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En 2018, la condamnation des cinq hommes à neuf ans de prison pour "abus sexuel", et non pour "viol", puis leur remise en liberté provisoire en juin avaient entraîné d'énormes manifestations à travers l'Espagne.
Les cinq hommes, qui se surnommaient "La Meute", étaient accusés de viol collectif en juillet 2016 à Pampelune (nord), en pleines fêtes de la San Firmin.
Des faits humiliants contre une jeune femme à peine majeure
Moins d'un quart d'heure après avoir rencontré la jeune femme, ivre, ils lui avaient fait enchaîner fellations et rapports sans préservatifs dans l'entrée d'un immeuble, avant de voler son téléphone et de la laisser à moitié nue.
S'en vantant sur un groupe WhatsApp, les cinq, dont un militaire et un garde civil, avaient diffusé des images de leurs agissements. Une preuve utilisée contre eux durant les procès mais aussi contre la victime de 18 ans à peine, qui a dû justifier sa passivité apparente.
Le récit des faits décrit une authentique scène d'intimidation
Cinq magistrats de la Cour suprême, dont deux femmes, ont examiné les recours présentés par l'accusation et la défense.
Ils ont conclu, à l'unanimité, qu'il y avait bien eu viol au regard du droit espagnol, qui exige des preuves d'intimidation ou de violence.
"Le récit des faits décrit une authentique scène d'intimidation, durant laquelle la victime ne consent à aucun moment aux actes sexuels menés par les accusés", a écrit la Cour.
Elle considère que la jeune femme a "adopté une attitude de soumission", sous l'emprise d'une "angoisse et un stress intense" et n'a pu que subir les "dix agressions, avec pénétrations orales, vaginales et anales".
Les juges ont infligé deux années de prison de plus au garde civil qui avait dérobé le téléphone.
On ne peut exiger des victimes des attitudes dangereusement héroïques
La procureure Isabel Rodriguez, requérant au moins 18 ans de prison contre chacun des accusés, avait fait valoir que la victime, cernée par cinq hommes de 24 à 27 ans de "forte stature", avait "adopté une attitude de soumission et non de consentement".
"On ne peut exiger des victimes des attitudes dangereusement héroïques", avait-elle insisté, en considérant que "n'importe quelle personne" aurait raisonnablement adopté la même passivité.
L'avocat des coupables affirmait que la jeune femme était consentante
L'avocat de la défense avait au contraire sollicité l'acquittement des accusés, en soutenant que la jeune femme avait bien "décidé d'avoir des relations" avec l'ensemble du groupe.
Selon lui, les accusés ne pouvaient se rendre compte qu'elle n'était pas consentante, parce qu'elle n'avait pas crié ni résisté.
Il a par ailleurs assuré que ses clients n'avaient pas eu "de procès juste" car "la société" avait réclamé leur condamnation à coups de manifestations retentissantes.
Vers une modification de la loi
Le gouvernement socialiste entend réformer le code pénal pour introduire la notion de consentement sexuel explicite, sur le modèle de la Suède, où tout acte sexuel sans accord clair est considéré comme un viol.
La victime, qui n'a jamais souhaité apparaître en public, n'était pas présente à l'audience.
Les cinq accusés, depuis un an en liberté provisoire, n'avaient pas été cités à comparaître.
Les précédentes décisions de la justice avaient fait trembler le pays
En avril 2018, ils avaient été condamnés à neuf ans de prison pour abus sexuel, aggravé d'abus de faiblesse, mais non pour viol. Une décision confirmée en décembre par une cour d'appel qui avait conclu qu'il n'y avait pas eu violence et qu'il était trop difficile de déterminer s'il y avait eu intimidation.
A travers l'Espagne, d'innombrables adolescentes étaient sorties dans les rues au printemps 2018, criant "moi, oui je te crois" à l'attention de la victime. Ce mouvement avait précédé la première grève des femmes, largement suivie dans toute l'Espagne.
Une nouvelle manifestation était prévue vendredi à 17H00 devant la Cour suprême.