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L'approche scientifique est la piste principale pour faire de la prévention et combattre le radicalisme chez les jeunes, estime Hicham Abdel Gawd, l'auteur du livre "Les questions que se posent les jeunes sur l'islam". L'ouvrage est basé sur son histoire personnelle, et notamment sur les questions d'élèves auxquelles ce professeur de religion islamique a été amené à répondre depuis six ans. Notre journaliste Christophe Giltay a réalisé son interview.
Français arrivé en Belgique en 2006, Hicham Abdel Gawd, 30 ans, est diplômé en sciences des religions à l'ULB et l'UCL. La première partie du livre revient sur son parcours. Après avoir découvert le Coran à 16 ans, ce qui l'a amené à se poser des questions, il est tombé dans le fondamentalisme après avoir poussé les portes d'une libraire islamique, "où neuf fois sur dix on tombe sur des bouquins salafistes". Il s'en sortira à 22 ans, grâce à de "bonnes rencontres" et à la "familiarisation avec une approche scientifique" de la religion, explique-t-il à notre journaliste Christophe Giltay, qui l'a rencontré. (L'interview dans son intégralité se trouve au bas de cet article).
Enseignant pendant cinq ans à Forest, il constate dans son travail que la théologie "ne répond pas" aux questions des jeunes musulmans. "Ces questions, dont certaines peuvent paraître naïves - Comment Jonas faisait pour respirer à l'intérieur d'une baleine?, Comment prouver à quelqu'un que Dieu existe? -, sont généralement très rationnelles, et beaucoup de jeunes ne disposent pas d'endroit où ils pourraient obtenir une réponse satisfaisante. A la mosquée par exemple, il y a des questions interdites", détaille l'auteur. "Ils sont cependant prêts à comprendre, si on leur explique la mécanique", que les histoires racontées dans les hadiths "ne sont pas des faits, mais des mises en scène idéologiques".
Hicham Abdel Gawd estime ce questionnement "rassurant". "Il pousse la théologie dans ses retranchements et oblige les penseurs musulmans à faire de la science, alors qu'il y a chez nombre d'entre eux une frilosité en la matière, surtout en ce qui concerne le Coran. Ils ne sont pas prêts à le déconstruire scientifiquement, alors que cela pourrait pourtant régler pas mal de problèmes".
L'enseignant dit ne pas forcément donner à ses élèves les réponses qu'ils attendent, mais il essaie, par une approche scientifique et critique, de leur montrer "les implications" de leurs interrogations, "ce qui leur permet de mieux comprendre leur questionnement, d'avoir des clés pour construire leur propre réponse". Il tente ainsi de les aider à passer d'une religion "subie" à une "liberté dans le développement spirituel". Apporter des réponses à ces questions est essentiel pour l'avenir des adolescents musulmans, estime l'auteur. "De nombreux jeunes grandissent dans une conception quasi mythologique de l'islam, puis tout s'effondre lorsqu'ils arrivent dans l'enseignement supérieur, où ce qu'on leur a dit est remis en question scientifiquement. Certains quittent alors l'islam, d'autres fuient l'université. D'autres encore restent, mais en étant frustrés de ne pas avoir été préparés."
Hicham Abdel Gawd déplore l'absence d'approche critique dans le programme des cours de religion islamique. "Celui-ci a été rédigé il y a quinze ans. Un référentiel de compétences donnant une place aux sciences humaines a été réalisé il y a trois ans, mais il est incompatible avec les thèmes du programme. Cela dépend donc de chaque professeur." Le livre donne des références aux professeurs et peut être considéré comme un outil pour le nouveau cours d'éducation à la philosophie et à la citoyenneté. Il a déjà reçu le soutien en ce sens de la plate-forme enseignons.be, se félicite son éditeur, La Boîte à Pandore.