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Faire plonger le dollar, une arme de plus dans la guerre commerciale ?

Faire plonger le dollar, une arme de plus dans la guerre commerciale ?
Le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin à Washington le 12 janvier 2018Brendan Smialowski
 
 

Le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin a tenté d'estomper jeudi à Davos ses déclarations abruptes de la veille qui se félicitaient d'un dollar plus faible, faisant plonger le billet vert.

La veille, le ministre des finances de Donald Trump avait propulsé l'euro à des sommets depuis trois ans en affirmant qu'un "dollar plus faible" était "bon" pour les Etats-Unis puisqu'il favorise "le commerce et les opportunités".

L'idée est qu'un dollar plus faible va rendre les exportations américaines plus compétitives tandis qu'en renchérissant les prix à l'importation, il va décourager celles-ci et donc réduire le déficit commercial de la première économie mondiale, un des objectifs du président Trump.

Mais devant les remous des marchés, M. Mnuchin a en partie atténué ses propos au 2e jour de sa visite au Forum économique de Davos. "A court terme, le niveau actuel du dollar n'est pas un problème pour moi (...). A long terme je crois fondamentalement dans la force du dollar", a-t-il déclaré sur la chaîne financière CNBC.

L'éloge surprise d'un dollar faible a été rebutée par le patron de la BCE Mario Draghi à Francfort jeudi. Sans citer son auteur, M. Draghi a dénoncé "la communication" de cette "autre personne" qui "ne se conforme pas aux termes convenus" depuis "des décennies" entre partenaires internationaux.

Il a appelé à la "retenue" et relu haut et fort un des derniers communiqués adopté en octobre lors des réunions du FMI "nous nous abstiendrons de mener des dévaluations compétitives, et nous ne ciblerons pas nos taux de change à des fins de compétitivité".

- Guerre commerciale -

La position de Steven Mnuchin a semblé brandir une arme supplémentaire dans la guerre commerciale menée par Washington qui veut promouvoir "l'Amérique d'abord".

"Cela fait un peu partie de la guerre commerciale", a affirmé Joseph Gagnon, économiste au Peterson Institute for International Economics (PIIE) qui se félicite de cette déclaration.

"J'étais content d'entendre ça. Un dollar fort a été très dommageable et cela dure depuis trop longtemps", estime cet économiste, affirmant que l'Europe et surtout l'Allemagne ont profité de cet écart des devises pour gonfler leur excédent commercial avec les Etats-Unis.

"Quand l'euro était tombé à 1,09 dollar, c'était bien trop faible. Je pense qu'à taux d'intérêt et cycle économique comparables, l'euro devrait être à 1,50", assure cet ancien économiste de la Fed.

Au vu de l'ampleur de la réaction sur le marché des changes, ---l'euro ayant passé le cap des 1,25 jeudi à New York--, le secrétaire au Commerce Wilbur Ross, lui-aussi à Davos, a voulu calmer le jeu avant l'arrivée de Donald Trump jeudi. Il a assuré que son collègue du Trésor n'avait pas voulu agir sur le billet vert: "il ne préconisait rien. Il disait simplement, ce n'est pas la plus grande préoccupation du monde pour nous en ce moment".

Les mots de Steven Mnuchin auraient-ils dépassé sa pensée ? Pas sûr. Pour Joel Naroff, économiste indépendant interrogé par l'AFP, "M. Mnuchin est un homme qui dit ce qu'il pense, sans trop de filtre".

"Parlait-il au nom de tout le gouvernement, je ne sais pas. Mais je soupçonne qu'ils vont être contents si le dollar baisse", a-t-il ironisé.

- Stratégie risquée -

Mais pour d'autres observateurs, c'est une stratégie risquée pour l'administration que de faire baisser le billet vert par des commentaires.

"Cela peut provoquer une course des devises vers le bas car tout le monde veut avoir une monnaie plus compétitive que le dollar ou que son partenaire commercial", prévient Greg Daco, économiste en chef d'Oxford Economics aux Etats-Unis.

Certains pays émergents, voire la Chine, pourraient ainsi laisser déprécier leur monnaie pour rester compétitifs commercialement. Il évoque même la zone euro qui "optant pour la façon la moins dérangeante possible pourrait choisir de retarder la remontée des taux d'intérêt" ce qu'a fait Mario Draghi jeudi en excluant que la BCE puisse relever ses taux cette année.

D'autres soulignent aussi que si un dollar plus faible peut réduire le déficit commercial américain, il présente également le risque d'importer de l'inflation.

Les prix à l'importation deviennent plus chers, accélérant l'inflation ce qui peut en retour décourager les consommateurs et ralentir leurs dépenses, moteur de l'économie américaine.

"Il faut garder cela à l'esprit quand on parle de dollar plus faible. Ce n'est pas nécessairement entièrement positif. C'est peut-être une déclaration audacieuse mais est-elle judicieuse ?", s'interroge M. Daco.


 

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