Partager:
Une chaussée jonchée de tuiles et de morceaux de tôles, des toitures arrachées, des dizaines d'habitants à reloger: une tornade a ravagé dimanche soir le village de Bihucourt, dans le Pas-de-Calais, un épisode aussi soudain que brutal.
Pas un bruit en ce lundi matin dans les rues de cette commune de 350 habitants, en dehors des camions d'Enedis et des pompiers qui déblayent. Et un paysage de désolation.
L'épisode, rarissime, a pris de court le village en début de soirée, aux alentours de 19H00. Le Pas-de-Calais n'était pourtant classé qu'en vigilance "jaune" aux orages par Météo-France.
La préfecture évoque de "fortes rafales de vent de type tornades". Mais les habitants, eux, n'ont aucun doute: "C'était pas une +mini-tornade+, c'était une tornade !", lancent-ils, agacés.
"Moi je l'ai vu arriver hier soir, c'était énorme. Je me suis dit on va plus avoir de baraque", raconte un quadragénaire à sa voisine, aux yeux humides.
"Ca a duré trente secondes. Quand on voit le désastre on dirait un bombardement. Incroyable...", affirme Christian Cabaret, 71 ans, dont la maison a été épargnée.
Il est "triste", dit-il, pour ceux qui ont été touchés: "C'est leurs économies qui s'en vont, c'est leurs vies".
- Charpente squelettique -
"On à 150, 200 personnes à reloger pour une durée très longue derrière. Ce soir on va réussir comme hier à reloger chez des amis, des proches", mais ensuite "il faudra trouver des maisons dans le secteur", détaille le maire, Benoît-Vincent Caille.
"Un fonds de l'Etat a été débloqué pour les sinistrés", mais des dons, notamment de meubles, seront nécessaires, dit-il, ainsi que des bénévoles pour déblayer.
Les dégâts sont considérables.
Dans certaines habitations, les toitures éventrées laissent apparaître une charpente squelettique. Dans d'autres, les pièces sont totalement à nu. On y devine des traces de la vie quotidienne: un cintre, un micro-ondes, un ventilateur...
Le toit de l'église du village a été partiellement arraché. Il ne reste que les fondations de la maison adjacente.
Des gravats, des morceaux de mur en béton et des branchages jonchent le sol. Certains pare-brises sont fracassés. Un poteau électrique semble prêt à basculer sur une habitation.
Une grosse peluche d'éléphant gît dans un jardin, au milieu des débris, sous un toit complètement arraché où pend de la laine de verre.
Et le vent souffle encore, agitant câbles et bouts de tôle.
Un couple de quadragénaire, air épuisé, mines défaites, fait face à sa maison délabrée, sans toit, ni fenêtres. Sacs et valises en main, ils n'ont "pas le temps", disent-ils, de s'exprimer.
- "Il ne reste plus rien" -
Deux amis les accompagnent, venus de villages alentour, par solidarité, pour les aider à récupérer leurs affaires.
"Le village a été vraiment dévasté. Les trois quarts du village" et dans certaines rues "il ne reste plus rien", raconte Mabrouka Dhifallah, une conseillère régionale LR, présente sur place.
"Hier soir, un habitant m'a dit: +Vous savez madame, j'ai perdu en cinq secondes ce que j'ai construit en vingt ans+. Il faut être sur place pour comprendre l'ampleur des dégâts. C'est chaotique, c'est une catastrophe", ajoute-t-elle.
Au coeur du village, certains ont "tout perdu". "Il y a un jeune qui doit avoir mon âge, autour de 20 ans. Sa maison, elle est en ruines", soupire un habitant, Sébastien Gaudechon. Au bout de la rue, lui s'en "sort bien, avec quelques tuiles en moins".
A la mi-journée, les pompiers qui avaient coupé l'accès à certaines rues pour "sécuriser" les lieux, accompagnent les habitants dans leurs maisons, chacun son tour, pour récupérer quelques affaires.
Dans l'école qui jouxte la mairie, des membres de la Croix-Rouge distribuent de la nourriture ou réconfortent les habitants choqués, qui attendent de voir un psychologue.
Un septuagénaire sanglote, soutenu par une membre du Samu: "Avoir bossé toute sa vie et voir tout ça par terre... Je peux pas."