Si Mohamed Ketbi occupe depuis ce week-end la 12e place au classement mondial de taekwondo. Une véritable performance, inattendue et inédite, pour ce jeune Schaerbeekois qui rêve désormais des Jeux olympiques.
Si Mohamed Ketbi, retenez bien ce nom. Ce jeune Belge a des chances d'aller aux Jeux olympiques de Rio et rêve d'y décrocher une médaille. Et pour cause, il ne combat avec les seniors que depuis un an mais a déjà remporté 14 médailles en 21 compétitions internationales. Retour sur le parcours ascendant de ce jeune talent, une des révélations sportives de l'année, incontestablement.
"Le plus jeune enfant que j'ai accepté à cet entrainement"
Si Mohamed a débuté le taekwondo à 9 ans, au club du Fung Sing de Bruxelles, après que son père, El Houssain, ceinture noire et ancien champion de Belgique, l'a mis sur la voie. Impatient de le voir progresser, El Houssain a directement inscrit son fils au cours des adultes. "Il était le plus jeune enfant que j'ai accepté à cet entrainement", se souvient Dennis Mo, son premier entraineur. A ce moment-là, le taekwondo se résumait pour lui à deux heures de pratique, deux fois par semaine.
"Il faisait des petites compétitions et perdait assez souvent"
Dès son premier jour d’enseignement, Ketbi s'entraînait donc avec les grands. "Au départ, il faisait des petites compétitions et perdait assez souvent", raconte son premier entraîneur. Ce qui n'était pas probant pour son père qui voulait le voir à un "haut niveau". Il a alors décidé de le prendre sous son aile pour l'entrainer personnellement.
Avec Dennis Mo, son premier entraîneur
Champion de Belgique 2011
Les années ont passé, le jeune homme a progressé. En novembre 2011, alors âgé de 13 ans, Si Mohamed est sacré champion de Belgique en catégorie juniors, en éliminant notamment le champion de Belgique en titre. "Il avait pris confiance, s'entraînait sans relâche, son ascension était exponentielle, se souvient Dennis Mo. Il commençait à collectionner les podiums, tant au niveau national qu'international."
Championnat d'Europe 2013: la révélation
En septembre 2013, Si Mohamed Ketbi a remporté le bronze au Championnat d'Europe junior. C'est la révélation, pour son père, pour son club, mais surtout pour la Fédération, qui encadre depuis sa formation. L'athlète garde cependant un goût amer de ce moment fort dans sa jeune carrière: "J'avais enchaîné 3 médailles d'or en junior juste avant ce championnat. Mon objectif était clairement d'être champion d'Europe à ce moment-là".
Avec Abdelhak Boubouh, le président de la Fédération francophone de taekwondo
"A l'ULB tout a changé"
Il y a eu un avant et un après Championnat d'Europe incontestablement, puisque c'est après la compétition qu'Eric Maréchal, directeur sportif à l'Association belge francophone de Taekwondo (ABFT), est venu lui proposer de s'entraîner avec le groupe d'élite de la Fédération. Si Mohamed évolue depuis cette date au centre d'entrainement national, sur le campus Erasme de l'ULB, et est entrainé par Leonardo Gambluch, entraîneur senior responsable de la préparation aux Jeux olympiques.
Une adaptation qui ne s'est pas faite sans difficulté. "A l'ULB tout a changé, il a désormais une responsabilité", explique son père, avant d'ajouter que "plus il monte dans le classement mondial, plus il doit faire ses preuves. C'est de plus en plus dur, il n'a plus le droit à l'erreur."
L'arrivée chez les seniors: "Une seconde révélation"
Ses capacités, il va les démontrer plus d'une fois. En terminant 2e à l'Open de Suède junior (-55 kg) tout d'abord, en février 2014, une véritable référence dans le monde du taekwondo. Mais surtout, il va remporter l'Open de Belgique en senior (-58 kg), deux mois plus tard, et prendra la médaille d'argent le 11 avril à l'Open d'Allemagne, en surclassant notamment le vice-champion du monde en titre et le 3e au dernier championnat d'Europe. Ces exploits chez les seniors ont véritablement été "une seconde révélation" pour Eric Maréchal. "Depuis ce jour, il n'a plus cessé de briller."
Aux JO de la jeunesse 2014
14 médailles en 21 compétitions internationales
Effectivement Ketbi a de nouveau performé en remportant l'or aux Opens de Suisse et d'Ukraine, l'argent aux Opens de Tunisie et de Croatie et le bronze à l'Open de Corée. A noter également que le jeune Schaerbeekois a fini 3e aux Jeux olympiques de la jeunesse et 5e au Championnat d'Europe.
Et la série se poursuit cette année puisqu'il s'est imposé à l'Open de Bosnie et au Championnat d'Europe par Clubs en début d'année. Il a, par ailleurs, fini 2e aux Opens de Fujairah et de Louxor, 3e à l'Open de Grèce et a encore remporté la médaille d'or à l'Open de Suisse ce week-end.
Depuis ses débuts chez les seniors, il y a un peu moins d'un an, Ketbi s'est ainsi imposé à 6 reprises. Il a remporté l'argent 5 fois et le bronze 3 fois. Soit 14 médailles en 21 compétitions internationales: un palmarès exceptionnel. "Le passage chez les personnes âgées s'est étonnamment bien passé. Il y a beaucoup plus d'adrénaline, déclare l'intéressé. Si je ne prenais plus de plaisir à pratiquer le taekwondo, je crois que j'aurais arrêté."
Médaillé de bronze aux JO de la jeunesse
Travail, abnégation et sacrifices
Le secret d'une telle progression ? Le travail et l'abnégation. Si Mohamed s'entraîne 3 heures par jour, du lundi au vendredi, et 5 heures le samedi. "Ce ne sont pas des professionnels mais ils combattent toutes les semaines", souligne le directeur sportif de la Fédération.
"Pour réussir au taekwondo il faut être souple, rapide et fort physiquement et mentalement, ajoute Si Mohamed, mais il faut aussi être persévérant aux entraînements." Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne veut rien laisser passer: "Quoi qu'il arrive, je reste moi-même et je garde mes objectifs. Il ne faut jamais rien lâcher, sinon les autres vont me dépasser."
Tout cela à côté des cours, puisque le jeune homme termine ses études secondaires à l'Institut de la Vierge fidèle, à Schaerbeek. "C'est beaucoup de sacrifices, il devra rattraper un mois d'école, indique son père. Je ne pensais pas que cela allait être aussi dur." Difficile pour son fils mais également pour lui qui ne l'aura vu que deux jours ce mois-ci.
3e au ranking européen, 12e au ranking olympique
Mais les efforts paient visiblement puisque Ketbi est aujourd'hui 3e au "ranking" européen et 12e au "ranking" olympique (la référence internationale) ce qui fait de lui le plus jeune taekwondoiste à un tel niveau mondial et pourrait très prochainement intégrer le top 10.
Au-delà des résultats sportifs, le taekwondo lui a aussi beaucoup apporté humainement: "C'est un sport spectaculaire qui m'a permis de devenir un homme, véritablement."
Avec Leonardo Gambluch, son entraîneur actuel
Objectif ? Les JO de Tokyo, euh... Rio
Son objectif ultime ? "Décrocher l'or olympique". Pour cela, le jeune athlète est particulièrement soutenu par le COIB (Comité Olympique et Interfédéral Belge) et l'Adeps via le projet "Be Gold" qui vise à accompagner les jeunes sportifs dans l'objectif d'une participation aux Jeux olympiques.
"Vu sa jeunesse, on avait comme objectif initial de le qualifier pour les JO 2020", révèle son directeur sportif. Mais sa progression est telle, de semaines en semaines, qu'on pense désormais, sans se mettre la pression, aux JO de l'an prochain".
Pour y parvenir, Si Mohamed Ketbi doit figurer parmi les 6 meilleurs mondiaux du "ranking" olympique à la fin de l'année. Il peut également décrocher son billet pour Rio en remportant l'une des deux premières places du tournoi de qualification européen qui se tiendra en janvier prochain.
Mais ses objectifs ne se limitent pas au taekwondo, contrairement à ce que l'on pourrait penser, puisque Si Mohamed accorde autant d'importance au sport qu'aux études.
Taekwondoiste professionnel ?
Et pour cause: "On ne peut pas vivre du taekwondo, c'est pour cela qu'il doit étudier !", lance son père. Plus tard le jeune homme se destine à une carrière d'ingénieur. "Il a peut-être des facilités, mais ce n'est pas suffisant, estime El Houssain. Moi je veux qu'il fasse les deux, qu'il réussisse tout ce qu'il entreprend."
Mais peut-on être professionnel en taekwondo ? "Dans notre sport, il n'y a pas un circuit amateur et un circuit professionnel, répond Eric Maréchal, principalement parce que nous n'avons pas les mêmes sponsors que dans d'autres sports. Ce qu'on entend par "professionnels" en Belgique, ce sont des sportifs qui sont sous contrat APE (Aide à la promotion de l'emploi ndlr.) avec l'ADEPS". Ce contrat leur assure notamment la sécurité d'une rémunération mensuelle garantie et d'une couverture sociale mais aussi un suivi personnalisé par une cellule médico-sportive (médecin, kiné, ostéopathe, psychologue, nutritionniste, etc.). Si Mohamed Ketbi en aura probablement un l'année prochaine, il pourra dès lors être considéré comme professionnel.
"Le papa dont rêvent tous les sportifs"
El Houssain a toujours été au plus proche de son fils depuis son premier entraînement. Pour Eric Maréchal, "c'est le papa dont rêvent tous les sportifs. En plus d'être pratiquant, il donne son avis de temps en temps, et c'est souvent pertinent."
"Sans mon père, je ne serais pas là où je suis actuellement. C'est grâce à lui et je l'en remercie", conclut le jeune talent.
Le taekwondo est pratiqué en Belgique par plus de 12.000 licenciés répartis dans 3 Fédérations nationales: l'ABFT (francophone), la VTB (néerlandophone) et la TVDSG (germanophone).
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