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Corinne, une automobiliste qui emprunte au quotidien l'autoroute E19, a appuyé sur notre bouton orange Alertez-nous pour transmettre son coup de gueule. Elle en a assez des conducteurs qui mettent la pression sur ceux qui respectent les limitations de vitesse, surtout dans les chantiers. Le message, qu'elle a également lancé sur Facebook, a déjà reçu de nombreux commentaires de soutien. De leur côté, les experts rappellent qu'il y a près de 800 accidents chaque année dans des zones de travaux.
Comme eux, cela me déplaît de faire du 50 km/h, mais je le fais!
"Je veux dénoncer un fait qui se produit chaque jour sur nos routes", commence-t-elle par nous écrire. "Je roule chaque matin sur l'autoroute dans le sens Mons-Bruxelles. Comme tous les conducteurs qui passent par là, je tombe dans les travaux. Comme eux, cela me déplaît de faire du 50 km/h à 6h du matin… mais voilà, je le fais!", ajoute-t-elle.
Corinne dit respecter les limitations dans les zones de travaux pour une question de sécurité, mais pas seulement. "Je suis jeune conductrice, le moindre faux pas pourrait me coûter cher, et je ne vais pas travailler pour avoir des PV dans ma boîte aux lettres", explique-t-elle.
Ce lundi, après un nouveau trajet dans les chantiers de la E19, Corinne en a eu assez du comportement de certains. "Je voudrais que les conducteurs arrêtent de klaxonner et de faire des appels de phare aux personnes qui respectent les limitations", dénonce-t-elle. "Au pire, une deuxième bande est accessible pour me dépasser en toute sécurité", rappelle la jeune femme.
La jeune femme a également posté son message sur Facebook pour conscientiser les automobilistes. Plusieurs personnes ont laissé un commentaire de soutien. "Ignorez les crétins", dit Simon. "Tout à fait raison! Celui qui veut doubler qu'il passe! Je suis un ancien routier content d'être pensionné", commente Arthur. "J’ai eu la blague ce matin, appel de phare toutes les 2-3 secondes d’un camion qui m’a ensuite dépassé en faisant une queue de poisson, suivi d’un deuxième. Honteux!", confie pour sa part Delphine.
2 Belges sur 3 disent ne pas ralentir dans les chantiers
Contacté par nos soins, Benoît Godart, le porte-parole de Vias (ex-IBSR, Institut belge pour la sécurité routière) comprend la réaction de Corinne. "La semaine dernière, une personne nous a écrit pour signaler qu'elle avait été suivie de très près par un camion dans les travaux sur la E411. Il lui a aussi fait des appels de phare. La personne a pris la plaque du poids lourd et a contacté l'entreprise qui emploie le chauffeur. Il a été sanctionné pour son comportement", explique Benoît Godart.
Comme l'indique le porte-parole de l'institut Vias, une enquête européenne montre que sur les 11 pays européens participants, le Belge est celui qui "oublie" le plus de ralentir à hauteur d'une zone de travaux. "65%, soit deux Belges sur trois, disent qu'ils ne ralentissent pas. C'est beaucoup plus que dans les autres pays, même chez nos voisins les plus proches", commente Benoît Godart.
Près de 800 accidents ont lieu chaque année dans les chantiers
Les statistiques montrent que les chantiers restent des zones particulièrement dangereuses sur nos routes. "Chaque année, sur l'entièreté du territoire belge, il y a entre 700 et 800 accidents à proximité d'une zone de travaux, c'est environ deux par jour", précise Benoît Godart. Du côté du gouvernement wallon, le cabinet du ministre de la Sécurité routière nous indique que le nombre d'accidents corporels en présence de chantier est de 219 en Wallonie pour 2016. "Ces accidents ont entraîné le décès de 9 personnes et des blessures à 323 autres", précise François Dubru, du cabinet de Carlo Di Antonio (cdH).
D'après les analyses de l'Agence wallonne pour la sécurité routière (AWSR), accidents de chantier se produisent un peu plus que les autres accidents les journées de semaine c’est-à-dire quand les chantiers sont a priori les plus actifs. "Toutefois, il est aussi possible que l’on ait plus d’accidents en chantier en journée de semaine parce que la densité de trafic est plus importante à ces moments-là et les risques d’embouteillage sont donc importants", nous précise-t-on.
Le jeu n'en vaut pas la chandelle
S'il y a des limitations dans les chantiers, les experts rappellent que c'est surtout pour des raisons des sécurité. D'ailleurs, la Sofico, la Société de Financement Complémentaire des infrastructures, responsable des autoroutes wallonnes, avait lancé une campagne de sensibilisation en 2013. "Les ouvriers travaillent pour vous, levez le pied pour eux", rappelait alors la Sofico.
"Et même quand il n'y a pas d'ouvrier, les bandes sont souvent plus étroites dans les travaux. Donc le risque d'accident est plus élevé et les conséquences peuvent être plus graves", indique Benoît Godart. "Et puis... respecter les limitations ne fait pas perdre tellement de temps. Même dans les longs chantiers qui paraissent interminables, on perd une, deux ou trois minutes. Le jeu n'en vaut pas la chandelle", conclut-il.
Pourtant, 3 Wallons sur 4 sont d'accord avec les limitations dans les travaux
Si de nombreux conducteurs n'hésitent pas à dépasser les limitations de vitesse dans les chantiers, ils sont pourtant tout aussi nombreux à juger ces limitations comme justifiées. L'AWSR a mené une étude auprès de 1007 Wallons possesseurs du permis de conduire voiture en janvier 2016. Il ressort que 74% des conducteurs trouvent que les limitations de vitesse en zone de chantier sont correctes. Questionnés sur l'utilité d'installer plus de radars dans ces tronçons, 54% des sondés répondent par "plutôt d'accord" ou "tout à fait d'accord".
2 radars mobiles vont de chantier en chantier
Pour contrôler la vitesse des automobilistes dans les travaux, deux "lidar" sont disposés alternativement sur les chantiers wallons. Ces radars utilisent un laser qui peut balayer son environnement 75 fois par seconde. Ils peuvent flasher jusqu'à 20 mètres de leur position. Autre particularité: ces radars sont déplacés par le Service public de Wallonie (SPW), et non par la police. "Le SPW a procédé à 36 locations entre le 1er janvier 2017 et le 30 juin 2017. Et pour le mois de juin, 5.265 procès-verbaux ont été rédigés au total", précise François Dubru, du cabinet du ministre wallon de la Sécurité routière, Carlo Di Antonio.
Les jeunes conducteurs plus tolérants envers les excès de vitesse dans un chantier
Dernier point: l'étude réalisée par l'AWSR révèle que l'âge du répondant a une grande influence sur la définition de ce qui est "trop vite" sur un chantier routier. "Les conducteurs de moins de 34 ans ont en effet une acceptabilité plus grande des excès de vitesse en chantier. 62% trouvent que l’on peut dépasser la limitation de plus de 5 km/h sans aller trop vite, contre 55% pour les 35-54 ans", indique l'agence.
Vous vous posez des questions sur la façon dont les limitations de vitesse sont déterminées? Il y a quelques années, le Service public de Wallonie a publié un