avons contacté le Service Public Fédéral (SPF) Finances, ce service public ayant un regard plus global sur la situation en matière de pension alimentaire. "La décision judiciaire le condamnant au paiement d’une pension alimentaire doit être exécutée", nous indique Florence Angelici, porte-parole du SPF. Ainsi, les règles ne changent pas : même durant la pandémie de coronavirus, elles ne seront pas assouplies. Que faire alors, si une personne est dans l'impossibilité de payer sa pension alimentaire ? "S'il est confronté à des problèmes pour exécuter le jugement, il lui appartient de retourner devant le juge", précise la porte-parole.
Il n'est pas possible de décider soi-même de ne pas s'acquitter du versement d'une pension alimentaire. Cependant, le SPF Finances propose un service de paiement des pensions alimentaires en cas d'insolvabilité financière. Il s'agit du SECAL, le Service des Créances Alimentaires.
Le SECAL : une aide publique si vous ne percevez pas votre pension alimentaire
Ce Service des Créances Alimentaires peut intervenir de deux manières pour aider les familles qui ne perçoivent plus leurs pensions alimentaires. D'une part, le SECAL peut prélever directement l'argent dû chez le mauvais payeur, ainsi que les arriérés.
Il existe aussi une deuxième manière d'intervenir : le SECAL peut vous verser une avance sur votre pension alimentaire. Cette avance ne peut excéder un montant de 175€ par mois par enfant, et sera ensuite demandée à la personne qui vous doit cette pension alimentaire.
Par contre, cette avance est octroyée suivant une série de conditions que vous pouvez retrouver en détails sur le site du SPF Finances. Vous pouvez y introduire un dossier en ligne en cas de défaut de paiement de votre pension alimentaire. L'an dernier, le SPF a comptabilisé 18 521 bénéficiaires de cette aide.
"On ne peut pas se faire justice à soi-même"
Quels sont les autres recours possibles pour une famille qui se retrouverait sans pension alimentaire ? Nous avons contacté maître Geneviève Herinckx, avocate spécialisée en droit de la famille au barreau de Bruxelles. Elle nous confirme tout d'abord qu'il n'est pas légal pour un parent de décider de supprimer la pension alimentaire qu'il est censé verser. "Aussi longtemps qu'une décision est exécutoire, elle doit être respectée", indique l'avocate. "On ne peut pas se faire justice à soi-même."
On peut aménager le paiement : payer une partie de la pension alimentaire, et décider de s'occuper des arriérés plus tard
Même un motif financier ne peut pas justifier un arrêt total de paiement. Si cette situation devait arriver, le premier recours est la médiation. "Il faut tenter la discussion et évaluer les besoins primordiaux", précise maître Herinckx. "Tout est une question de mesure : on ne peut pas supprimer complètement la pension alimentaire, puisque les enfants continuent d'avoir des besoins. On peut aménager le paiement : payer une partie de la pension alimentaire, et décider de s'occuper des arriérés plus tard."
Si ce recours ne fonctionne pas, l'avocate conseille de faire appel à un huissier. "L'huissier peut envoyer un courrier pour signifier l'obligation du paiement de la pension alimentaire. Il peut saisir l'employé ou l'ONEM de la personne qui doit s'acquitter du paiement pour prélever directement la somme sur le salaire."
Si le parent qui verse la pension alimentaire n'est pas d'accord avec cette décision, il peut saisir un juge afin de modifier le jugement initial en invoquant des circonstances exceptionnelles. Mais tant que le juge n'a pas rendu d'arrêt, le paiement de la pension alimentaire continue d'être obligatoire.
Le SECAL, Service de Créances Alimentaires est aussi une solution, si une famille n'a pas les moyens de payer un avocat et un huissier. En revanche, les délais d'attente après l'introduction d'un dossier sont plus incertains.