A Ixelles, le bien connu bâtiment du Delhaize Molière trône toujours chaussée de Waterloo, malgré sa fermeture en avril 2017. Le propriétaire souhaitait en faire des logements mais le projet a été retardé. En attendant, il a confié les clés à Alexandra Lambert et Fred Atax, les créateurs de la fondation Strokar Inside, spécialisée dans le street art et graffitis. Des artistes d'un peu partout dans le monde viennent apporter leur touche sur les murs et plafonds du Delhaize, lui redonnant des couleurs.
Strokar Inside, un projet ambitieux
Alexandra Lambert et Fred Atax ont fondé Strokar Inside, dans le but de montrer de l'art normalement destiné à la rue dans un gigantesque bâtiment. Ils se sont associés avec le groupe spécialisé dans l'évènementiel D-Side en collaboration avec Besix Red, propriétaire du bâtiment. Ce dernier le prête à Strokar Inside pour une période temporaire.
Ici, tout peut servir de toile: murs, sols, plafonds, piliers, même les interrupteurs ou les poubelles sont peintes.
Des artistes venant des Etats-Unis, d'Italie, du Brésil, du Congo, de France ou encore de Belgique également, expriment leurs pensées, tous de manières différentes. Ils seront une centaine à laisser une trace de couleur dans cet ancien supermarché.
Les voir ici et pouvoir travailler avec eux, je trouve que c'est vraiment intéressant
Pour Jean-Luc Moerman, artiste bruxellois, ce projet est une excellente idée car cela change: "L'endroit que j'ai choisi de peindre, c'est le type de configuration que l'on ne trouve pas dans une galerie où c'est toujours un cube ou un rectangle". En effet, le graphiste s'est ici accaparé du coin qui permet d'accéder au deuxième étage. Sol qui tourne, mur immense, rampe d'escalier, Jean-Luc Moerman a de quoi expérimenter "les différents plans et s'accaparer un endroit et son architecture".
Il est comme un enfant qui voit son rêve se réaliser, car il travaille avec des artistes dont il admire les œuvres et qui lui ont donné envie de se lancer dans le street art. "T- Kid ou Cope2, ce sont des gens qui graphaient quand j'étais encore bébé et donc de les voir ici et de pouvoir travailler avec eux, je trouve que c'est vraiment intéressant". En restant humble, il ne se considère pas lui-même comme un street artiste pur car il ne travaille pas qu'à l'extérieur mais bien souvent dans son atelier.
Jean-Luc Moerman compte demander à l'artiste italien Andréa Ravaux Matoni s'ils peuvent collaborer ensemble sur un pan de mur. Cet artiste a déjà peint à la bombe le début d'un triptyque géant inspiré par les tableaux de Rubens, Van Eyeck et Breughel:
T-Kid, un des graphistes les plus reconnus
T-Kid est venu spécialement du Bronx pour apporter sa touche à l'exposition. Il fait partie des graphistes les plus respectés de sa profession. Il a commencé le street art dans les années 1970 en peignant sur des trains. Il a pu observer qu'au fil des décennies, le street art, et même l'art en général, avait changé. "L'art est changeant, c'est de l'émotion changeante. Les gens se déplacent, l'art aussi et les gens changent, tout comme l'art".
Ses œuvres parlent de ce qu'il observe. Par exemple, dans son oeuvre ci-dessus, T-Kid avait trouvé une photographie qu'il avait jugée intéressante car elle dénonçait le racisme, qui était encore bien présent aux Etats-Unis. Il a donc pris une photo, il l'a découpée et collée sur la toile, pour peindre autour ce qu'elle lui inspire.
Une autre oeuvre de T-Kid
Que cela vienne de Bruxelles ou que cela vienne de New York, ça n'a pas d'importance, c'est toujours de l'art
Il est très satisfait de son séjour à Bruxelles, qui pour lui est "une magnifique ville, avec beaucoup d'histoire, vraiment intéressante. La culture est merveilleuse pour moi et les gens sont vraiment sympas, vraiment amicaux et, vous savez, en tant qu'ambassadeur du Bronx, cela fait du bien de venir ici et de partager mon expérience, tout comme les gens de Bruxelles partagent les leurs avec moi".
Pour T-Kid, tout art est de l'art, il n'y en a pas un plus beau qu'un autre, "que cela vienne de Bruxelles ou que cela vienne de New York, ça n'a pas d'importance, c'est toujours de l'art".
Un projet pour une durée indéterminée
L'ouverture de l'exposition est prévue pour le 6 septembre, mais il n'y a pas de date de fin fixée. En effet, comme le souligne Alexandra Lambert, "c'est une occupation précaire, on ne connait pas l'échéance du projet mais on espère y rester le plus longtemps possible". De son côté, le propriétaire du bâtiment a d'autres idées en tête: il souhaite faire de cet espace des logements et places de parkings. Une pétition recueillant plus de 800 signatures avait circulé en 2017 et avait retardé le projet de logements. Donc, tant que cela restera en suspens, le projet Strokar Inside continuera. Des graphistes viendront tant qu'il y aura de la place. Et même quand il n'y en aura plus, ils peindront par-dessus les œuvres déjà faites, comme cela se fait en rue.
Rendez-vous le jeudi 6 septembre, à partir de 17h, pour voir de vos propres yeux les rayons de votre ancien supermarché comme vous ne les avez jamais vu.
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