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L'apnéiste Guillaume Néry, génie des profondeurs

"Les gens s'imaginent un yogi qui mange du tofu, c'est fou les clichés sur l'apnée!" Star de sa discipline, le Niçois Guillaume Néry a intelligemment bâti un modèle économique viable pour réaliser son rêve et vivre de son sport.

Le beau gosse hâlé de 33 ans finit l'assiette de spaghetti carbonara de son voisin de table, à l'ombre du soleil de plomb de la Côte d'Azur. Et tord le cou à d'autres clichés, tenaces depuis "Le grand bleu".

Il refuse de "jouer les donneurs de leçons écolos alors (qu'il) prend l'avion pour aller plonger à Tahiti" et repousse en ricanant l'image de l'homme-poisson.

"Un poisson respire sous l'eau, le monde sous-marin, ce n'est pas chez moi", lance-t-il à l'AFP, parlant plutôt de "moments finis dans le temps mais d'une intensité folle", à 125 m de profondeur (son record).

Le nageur a même parfaitement les pieds sur terre. Sachant qu'il ne pouvait pas vivre de l'apnée de compétition, bien qu'il ait été champion du monde en 2011 et quatre fois recordman du monde, il a construit sa petite entreprise, la société Blue Néry.

"Quand j'avais 14, 15 ans, j'ai dit: +Je veux la vie de (la légende de l'apnée Umberto) Pelizzari+, mon modèle. Aujourd'hui, je vis de mon image", explique-t-il.

- 'Les films engloutis' -

Les films réalisés par sa femme, Julie Gautier, ont un grand succès, à l'image des 22 millions de vues sur internet pour "Free fall" (2010), où on le voit plonger dans le plus profond trou sous-marin du monde, Dean's Blue Hole aux Bahamas (vidéo sur https://www.youtube.com/watch?v=uQITWbAaDx0).

"Les films engloutis", sa société de production, "servent de vitrine" et lui permettent de tourner dans des clips, des pubs et même des fictions. Au total, en ajoutant quelque trois à quatre stages, il assure un chiffre d'affaires de 120.000 à 130.000 euros par an.

Cette autonomie financière et ses sponsors lui permettent de partir à la reconquête de son titre, le 16 septembre aux Championnats du monde à Chypre, dans l'épreuve d'apnée en poids constant avec palmes.

Car le but ultime est bien de se retrouver là-bas, tout en bas, et de reprendre son titre, laissé en 2013 à son rival et ami russe, Alexei Molchanov, qui l'a aussi dépossédé de son record du monde en plongeant à -128 m.

A l'approche de la compétition, il a intensifié la préparation et est decendu le 18 juillet à -105 m dans les eaux niçoises.

Il suit également un entraînement en salle de gym mais sans soulever trop de fonte. "Je suis loin d'un Florent Manaudou", plaisante-t-il en montrant ses biceps fuselés.

- 'Ici et maintenant' -

L'apnée n'est pas du body-building. A la différence des autres sports, "on doit être dans l'économie maximale d'énergie, une bonne plongée demande de consommer peu d'oxygène, précise Néry, il faut pourtant un gros effort puisque je descends et je remonte en palmant".

Le maître mot est "relâchement, se mettre dans un état de détente, être quasi en hibernation. C'est un état d'esprit à avoir dès le matin au réveil, détaille l'apnéiste. Des fois on se rapproche de la mollesse."

Les trois minutes et demie d'une plongée restent ses meilleurs moments, surtout la chute libre, à partir de moins 30 m, pour "ce voyage intérieur, à l'écoute de tes propres sensations, vivant l'instant présent, d'où je tiens mon mantra: ici et maintenant".

Au-delà de la compétition, ce sport "est une excellente école de vie", assure Néry. "Je crois en l'apnée grand public, pas forcément avec des objectifs de performance, mais comme hygiène de vie, car cela amène à tous les pratiquants une forme de sérénité".

L'apnée "est une forme de méditation, ajoute Néry. Ce sport te renvoie à beaucoup d'humilité quand tu es pendu comme une molécule d'eau au milieu de l'immensité bleue".

Il en a tiré la leçon des profondeurs: "Nulle par ailleurs sur terre tu ne peux expérimenter l'infini avec tes cinq sens".

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