C'est sur leur petit stand d'exposition du plus grand salon des technologies, à Las Vegas, que nous avons rencontré ce couple plein d'enthousiasme, bien décidé à faire de son Linedock l'accessoire incontournable des très populaires ordinateurs de la marque Apple. Nancy fait le bilan, trois ans après l'idée qu'il a fallu transformer en produit commercialisable.
Grâce au soutien de l'AWEX (Agence Wallonne à l'Exportation), quelques jeunes entreprises bien de chez nous ont pu se rendre au CES (Consumer Electronic Show) de Las Vegas sans se ruiner. C'est le cas de Linedock, qui est aussi le nom du produit développé depuis trois ans par Quentin Malgaud et Nancy de Fays.
Ce jeune couple wallon, qui a fait ses études à l'Université Catholique de Louvain, consacre toute son énergie depuis 2016 à la fabrication et la commercialisation d'un accessoire pour les ordinateurs d'Apple, les très populaires MacBook. Il s'appelle donc Linedock, et c'est un genre de docking station aussi élégante qu'ingénieuse.
"Beaucoup de gens achètent des Mac, ce sont de très bons appareils mais depuis quelques années, la connectivité est réduite au minimum. Les gens doivent donc transporter un tas d'accessoires, comme le hub, la batterie de secours, etc", nous a expliqué Nancy, sur son petit stand du CES, à côté d'autres start-ups wallonnes.
D'où leur invention, sur laquelle on reviendra plus tard. Car ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est leur histoire. Comment deux jeunes Wallons (Nancy a 28 ans et Quentin 30 ans) ont eu l'idée de créer ce produit, et que s'est-il passé pour eux depuis lors ?
Le Linedock actuel de 13" au-dessus, le nouveau 15" en-dessous: oui, on dirait des MacBook...
Tout est parti d'un bricolage
Diplômée en Economie, Nancy a travaillé durant un an dans une grande entreprise. "Mais je m'emmerdais, j'avais envie de quelque chose de différent".
Ce qui a changé leur vie, c'est la passion de Quentin pour l'électronique. "Quentin est ingénieur, il a bricolé à l'époque ce qui allait devenir le Linedock. Il trouvait que le Mac sur lequel il travaillait était super pratique au niveau de la mobilité, mais qu'il lui manquait de l'autonomie et du stockage. Il a donc fabriqué lui-même un truc qui était vraiment super moche, mais qui était déjà assez pratique".
Se rendant compte qu'il avait un produit intéressant et prometteur, le couple décide de tout plaquer pour se consacrer au développement, à la fabrication puis à la commercialisation du Linedock.
Comme vous l'imaginez, entre une idée et un produit électronique commercialisable, il peut se passer beaucoup de choses. Enormément, même, selon Nancy, qui nous a résumé l'aventure.
"Quand les Mac ont commencé à utiliser l'USB Type-C comme port quasi-universel (pour la recharge, les accessoires, les stockages USB, la connexion à un écran, NDLR), on s'est dit que c'était trop bien pour notre idée". Effectivement, ça permet au Linedock d'offrir un tas de bonus au Mac, via un seul port. "Et au même moment, les gens se plaignaient du manque de connectivité".
L'idée est là, reste à la rendre fonctionnelle. Et ce n'est rien de le dire. Pour qu'un tel produit fonctionne, il faut pratiquement construire un petit ordinateur: "Quand on l'ouvre, on le voit bien: il y a une carte-mère à programmer, une batterie, un système de refroidissement et la connectique. C'est autant de software que de hardware".
Souci du détail: sous le capot, des infos sur les origines de l'accessoire
Une campagne de crowdfunding, la Chine puis… le Danemark
Du coup, avec l'aide de deux ingénieurs, ils planchent sur un concept, histoire de pouvoir débuter une campagne de crowdfunding. "Ça a bien marché, même si le produit n'était vraiment pas aussi beau que maintenant, on a récolté 450.000$ fin 2016".
De quoi se lancer vraiment, en 2017, dans la grande aventure. Et ce n'est rien de le dire: "On a passé deux ans en Chine pour terminer le développement et apprendre le métier de production". Le couple se disait à l'époque que "c'était le meilleur endroit pour trouver des compétences et des usines".
Les deux jeunes Belges s'installent donc à Shenzhen, la Silicon Valley locale. "Ça a été très compliqué pour diverses raisons, et on a fini par assembler nous-mêmes, avec quelques étudiants chinois, 1.500 pièces de notre Linedock". De quoi envoyer les produits à ceux qui ont participé à la campagne de crowdfunding, et vendre les premières unités.
Ensuite, coup de chance, "un de nos (nouveaux, car d'autres fonds ont été levés) investisseurs a lancé une usine d'assemblage au Danemark". Croyez-le ou non, "mais en optimisant les procédures, et grâce au fait qu'on n'était pas obligé de sortir des milliers de produits directement, ce n'est pas plus cher de faire fabriquer le Linedock" dans le nord de l'Europe. C'est une bonne nouvelle pour l'économie européenne et la planète, en passant.
Le produit était enfin là, et parfaitement dans l'esprit Apple: un design très élégant, un aluminium identique aux ordinateurs de la marque californienne, et des fonctions intéressantes: ports USB, lecteur de carte mémoire, batterie qui recharge rapidement le Mac, sorties pour connecter un moniteur ou un écran de télévision. Et le tout, avec un seul petit raccord USB Type-C très discret, en forme de U :
Le bilan ? "C'est dur, mais je ne regrette rien"
Le travail de Nancy et Quentin a donc fini par payer. En 2019, ils ont commercialisé la version 13 pouces de leur Linedock, qui s'adapte parfaitement au MacBook Air, un ordinateur très populaire dans le monde entier. Au CES 2020, où nous les avons rencontrés, ils présentaient un modèle 15 pouces avec davantage de connectique (on peut par exemple y brancher deux écrans en même temps).
Après avoir levé des fonds (quelques millions de dollars en tout, à l'étranger uniquement), l'entreprise doit maintenant s'agrandir. "On doit engager des profils car là, on fait tout nous-mêmes, avec une personne aux Etats-Unis où le produit est principalement vendu actuellement, et deux ingénieurs basés en Ukraine. On doit trouver des personnes pour distribuer le Linedock et assurer le suivi après-vente dans une plus grande partie du monde", conclut Nancy, impatiente.
A l'heure du bilan de ces trois dernières années, Nancy reste réaliste. "Lancer une start-up comme on l'a fait, tout faire soi-même, tout gérer, c'est la merde, il y a plein de problèmes. C'est très dur, et chaque étape est très longue. Beaucoup de jeunes entrepreneurs comme nous sont dans la précarité".
Effectivement, durant deux ans, l'entreprise a dépensé beaucoup d'argent mais n'a pas rapporté le moindre dollar. "Dans ces cas-là, on ne se paie pas de salaire, on prend les Airbnb les moins chers quand on doit se déplacer pour le travail, etc".
Pour autant, "je ne regrette rien, je n'aimais pas mon travail et c'est très enrichissant, excitant ce qu'on vit".
Le couple, qui n'a pas vraiment de domicile ("on a vécu en Chine, au Danemark, aux Etats-Unis, bref, là où on développait le produit"), aimerait s'établir en 2020.
Sans aucun doute la docking station la plus élégante du marché...
Le Linedock, une idée qui devrait plaire
D'après moi, le Linedock de Nancy et Quentin a toutes les chances de réussir son coup. Le public qui achète les ordinateurs d'Apple est généralement soucieux du détail, du design, de la finition. Quel meilleur compagnon que cette station d'accueil qui décuple le potentiel de ces ordinateurs certes très mobiles, mais aussi très limités au niveau de la connectivité (pour garder une épaisseur minimale) ?
Je vous ai déjà expliqué son utilité, mais pas encore qu'il était facilement démontable et réparable, et disponible en différentes versions. Le 13 pouces s'achète sans disque dur (la procédure est simple pour mettre votre propre SSD) à 349$, ou avec une capacité de stockage de 256 GB (449$) ou 1TB (699$). La version 15/16 pouces, avec une connectique plus riche, est en précommande pour l'instant. Elle coûtera forcément un peu plus cher.
La batterie intégrée dans la version 13" est de 19.350 mAh, de quoi recharger entièrement votre Mac en deux heures, et environ deux fois.
Un accessoire électronique "wallon" et fabriqué au Danemark, c'est une grande première. Voilà une qualité qu'on avait oublié de citer…
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