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Courriers ciblés envoyés aux personnes au nom supposant une origine étrangère: voici pourquoi c'est problématique

Courriers ciblés envoyés aux personnes au nom supposant une origine étrangère: voici pourquoi c'est problématique
 
 

Un électeur de la région bruxelloise nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part d’un constat sur la propagande électorale en vue des communales. "Nous sommes deux, de nationalité belge, à être domiciliés à une même adresse et à figurer sur les listes d'électeurs, mais seul l'un de nous porte un nom et un prénom à consonances étrangères", décrit-il. "Comme tout le monde, nous recevons régulièrement de la publicité électorale, généralement non nominative ou, lorsqu'elle est nominative, nous la recevons deux fois. Mercredi dernier, une telle enveloppe, cachetée timbrée, est parvenue dans notre boîte. Une seule. Sauf erreur, le candidat expéditeur aurait manifestement choisi de réserver son message à un seul d'entre nous".

L'électeur, qui soupçonne le candidat d'avoir ciblé son message sur base d’origines étrangères supposées grâce à un patronyme, explique que le courrier en question prônait un message d’ouverture. "Quel dommage si ce message n'a de fait été réservé, paradoxalement, qu'à une partie de l'électorat...".

Un tract sous enveloppe nominative

Autre exemple, cette fois en région wallonne. Un tract, sous enveloppe nominative, est arrivé dans la boîte aux lettres d’un Belge d’origine congolaise. Deux candidats s’adressent à lui en lingala notamment: "Mboté ba ndeko na ngai", peut-on y lire en accroche, soit "Bonjour mes amis". L’électeur y est invité à soutenir celle qui pourrait devenir "la première sœur africaine au Conseil communal"



Un autre courrier, à nouveau envoyé dans une commune de la région bruxelloise, s'adresse à ses "chers amis Africains".


 

Le ciblage sur base des origines pose problème

Nous avons présenté ce genre de cas à l'Autorité de protection des données (ancienne Commission de la protection de la vie privée). Il s'agit d'une entité fédérale, qui veille à la bonne application du fameux règlement général de protection des données (RGPD), dont on a beaucoup entendu parler lors de sa récente mise en application en mai 2018. Quelle que soit la façon dont le parti ou le candidat a appris l'origine de l'électeur (autrement dit, même par déduction), le ciblage sur base ses origines supposées pose problème.

"Les partis politiques peuvent utiliser les listes électorales qui sont mises à leur disposition. Les données qu’on y retrouve, sont le nom, le prénom, la date de naissance et l’adresse", explique Sarah Boulerhcha, porte-parole de l’Autorité de protection des données. "Les partis peuvent cibler sur l’âge", nous explique la porte-parole. Le ciblage est donc permis tant qu’il concerne les données consultables dans ces listes. On pourrait imaginer un courrier s'adressant spécifiquement aux seniors. Il serait également autorisé d’adresser à l’électeur un courrier présentant les enjeux du quartier qu’il habite dans la commune, par exemple. 

Dans les cas qui nous ont été présentés, le ciblage semble avoir été fait sur base de l’origine raciale ou ethnique (supposée, sur base du nom et/ou du prénom) de l’électeur. Les communes n’ont pas le droit de faire de "profilage" lors de l'émission de ces listes de données, or si les partis le font en ciblant sur base de l’origine des électeurs, ils contournent la loi. 

Une donnée sensible

L’origine raciale ou ethnique est une donnée personnelle considérée comme "sensible": "On ne peut pas traiter ces données sans autorisation", nous dit-on, et ce au sens de l'article 9 du RGPD: "Le traitement de ces données à caractère personnel sensible est en principe interdit, à moins que la personne concernée y ait consenti explicitement", explique la porte-parole. Ce qui n'est pas le cas des personnes ciblées par les courriers évoqués ci-dessus.

Il est possible de porter plainte auprès de l’Autorité de protection des données lorsqu'on estime avoir été ciblé par un courrier électoral sur base de son origine. "Dans ce cas-ci, on va obtenir gain de cause", nous assure-t-on. "L’Autorité pourrait imposer des amendes administratives ou prendre des mesures correctionnelles". Un parti peut ainsi être puni. La plainte peut être introduite via ce lien, par écrit.

49 dossier ouverts concernant la propagande politique

Au total sur les mois de septembre et octobre 2018, l’Autorité de protection des données a ouvert 49 dossiers concernant la propagande politique, tous sujets confondus. Ces dossiers pouvaient concerner de simples questions ou demandes d’information, des médiations ou des plaintes.


 

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