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34 enseignants "temporaires" d'une école de Woluwe-Saint-Pierre n'ont pas reçu de salaire de la fédération Wallonie-Bruxelles depuis... la rentrée scolaire à cause de documents qui n'ont pas été fournis par l'école dans laquelle ils enseignent. La commune a proposé la solution de leur verser une avance, contre la signature d'une reconnaissance de dettes. Mais la formule n'enchante pas tout le monde et pour certains, le paiement n'est arrivé que la semaine dernière, soit deux mois et demi après la reprise.
C’est une situation scandaleuse que vivent de nombreux enseignants francophones du Royaume. Depuis la rentrée scolaire, et l’application de la réforme des titres et fonctions, le paiement des salaires connait parfois de sérieux couacs. Notamment parce que cette réforme a amené un accroissement de la charge administrative. Le cas des enseignants du centre scolaire Eddy Merckx, à Woluwe-Saint-Pierre, a récemment fait l’objet d’une médiatisation suite à des mobilisations, la dernière en date ayant eu lieu vendredi denier, où une quarantaine d'enseignants se sont rassemblés devant la maison communale.
Dans leur école, ils sont nombreux à subir un retard de salaire: 34 profs, tous enseignants dits "temporaires", donc "non nommés", sur 80 au total dans la section secondaire, ne sont plus payés par la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis... la rentrée.
Compliqué quand on doit rembourser un crédit immobilier: "La banque n’attend pas"
Ce qui a "coincé", en tout cas dans cette école, c’est l’envoi à la Fédération Wallonie-Bruxelles du nouveau "S12", un document que les pouvoirs organisateurs (PO) des écoles doivent encoder, qui sert à décrire de long en large la situation de l’enseignant... et ainsi de payer son salaire.
Pour les enseignants nommés, pas de problème, le salaire est versé automatiquement chaque mois. Mais ce n’est pas le cas pour les "temporaires", comme Anthony (prénom d’emprunt), pour lesquels la réception de ce document est indispensable. Il a dû attendre le 12 octobre pour recevoir son salaire de septembre: "Pour certains d’entre nous, comme moi qui dois rembourser un emprunt à la banque, cela entraîne une situation assez compliquée car la banque n’attend pas", confie-t-il. D’après Michel Oeyen, le Permanent syndical régional SLFP, "le dernier a reçu son salaire vendredi dernier, c’est-à-dire deux mois et demi après la reprise de l’école".
Pourquoi est-ce SI compliqué?
Mais pourquoi ce document est-il si compliqué à faire parvenir à la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
Nous avons posé la question à Serge de Patoul, Echevin de l’Enseignement à Woluwe-Saint-Pierre (et donc membre du pouvoir organisateur de cette école communale): "Cela a pris du temps parce qu’en réalité, il y a eu les PV de basculement [des PV qu’il a fallu réaliser pour chaque prof nommé, qui contiennent les anciennes nominations ainsi que ce qu'elles deviennent après la réforme, ndlr], qui ont dû se faire préalablement. On a cette difficulté, qui est largement partagée par tous les PO. Et on a cumulé avec une volonté de restructurer administrativement les choses pour améliorer le fonctionnement. Les basculements ont clairement montré qu’en termes d’entretien des dossiers administratifs des enseignants, il y avait une amélioration à faire, et cela crée une certaine surchauffe".
Et puis, selon lui, il y a des dossiers plus compliqués que d’autres: "Si vous êtes enseignant, vous êtes là depuis 10 ans, vous donnez le cours de français parce que vous êtes romaniste, c’est un dossier qui va aller vite. Par contre, si vous remplacez pour partie un autre professeur, pour partie vous êtes nommé... c’est un dossier plus compliqué, qui prend du temps, qui demande une attention pour remplir l’ensemble des données correctement."
Deux mois et demi plus tard, les documents toujours pas envoyés
A l’heure d’écrire cet article, plus de deux mois et demi après la rentrée scolaire, les documents devaient être envoyés d'un moment à l'autre par l’école pour que le paiement soit ensuite effectué par la Fédération Wallonie-Bruxelles. En attendant, la commune a proposé d’avancer le salaire des enseignants.
Le Permanent régional SLFP déplore: "Il a fallu deux arrêts de travail et des communiqués de presse pour que la commune commence à saisir l’importance du problème". De son côté, l'Echevin se défend, indiquant avoir pris la décision de mettre ce système d’avances en place dès le 20 septembre, constatant que le paiement des salaires allait "coincer". Il déplore des "cafouillages" lors de la réalisation du document permettant l’avance et assure que les versements ont suivi selon l’arrivée de ces documents.
Reconnaissance de dettes: "Je trouve ça assez déplaisant de signer ce genre de papier"
Le document en question, c’est une reconnaissance de dettes que l’enseignant doit signer. Il passe mal pour Anthony: "Ça me déplaît de devoir signer des reconnaissances de dettes alors qu’au final, c’était plutôt à moi qu’on doit de l’argent, vu que j’ai travaillé. Ça me dérange sur le principe, il y a un papier avec toutes les formes juridiques. Moi en général, je fais en sorte de ne pas avoir de dettes, si ce n’est à la banque pour mon emprunt. Je trouve ça assez déplaisant de signer ce genre de papier", confie-t-il.
"Chaque enseignant a droit à son salaire"
Quand les enseignants du centre scolaire Eddy Merckx vont-ils pouvoir à nouveau recevoir leur salaire "normalement"?
Pour l’Echevin de l’enseignement, le problème est sur le point d'être réglé: "La volonté qui est la nôtre est de tout débloquer en 2016, pour qu’il n’y ait pas d’impact fiscal".
Une volonté réaffirmée par le bourgmestre de la commune, Benoît Cerexhe: "J’ai pris tous les contacts nécessaires avec les services pour que les choses soient régularisées. Chaque enseignant a droit à son salaire, et que sa situation administrative soit en ordre", a-t-il dit à RTL INFO. Par ailleurs, il nous a été assuré qu'une fois la situation régularisée, les enseignants n’auront plus à se soucier de l’arrivée de leur salaire sur leur compte pour le reste de l’année scolaire.
Les profs gardent le cap: "Il ne faudrait pas que les élèves perdent leur temps parce que nous, on a des soucis administratifs"
Le délégué permanent salue l’attitude des enseignants concernés: "C’est assez rare que des gens qui n’ont pas été payés pendant deux mois continuent à travailler avec plaisir et professionnalisme". A ce sujet, Anthony explique: "On doit continuer notre mission sur l’année, sinon ce sont les élèves qui vont en pâtir en premier. Il ne faudrait pas qu’ils perdent leur temps parce que nous, on a des soucis administratifs".
Les syndicats CGSP et SLFP, n’étant pas sortis satisfaits de la réunion présidée par l'échevin de l'Enseignement Serge de Patoul vendredi dernier, vont rencontrer le maïeur cette semaine. "Notre but, c’est que tout rentre dans l’ordre, pour que les enseignants puissent se concentrer à 100%, même si pour moi, ils sont à 100% dans leur métier, mais qu’ils n’aient pas de tracas, en rentrant à la maison, et en se demandant, 'comment on paye nos factures à la fin du mois?'", explique le Permanent régional SLFP. "L’objectif est de restaurer un climat de sérénité et d’apaisement au sein de cette école", déclare de son côté Benoît Cerexhe.