Les émissions mondiales de CO2 sont reparties à la hausse en 2017, une mauvaise nouvelle pour le climat et la communauté internationale réunie pour la seconde semaine de négociations climatiques à Bonn.
Après trois années stables, les émissions liées à l'industrie et à la combustion d'énergies fossiles devraient croître de 2% (entre 0,8 et 2,9%) cette année par rapport à 2016 et atteindre un niveau record, soulignent les chercheurs du Global Carbon Project.
Leur étude vient confirmer les sombres conclusions du dernier rapport de l'agence Environnement de l'ONU (Pnue), qui relevait que le monde ne faisait pas assez pour tenir les objectifs de l'accord de Paris visant à garder le réchauffement planétaire sous 2°C, voire 1,5°C.
Pour y arriver, "il faudrait que les émissions atteignent leur +pic+ ces prochaines années puis diminuent rapidement", rappelle une des auteurs, Corinne Le Quéré, de l'université britannique d'East Anglia, pour qui ces résultats sont "une grande déception".
- 'Recul pour le genre humain' -
A l'origine du boom des émissions, la Chine, qui a vu sa production industrielle bondir. Mais pas seulement. Les Etats-Unis (où la consommation du charbon a crû pour la première fois en cinq ans face à la cherté du gaz) et l'UE font moins bien que les années précédentes.
"Cette nouvelle est un recul pour le genre humain", a réagi Amy Luers, directrice de Future Earth, plateforme de recherche soutenant le Global Carbon Project. "Nous devons renverser cette tendance. Ce qui signifie en priorité fournir un accès à une énergie propre aux centaines de millions de personnes encore privées d'électricité".
Illustration d'impacts croissants, le dérèglement menace presque deux fois plus de sites naturels du Patrimoine de l'Unesco qu'il y a trois ans, soit un quart d'entre eux (récifs coralliens, glaciers, forêts...), alerte l'Union internationale pour la conservation de la nature.
Avec le réchauffement croissant, la Terre se rapproche de "points de bascule" irrémédiables: fonte de calottes polaires, disparition de glaciers... a prévenu un rapport scientifique remis lundi à l'ONU.
A Bonn, les délégués négocient les règles d'application de l'accord de Paris (notamment sur la transparence des actions nationales), qui ne seront pas finalisées avant fin 2018 et la COP24. Ils doivent aussi lancer un "dialogue" d'un an pour préparer la révision des engagements climatiques nationaux, présentés par chaque pays avant la COP21.
"Côté négociations, il y a du progrès", a estimé la responsable climat de l'ONU Patricia Espinosa, à mi-parcours. "Côté action, on voit des signaux positifs, mais nous sommes aussi conscients qu'il y a un fossé à combler. Nous devons agir vite".
Mercredi et jeudi la COP sera plus politique. S'exprimeront notamment l'Allemande Angela Merkel, le Français Emmanuel Macron, les président gabonais Ali Bongo, guinéen et de l'Union africaine Alpha Condé, sénégalais Macky Sall, des Premiers ministres, nombre de ministres de l'Environnement et le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres. Qu'en attendre?
L'"effrayant" bilan des émissions 2017 "montre qu'il faut plus que des discours chaleureux", dit Mohamed Adow, dont l'ONG Christian Aid défend les pays vulnérables. "Le charbon doit être abandonné, les (énergies) renouvelables accélérées".
"Dire qu'on reste dans l'accord de Paris, cela ne suffit pas", insiste Teresa Ribera, de l'Institut des relations internationales (Iddri). "Il faut expliquer comment on change les choses, "notre système électrique, les transports en ville+ etc. Il y a beaucoup d'initiatives locales, mais les dirigeants on ne les entend pas".
- Charbon 'propre' ? -
Des gouverneurs d'Etats américains sont venus présenter à la COP23 leur politique volontariste. Mais selon un rapport, cela ne compensera pas entièrement le désengagement fédéral décidé par Donald Trump.
Lundi soir, des responsables de l'administration Trump étaient à Bonn pour défendre les énergies fossiles, au cours d'une réunion qui a été perturbée par des défenseurs des énergies vertes.
"Il ne fait pas de doute que les énergies fossiles vont continuer à être utilisées", a déclaré George David Banks, assistant du président Trump pour l'énergie, entouré de représentants de l'industrie du charbon et du nucléaire. Mais "il est dans l'intérêt de tous que, lorsque des énergies fossiles sont utilisées, elles soient aussi propres et efficaces que possible", a-t-il ajouté, plusieurs fois interrompu par des militants aux cris de "menteurs!" ou "il n'y a pas de gaz propre!"
Interrogé dimanche sur cette réunion américaine, Frank Bainimarama, Premier ministre de Fidji, président de la COP23, avait accueilli l'initiative fraîchement. "Je ne veux pas me lancer dans un débat avec les Etats-Unis. Mais nous connaissons tous les effets du charbon, de son extraction et bien sûr de sa combustion, sur le climat".
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