Héritier d'une dynastie à la tête du Togo depuis plus d'un demi-siècle, Faure Gnassingbé s'est affirmé comme un président implacable avec ses adversaires, et a remporté un quatrième mandat au terme d'une élection à nouveau contestée par l'opposition.
"Bébé Gnass", comme le surnommaient avec une certaine condescendance ses adversaires politiques, a longtemps été en quête de légitimité vis-à-vis de son père, le général Gnassingbé Eyadéma - "le Vieux" - qui a dirigé le Togo d'une main de fer pendant 38 ans.
Faure Gnassingbé, après avoir été propulsé au pouvoir par l'armée à la mort de son père en 2005, a remporté sa première élection quelques mois plus tard, au terme d'un scrutin marqué par des violences ayant fait 400 à 500 morts, selon l'ONU.
Mais, pour cette quatrième élection, le chef de l'Etat a voulu montrer une image de réconciliateur, proche du peuple.
"La vérité vient d'éclater après l'annonce des résultats qui nous placent loin devant nos adversaires", a déclaré brievement le président sortant le soir de sa victoire, costume taillé sur mesure et casquette bleue marquée d'un F, comme "Faure", sur la tête.
Selon les chiffres officiels, le candidat d'Unir (Union pour la république), le parti au pouvoir, a remporté 72,36% des suffrages, un score inédit, avec un taux de participation de 76% bien plus élevé qu'en 2015 (61%), mais l'opposition a dénoncé de nombreuses fraudes et irrégularités.
L'opposition et la société civile n'ont cessé de dénoncer un régime autoritaire, des arrestations arbitraires et l'absence d'alternance démocratique: des critiques "exagérées", selon le chef de l'Etat.
"L'intimidation (des opposants, ndlr), c'est plus une réputation qu'une réalité (...) En tous cas je ne me sens pas l'âme d'un dictateur", a-t-il insisté lors d'un entretien accordé à l'AFP et au journal Le Monde, depuis le palais présidentiel à Lomé en amont de l'élection.
- "Sans passion" -
Pendant cette campagne, le chef de l'Etat de 53 ans s'est adonné aux bains de foule, dont il n'a jamais été très coutumier. Toutefois, sa grande réserve était encore palpable et sa voix était basse dans ses discours.
Car si l'exercice du pouvoir est bien rôdé après quinze années à la tête du petit pays d'Afrique de l'Ouest, le chef de l'Etat reste un personnage mystérieux, qui n'a jamais accordé une interview à la presse locale.
"Il est très méfiant, il parle peu", confie à l'AFP un de ses collaborateurs. "J'ai parfois l'impression qu'il n'a confiance en personne".
"Il est indéchiffrable", ajoute un de ses proches. "Il est très difficile de savoir ce qu'il pense. C'est un homme qui gouverne sans passion (...), il ne fait jamais rien dans l'émotion ou la précipitation".
Féru de religion, il prie beaucoup et s'est rendu au sanctuaire de la Vierge à Lourdes, dans le sud-ouest de la France, ces derniers mois, selon son entourage.
- Stabilité -
Célibataire, "Faure" est également connu pour être un homme à femmes, et aurait plusieurs enfants et petits-enfants. Il est lui-même issu d'une fratrie qui pourrait s'élever à plus de 50 frères et soeurs.
L'histoire mouvementée de la dynastie Gnassingbé a d'ailleurs fait couler beaucoup d'encre.
Un de ses demi-frères, Kpatcha, qui fut son ministre de la Défense, est toujours détenu dans une prison de Lomé après un coup d'Etat manqué en 2009. La famille reste profondément divisée et beaucoup n'ont cessé de dénoncer "un coup monté" pour évincer son rival.
Ces dernières années, le Togo n'a pas connu le sursaut de croissance attendu, stagnant aux alentours de 5% ces dernières années et la moitié de la population vit sous le seuil de l'extrême pauvreté.
Mais le chef de l'Etat peut compter sur de solides soutiens à l'intérieur, avec au premier chef l'armée, mais aussi sur la scène internationale et régionale.
La France, ex-puissance coloniale, allié traditionnel de la dynastie Gnassingbé et présente au Sahel voisin dans la lutte contre les mouvements jihadistes, est particulièrement sensible à la stabilité du Togo dans cette région volatile.
Alors qu'il visitait en campagne électorale les postes de l'armée sur la frontière avec le Burkina Faso, Faure Gnassingbé a posé en père de la nation, appelant "les populations, les leaders religieux, et les chefs traditionnels" à ne pas se soulever contre les forces de défense et de sécurité.
Lors de manifestations massives en 2017 et 2018, des dizaines, voires des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues pour demander sa démission.
Mais le pouvoir a tenu bon et le parlement a finalement voté une révision constitutionnelle en 2019 permettant au chef de l'Etat de se représenter pour deux mandats de cinq ans supplémentaires en 2020 et 2025.
Vos commentaires