Quatorze personnes, dont l'écrasante figure de l'ancien directeur du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn, comparaissent à partir de lundi 14H00 dans l'affaire de proxénétisme dite du Carlton, en compagnie de 24 avocats et sous les yeux de dizaines de journalistes.
Accusé d'avoir été au coeur d'un réseau de prostitution mis en place par ses amis du nord, l'ancien favori des sondages de la présidentielle 2012 se retrouve sur le banc des prévenus aux côtés notamment d'un hôtelier, d'un policier, d'un avocat et d'entrepreneurs, ainsi que du médiatique "Dodo la Saumure", tenancier revendiqué d'établissements "de plaisir" en Belgique. Le proxénétisme aggravé en réunion est puni jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende.
La présence de Dominique Strauss Kahn n’est pas requise pour l’ensemble de la durée du procès. Par contre, il viendra témoigner mardi prochain devant le tribunal correctionnel. Il est toutefois attendu lundi pour l'ouverture d'un procès fleuve d'au moins trois semaines.
Poursuivi pour proxénétisme aggravé
DSK est poursuivi pour proxénétisme aggravé. En théorie, il risque une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison. Mais il y a des chances qu’il se retrouve relaxé. DSK se dit serein et pour causes puisque le parquet a requis un non-lieu à son encontre. Le tribunal correctionnel de Lille devra, avant tout débat sur le fond, régler des questions de procédure. L'avocat du policier Jean-Christophe Lagarde a d'ores et déjà déposé une requête en nullité.
Lors de son renvoi devant le tribunal correctionnel, ses avocats avaient déclaré que DSK se rendrait "sereinement" devant la justice, fort des réquisitions de non-lieu prises par le parquet dans cette affaire. L'un de ses conseils Richard Malka avait parlé d'un "acharnement" des juges, où la morale s'oppose aux faits juridiques.
Huit mois d'investigation cachés au juge
Se fondant sur les déclarations d'un ancien commissaire de la police judiciaire de Lille, Joël Specque, dans un livre autobiographique, Me Olivier Bluche estime qu'une enquête "officieuse" a été menée dès juin 2010, bien avant l'ouverture de l'enquête préliminaire en février 2011. "On demande au tribunal de juger d'une affaire en lui cachant huit mois d'investigation", avance-t-il, bafouant ainsi selon lui le droit à un procès équitable.
Les avocats ont la possibilité de déposer une "QPC", question prioritaire de constitutionnalité, devant le tribunal, qui doit l'examiner. S'il l'estime valable, les débats sont le plus souvent suspendus jusqu'à ce que la question soit tranchée, ce qui peut prendre plusieurs mois.
Demande de huis clos
Par ailleurs, l'avocat d'anciennes prostituées qui se sont portées parties civiles a fait part de son intention de demander le huis clos, ce que le tribunal décidera dans la foulée.
L'affaire remonte à février 2011, alors que la police judiciaire de Lille ouvre une enquête préliminaire sur les fréquentations de deux hôtels de luxe de Lille, dont le Carlton. Moins de deux mois plus tard, une information judiciaire est ouverte. Le premier mis en examen est René Kojfer, chargé des relations publiques à l'hôtel Carlton. La surveillance mise en place permet aux enquêteurs de remonter un réseau de notables qu'ils soupçonnent de profiter des filles mises à leur disposition, notamment deux entrepreneurs du Pas-de-Calais, David Roquet, alors directeur d'une filiale du groupe de BTP Eiffage, et Fabrice Paszkowski, un entrepreneur spécialisé dans le matériel médical.
DSK savait-il que les filles étaients payées?
Ces deux derniers font partie d'un cercle amical, libertin, parfois franc-maçon, auquel viennent s'ajouter le policier Jean-Christophe Lagarde, alors directeur de la sûreté départementale du Nord, et Dominique Strauss-Kahn. Le nom de ce dernier était apparu fortuitement au cours de l'instruction, lui donnant ainsi un retentissement qu'elle n'aurait sans doute pas eu autrement.
Selon l'accusation, les quatre hommes se sont retrouvés à l'occasion de plusieurs soirées, dans le Nord mais aussi à Paris ou encore à Washington, où trois voyages ont été organisés alors que DSK était encore à la tête du FMI.
Dominique Strauss-Kahn se défend: "Un de mes copains organisait des soirées auxquelles j’ai participé. Comme il y avait des prostituées, le voilà accusé d’être proxénète. C’est aussi artifice qu’absurde." Mais des SMS envoyés à un ami entrepreneur font douter les juges. DSK demande d’amener du "matériel", des filles.
Les quatre prostituées qui se sont portées parties civiles décrivent des scènes parfois violentes, un DSK que six ou sept filles devaient parfois satisfaire. Selon elles, impossible qu’il ait pu ignorer qu’elles étaient payées.
Vos commentaires