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La décision semblait inévitable : Roman Polanski, visé depuis novembre par une nouvelle accusation de viol, a annoncé qu'il ne se rendrait pas vendredi à la 45e cérémonie des César, où des féministes ont prévu de protester contre les 12 nominations de son film "J'accuse". "Depuis plusieurs jours, on me pose cette question: viendrai-je ou ne viendrai-je pas à la cérémonie des César. La question que je pose est plutôt la suivante: comment le pourrais-je?", demande le cinéaste dans un texte transmis à l'AFP, affirmant que "des activistes le menacent déjà d'un lynchage public". "Cela promet de ressembler davantage à un symposium qu'à une fête du cinéma censée récompenser ses plus grands talents", poursuit-il.
Expliquant notamment qu'il doit "protéger sa famille, sa femme et ses enfants, à qui on fait subir injures et affronts", il affirme que c'est "avec regret qu'il prend cette décision, celle de ne pas affronter un tribunal d'opinion autoproclamé prêt à fouler au pied les principes de l'Etat de droit pour que l'irrationnel triomphe à nouveau sans partage".
Cette décision intervient alors que la 45e cérémonie des César promet de se tenir sous tension, après la démission de la direction de l'Académie, accusée d'opacité et d'entre-soi, et alors que des féministes ont appelé à manifester contre Polanski. Arrivé en tête des nominations avec le film de Ladj Ly sur les banlieues "Les Misérables" - grand favori avec 12 nominations aussi, en incluant celle du prix du public -, le thriller historique de Roman Polanski sur l'Affaire Dreyfus avec Jean Dujardin sera sur le devant de la scène pour les récompenses annuelles du cinéma français.
La "contre-Académie des César"
Indignées, plusieurs associations ont appelé à protester vendredi à 18H devant la salle Pleyel, où se tiendra la cérémonie à partir de 21H. À la veille de la cérémonie, un collectif de militantes féministes baptisé la "contre-Académie des César" a diffusé sur les réseaux sociaux une "contre-cérémonie" d'une vingtaine de minutes pour remettre "aux Tocards du cinéma français, des récompenses telles que le César de la pédocriminalité, de l'impunité, ou de la misogynie", ont-elle expliqué.
Des militantes féministes ont également collé dans la nuit de mardi à mercredi des affiches devant la salle Pleyel et le siège de l'Académie des César à Paris pour dénoncer Polanski.
Nommée dans la catégorie meilleure actrice, l'actrice Adèle Haenel qui avait accusé en novembre le réalisateur Christophe Ruggia d'"attouchements répétés" quand elle était adolescente, a estimé lundi dans le New York Times que "distinguer Polanski, c'est cracher au visage de toutes les victimes".
Brigitte Bardot soutient le cinéaste
À contre-courant de ces critiques, Brigitte Bardot a apporté son soutien au cinéaste. "Heureusement que Polanski existe et sauve le cinéma de sa médiocrité! Je le juge sur son talent et non sur sa vie privée!", a réagi l'icône du 7e art dans une déclaration à l'AFP. "Je regrette de n'avoir jamais tourné avec lui! Vive Roman!", a-t-elle ajouté.
Comme une partie de l'opinion publique, les féministes n'acceptent plus que le cinéaste franco-polonais reçoive des honneurs, alors qu'il est visé depuis novembre par une nouvelle accusation de viol de la part de la photographe Valentine Monnier, qui s'ajoute à celles d'autres femmes ces dernières années. Le réalisateur de 86 ans est toujours poursuivi aussi par la justice américaine pour relations sexuelles illégales en 1977 avec une mineure.
Les César avaient déjà été en 2017 au coeur d'une controverse concernant le réalisateur du "Pianiste", quand il avait dû renoncer à présider la cérémonie, pour des raisons similaires. Si la polémique le concernant n'est pas nouvelle, elle a pris une nouvelle ampleur en novembre après la publication du témoignage de Valentine Monnier, quelques jours avant la sortie de "J'accuse".
Une sortie mouvementée
Le film a ensuite connu une sortie mouvementée en France, des féministes ayant bloqué des séances et appelé à le boycotter. "J'accuse" a cependant attiré plus de 1,5 million de spectateurs en salles. La mobilisation s'était ensuite renforcée après l'annonce des nominations aux César fin janvier, des féministes appelant immédiatement à un rassemblement le soir de la cérémonie.
Les César se dérouleront aussi dans un climat inédit cette année en raison de la grave crise de fonctionnement qui les a secoués ces dernières semaines, conduisant mi-février à la démission en bloc à la de la direction de l'Académie, présidée depuis 2003 par Alain Terzian. Une présidente par intérim des César, Margaret Menegoz, a été nommée mercredi, et une assemblée générale extraordinaire se tiendra le 20 avril pour adopter de nouveaux statuts, qui devront permettre notamment de garantir plus de démocratie, de diversité et de parité dans l'Académie.