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Créer et diriger avec succès une entreprise privée fait-il de vous la personne idéale pour diriger un pays? Pour les électeurs finlandais, qui ont voté ce dimanche pour les élections législatives, cela semble être le cas. La Finlande aurait-elle trouvé la recette "miracle" pour se sortir de la crise et prospérer? Rien n’est moins sûr.
Juha Sipilä a-t-il a été élu à cause de son statut d’entrepreneur?
Juha Sipilä, qui a gagné les élections en Finlande ce week-end, est entré en politique seulement il y a 4 ans, après plus de 25 années passées à créer et faire grandir des entreprises dans les télécoms et dans les bioénergies. Et il a utilisé cette image d’entrepreneur pragmatique, pendant la campagne, donnant manifestement à penser aux électeurs finlandais que leur pays devait être géré comme une entreprise. Et si on y réfléchit cela paraît logique, quand le pays, comme la Finlande, est en crise depuis des années, mais surtout qu’il a démontré son incapacité à mener des réformes structurelles importantes.
Est-ce que créer, diriger et faire grandir une entreprise fait de vous automatiquement un bon dirigeant politique?
Même si il y a quelques exemples de chefs d’entreprises talentueux qui ont dirigé des pays avec efficacité, en Thaïlande, au Chili ou en Ukraine, en règle générale les qualités d’un chef d’entreprise n’en font pas de bons dirigeants politiques.
Paul Krugman, prix Nobel d’économie explique d’abord que les stratégies permettant de faire gagner une entreprise qui est en compétition avec les autres, n’est pas strictement applicable à un pays, et il donne plusieurs exemples. Ensuite, les conditions qui ont fait le succès d’un chef d’entreprises sont rarement modélisables. Il y a peu d’entrepreneurs à succès en série. S’il est difficile pour un entrepreneur de modéliser et de reproduire sa manière de faire, l’appliquer à un pays est encore plus compliqué et aléatoire.
Entreprise et pays: une différence de taille
Comme Paul Krugman l’explique, il y a avant tout un problème de taille lorsqu’on compare une entreprise à un pays. Entre les Etats-Unis et la plus grande entreprise américaine, il y a un rapport de taille de 200 à 1, ce qui fait exploser le nombre d’interactions. Ensuite, une entreprise est en général construite sur un métier, sur un savoir-faire particulier. Ce qui n’est pas ou plus le cas d’un pays. Enfin, un gouvernement est bureaucratique, est l’expression d’une démocratie et doit donc cultiver le compromis et le consensus, parfois au risque de se disperser. Donc oui, gérer un pays est beaucoup plus complexe et infiniment différent qu’une entreprise.
Quelles vont être les priorités de cet entrepreneur probable futur premier ministre de Finlande?
Il entend d’abord faire maigrir le gouvernement qu’il veut gérer comme un conseil d’administration qui se repose sur une administration qui doit être le fer de lance des réformes. Ensuite, il veut fédérer sa future coalition sur une vision claire des objectifs. Et là, on commence à se faire du souci, car il va se frotter à des politiciens professionnels, de vieux briscards. Enfin, son objectif est de cibler quelques problèmes précis de la Finlande et s’attacher à les résoudre pragmatiquement.
Bruno Wattenbergh