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Deux baisers échangés avec Beyoncé: ce geste de l'acteur Omari Hardwick que l'Amérique considère "déplacé"

Quel point commun déroutant partageaient lundi la superstar américaine Beyoncé et l'ancien vice-président Joe Biden? Les deux personnalités étaient mêlées, l'une comme victime, l'autre comme auteur présumé, à des baisers déplacés, dernières invasions en date de "l'espace privé" si important aux Etats-Unis.

Il ne s'agit pas ici d'agressions sexuelles mais de gestes considérés comme étant intrusifs et inconvenants, dans un pays où la vague #MeToo s'est transformée en lame de fond.

Beyoncé a été couronnée "artiste de l'année" samedi soir aux NAACP Image Awards, un gala célébrant à Los Angeles les meilleures oeuvres de la communauté afro-américaine.

Mais la fierté ressentie par ses fans a été gâchée par l'acteur Omari Hardwick, vilipendé pour avoir étreint la lauréate de façon jugée trop serrée, accompagnant son acte de deux baisers sur la joue droite, le second proche de la bouche de la vedette.

Sur le coup, Beyoncé, debout à côté de son mari Jay-Z, ne semble pas s'en formaliser. Mais les réactions indignées ont emballé dimanche les réseaux sociaux.

Sur les cheveux 


Coïncidence étonnante, l'actualité américaine était dominée ce même jour par une accusation lancée par une ex-élue du Nevada, Lucy Flores, selon qui l'ancien vice-président des Etats-Unis Joe Biden l'a embrassée sur l'arrière du crâne, de manière impromptue, en 2014.

Une controverse susceptible de plomber la candidature attendue à la Maison Blanche de M. Biden, favori des sondages dans le camp démocrate. Le septuagénaire a nié tout acte indécent à l'égard de Mme Flores.

Depuis, de nombreuses photos ont refait surface, montrant Joe Biden dans un rapport tactile avec des femmes. Sur l'une d'elles, remontant à février 2015, il tient par les épaules la femme du ministre de la Défense Ashton Carter.

Celle-ci, Stephanie Carter, a écarté tout acte inconvenant de la part de M. Biden, dans une tribune publiée dimanche.

Lucy Flores admet de son côté ne pas avoir subi d'agression sexuelle "ou quoi que ce soit de cette nature". Mais, assure-t-elle, "il est légitime d'avoir un débat sur le fait que les hommes puissants estiment avoir le droit d'envahir l'espace privé d'une femme".

Toucher n'est pas jouer 


S'étant imposée relativement récemment, la notion d'"espace privé" ("personal space" en anglais) fait référence à une zone tampon invisible autour d'un individu qui, lorsqu'on empiète dessus, cause un malaise.

L'anthropologue américain Edward Hall, décédé en 2009, a forgé le néologisme "proxémie" pour évoquer ce concept de distance physique s'établissant entre des personnes interagissant. La sphère intime ne dépasse pas 45 cm, suivie de la sphère personnelle (jusqu'à 120 cm), censée concerner des personnes se connaissant, elle-même suivie des sphères "sociale" et "publique".

Ces bulles varient toutefois selon les situations et les cultures, explique à l'AFP Audrey Nelson, une experte en communication et identité sexuelle: "Le pays dans lequel vous vous trouvez dicte la zone de distance".

"Il faut être bien conscient que le toucher peut être mal interprété. C'est un vecteur puissant", poursuit-elle. "Joe Biden a franchi la zone taboue. A ce point de proximité, toucher quoi que ce soit, votre chevelure, masser vos épaules, c'est... très déplacé. Ce comportement est réservé aux intimes".

Les violations d'espace privé viennent fréquemment animer l'actualité aux Etats-Unis. Un pays où l'étranger qui débarque est parfois décontenancé par le fameux "hug", une accolade où la bienséance impose de présenter une épaule plus en avant que l'autre afin de limiter la zone de contact physique.

C'est d'abord ici que les féministes se sont attaquées au "manspreading", le fait pour un homme de s'asseoir en écartant exagérément les cuisses. Et c'est ici que les impairs sont impitoyablement traqués. Y compris en chanson. La soeur de Beyoncé, Solange Knowles, y a consacré un titre: "Don't Touch My Hair".

Charles Ellis, le pasteur qui a célébré l'an dernier les obsèques d'Aretha Franklin, avait lui dû présenter ses excuses à la chanteuse Ariana Grande pour l'avoir tenue de façon inconvenante pendant la cérémonie.

"La zone tampon protège la totalité du corps", détaille Michael Graziano, professeur de neurosciences et psychologie à Princeton et auteur de "The Spaces Between Us".

"Cependant, ce mécanisme se vérifie davantage (...) autour de la tête. Par exemple, dans une rame de métro bondée, on tolèrera quelqu'un appuyé contre notre épaule, mais pas juste en face de notre visage".


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