Pourquoi les salaires n'ont pas augmenté autant que les bénéfices des entreprises? Voilà en résumé la question posée à Paul Magnette par Raoul Hedebouw, président du parti communiste PTB. Le président du Parti socialiste a répondu en direct dans l'émission C'est pas tous les jours dimanche sur RTL TVI, animé par Christophe Deborsu.
La question de Raoul Hedebouw était celle-ci: "Alors qu'on sait que beaucoup d'entreprises ont fait beaucoup de bénéfices ces dernières années, notamment les entreprises cotées en bourse, qui ont vu quand même leur bénéfice doubler cette dernière année à 21 milliards d'euros… Comment un ministre socialiste comme monsieur Dermagne (ndlr: ministre de l'Economie et du Travail au sein du gouvernement fédéral) a-t-il pu décider de bloquer les salaires à une marge maximale de 0,4% au-dessus de l'indexation. Un blocage par un arrêté royal pris par un ministre socialiste, alors que toutes les organisations syndicales sont contre cette norme syndicale. Comment avez-vous pu prendre une telle décision?"
Petite explication avant la réaction de Paul Magnette
La norme salariale en question a été décidée en 1996 et modifiée en 2017 sous le gouvernement de Charles Michel, composé du MR, de la N-VA, du CD&V et de l'Open VLD. Elle limite les augmentations de salaire pour qu'ils n'augmentent pas trop par rapport aux pays qui nous entourent.
Le président du PS répond... et s'en prend au PTB
Paul Magnette: Tout le problème, ce n'est pas qu'on prenne un arrêté royal. L'arrêté royal c'est automatique. Le problème, c'est la loi, et surtout sa modification en 2017, à un moment où les socialistes n'étaient pas au pouvoir, il faut quand même le rappeler. On avait un gouvernement de pure droite. Ils ont effectivement rendu la norme salariale obligatoire. Ça veut dire que quand on constate qu'il y a une marge d'autant, les syndicats ne peuvent plus aller au-delà. Avant, c'était indicatif, et dans les secteurs forts on peut négocier plus. Raoul Hedebouw… sur le fond on est tout à fait d'accord. La preuve, c'est que monsieur Hedebouw avait accepté de co-signer une loi présentée par un député socialiste, Marc Goblet. […] Le PTB s'était rallié à la position du Parti socialiste. Mais la question, c'est celle du rapport du force. J'ai beaucoup de sympathie pour les messages des communistes, mais ils refusent d'exercer des responsabilités. C'est assez facile, ils sont dans la rue, ils font des pétitions, ils protestent au parlement, tout ça est très bien mais ça n'apporte rien. Si on veut modifier les choses, il faut accepter de prendre des responsabilités, il faut accepter de se battre.
Christophe Deborsu: Et vous allez l'obtenir cette modification?
Paul Magnette: On va tout faire pour. Nous nous battons contre la droite. J'ai dit 100 fois pendant la négociation de l'accord de gouvernement: "Je veux qu'on revienne à l'ancien système où la norme n'était pas obligatoire". Et à chaque fois la droite me dit: "Alors on remet en cause l'indexation des salaires".
Christophe Deborsu: C'est un aveu de faiblesse?
Paul Magnette: Mais non ce n'est pas un aveu de faiblesse. Moi je préférerais qu'on ait 30 ou 35 sièges (ndlr: de députés au parlement). Si des gens votent pour des communistes, c'est très bien. Sauf qu'ils ne viennent pas au pouvoir, du coup les socialistes sont tous seuls pour se battre et c'est beaucoup plus difficile. J'aimerais qu'on soit beaucoup plus forts, et que dans un bras de fer on arrache beaucoup plus de choses face aux libéraux. Aujourd'hui, il faut dire: il est hors de question de devoir choisir entre l'indexation automatique des salaires et la liberté de négocier. C'est les deux. Les salaires en Belgique auront augmenté entre 2020 et 2022 entre 8 et 10%. C'est une augmentation énorme mais nécessaire pour suivre l'augmentation des prix. Mais au-delà de ça, on doit pouvoir donner une liberté de négociation.
Christophe Deborsu: Sauf que vous n'allez sûrement pas y arriver. Les autres partis disent non…
Paul Magnette: Attendez! Bien sûr qu'on va continuer d'essayer. L'argument, et je l'ai déjà dit à Alexander De Croo (ndlr: le Premier ministre issu du parti libéral flamand Open VLD), il y a toute une série de choses qu'on a faites et qui n'étaient pas prévues dans l'accord de gouvernement. On a augmenté le salaire minimum par exemple. Ce n'était pas dans l'accord de gouvernement, mais la droite l'a accepté quand même parce qu'on a mené un rapport de force. Le ministre Dermagne avec les organisations syndicales l'a imposé à l'agenda. On va continuer à mener le combat aussi de cette manière-là. Quand on nous a dit: il y a la guerre en Ukraine donc il faut revenir sur les accords énergétiques, on a accepté. Là il y a une inflation que personne n'avait vu venir. C'est un fait nouveau, et un fait nouveau suppose une discussion nouvelle.
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