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Bruno Wattenbergh est revenu ce jeudi matin dans sa chronique Bel RTL Eco sur la chasse à l’évasion fiscale de grandes entreprises.
On en sait un peu plus sur les entreprises belges dans le collimateur des autorités européennes pour ces montages fiscaux, mais d’abord, de quoi s’agit-il précisément ?
Et bien la Commission européenne vient de décider, que le régime belge d’exonération des bénéfices excédentaires ou "excess profits" est une aide d’État illégale que les entreprises doivent rembourser.
"Excess profits", qu’est-ce que cela veut dire et comment est-ce que cela fonctionne ?
Lorsque les filiales d’entreprises dans plusieurs pays échangent entre elles des biens et des services elles doivent se comporter comme des entreprises indépendantes, faire payer le prix réel. Si une filiale paye un prix trop élevé, le pays dans lequel elle se trouve sera lésé parce que le bénéfice sera inférieur et donc l’impôt plus faible. Les règles internationales prévoient cette situation. L’état lésé a le droit d’imposer le bénéfice ainsi transféré à l’étranger, et l’état bénéficiaire ne peut plus taxer une 2ème fois le bénéfice. En théorie, c’est très clair, en pratique, les entreprises jouent avec ces prix de transferts et négocient des accords peu transparents avec les états où elles veulent faire atterrir leurs bénéfices.
Que reprochent précisément la Commission européenne?
D’abord que le fisc belge ne vérifie pas précisément la situation à l’étranger, ce qui reconnaissons-le est complexe et difficile. Ensuite que la Belgique, comme le Luxembourg ou l’Irlande, évite trop facilement de taxer ces "excess profits", ces profits excédentaires. Et le raisonnement belge est simple : ne discutons pas trop, comme cela c’est chez nous que les excess profits seront taxés. Enfin, que cette négociation se ne se fasse pas dans des conditions très transparentes. La Commission ajoute, et elle a raison, que ce traitement favorable des multinationales est in fine discriminatoire vis-à-vis des Pme qui ne peuvent en bénéficier. Résultat, la Commission assimile ce traitement préférentiel à une aide d’état déguisée et les ristournes d’impôts doivent être remboursées.
Que peut-on penser de cette décision de la Commission européenne?
Que ce dossier est embarrassant car les entreprises en question vont pester contre l’insécurité juridique belge. Que les accords en question sont probablement très conformes à la jurisprudence. Que la règle de double imposition est une base inévitable d’un monde globalisé. Bref, nous ne sommes pas dans une guerre de principe, mais plutôt d’un débat sur la manière dont les règles sont interprétées et appliquées par la Belgique. Ce qui est incontestable, c’est que de grandes entreprises, en faisant transiter leurs bénéfices et en mettant les pays en concurrence finissent par ne payer que quelques % d’impôts.
Quelles sont les 35 entreprises qui sont dans le collimateur?
Proximus, Kinepolis, AB InBev, Atlas Copco, tous des fleurons, des entreprises que nous tentons aussi de garder en Belgique, pour un bénéfice cumulé de 2 milliards d’€. Ce qui explique l’attitude un peu schizophrénique des autorités à leur égard.