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C'est une petite bombe qu'un journaliste a pu obtenir cette semaine à la frontière syrienne: les comptes d'une des provinces contrôlées par l'EI sur un mois. Ce document officiel du régime terroriste est inédit : jusqu'ici, les richesses estimées de Daesh étaient seulement le fruit de spéculations. Le document nous apprend que non seulement, l'EI ne gagne pas tant d'argent que ça, mais qu'en plus, ce n'est pas le pétrole qui est sa principale source de revenus. Loin de là même : plus de 44,7% des recettes de la province la plus riche en hydrocarbures de la Syrie occupée par l'EI proviennent... de "confiscations". En clair: de vols auprès de la population locale.
Comment l’EI, qui fonctionne désormais réellement comme un Etat avec une administration, une armée, des écoles, une police, etc., se finance-t-il ? La question a déjà fait l’objet de nombreuses enquêtes et des réponses ont déjà été fournies. A l’origine, l’organisation terroriste a profité des fonds donnés par des gouvernements étrangers comme celui d’Arabie Saoudite pour soutenir les mouvements anti-Bashar Al-Assad. Puis, depuis qu’ils ont établi leur califat et que ces sources se sont taries, il a fallu trouver d’autres moyens de payer les troupes et désormais les fonctionnaires.
Ce qu'on connaissait du financement de l'EI: du pétrole à la vente d'esclaves
On savait déjà par exemple que Daesh parvient à vendre sa production de pétrole ou de coton à prix cassé par des canaux de contrebande majoritairement via la Turquie. On savait aussi que le nouvel Etat terroriste taxe ses administrés comme le font tous les gouvernements du monde. Il faut cependant noter qu’ici, pour gagner plus, ils manipulent la population. Un grand reportage de M6 en début d’année expliquait par exemple qu’ils créaient par exemple eux-mêmes des pénuries d’électricité pour parvenir à vendre pétrole et groupes électrogènes à leur propre population. Autre source de revenu connue: les banques. En parvenant à annexer des territoires, ils se sont emparés des agences bancaires qui s’y trouvaient et ont empoché les fortunes en liquide qu’elles contenaient. La contrebande de précieuses antiquités est également souvent évoquée, tout comme l’atroce traite d’êtres humains, principalement des femmes et des enfants non-musulmanes vendues comme esclaves.
Le premier budget officiel de l'EI à fuiter livre ses secrets
Ces informations proviennent de multiples sources, souvent de rapports américains diffusés par des organes de presse anglo-saxons ou provenant de témoignages de réfugiés et d’observateurs de longue date du Moyen-Orient. Mais jusqu’à aujourd’hui, aucun chiffre officiel ne permettait de réellement quantifier ces sources de revenu. Cette semaine cependant, le tout premier document officiel issu de l’administration de l’Etat Islamique vient de nous parvenir. Ce qu’il nous apprend ? Que contrairement à la croyance qui faisait des revenus du pétrole la principale source d’argent frais pour Daesh, ce seraient les vols commis contre sa propre population qui permettrait à l’EI de fonctionner.
Le 5 octobre, Aymenn al-Tamimi, un journaliste basé près de la frontière syrienne,
Beaucoup moins d'argent venu du pétrole que prévu... alors qu'il s'agit de la zone la plus pétrolifère
Premièrement, le document mentionne "à peine" 2 millions de dollars (1,993) de revenus du pétrole sur un mois, et 342.000 dollars provenant du gaz. On est loin des dizaines voire centaines de millions parfois estimés par les spécialistes occidentaux. Deuxièmement, les revenus de ce secteur des hydrocarbures ce mois-là sont loin d’être la source d’argent la plus importante. Ces deux faits sont révélateurs, puisque cette province de Deir ez-Zor constitue la plus importante ressource exploitée en pétrole et en gaz de tous les territoires administrés par l’EI.
Ce sont les confiscations, particulièrement aux frontières et dans les zones urbaines, qui financent Daesh
Concrètement, le budget en question répartit les recettes en 4 groupes. L’électricité contribue pour 3,9% à celui-ci, les taxes pour 23,7% et le pétrole et le gaz pour "seulement" 27,7% des recettes totales. Les 44,7% manquant provenant... des confiscations. Ces confiscations ont surtout lieu aux frontières de la province, avec 2,7 millions de dollars de revenus. La 2ème zone contributrice sont les zones résidentielles de la province, avec 744.000 dollars. Les revenus des 3 autres zones, rurales, étant plutôt marginaux.
Maisons, commerces, argent liquide, biens de consommation, voitures, bétail : tout est volé
Ces confiscations comprennent des vols d’argent, de biens, mais aussi de propriétés. Il y a les maisons laissées à l’abandon par les réfugiés partis sauver leur vie hors des frontières syriennes, mais aussi celles confisquées comme sentence. "Si un commerçant rate trois fois la prière consécutivement, son magasin est confisqué", expliquait Tamimi au magazine
La propagande de l'EI mise à mal... d'autant que presque tout cet argent récolté va à l'armée et non aux services à la population
"Ce document sape totalement la propagande de l’EI. Voir qu’ils tirent leurs revenus principalement en volant leur peuple ne leur donne pas une très bonne image", estime Tamimi. En tout, cette province a rapporté à Daesh 8,438 millions de dollars ce mois-là, pour 5,587 millions de dépenses de fonctionnement. En effet, le document ne nous apprend pas que la provenance des recettes. Elle détaille aussi où vont les dépenses. Et là, un autre sujet de propagande de l’EI en prend un coup. Eux qui communiquent de plus en plus sur leur réussite à mettre en place une véritable Etat gouverné consacrent toujours une incroyable partie de leur argent à la guerre. 73% en tout, dont 43,6% en salaires des combattants, 19,4% dans les bases "militaires" et 10% dans la police islamique. Il ne reste presque plus rien pour financer les services à la population, comme les administrations, les soins de santé ou les services sociaux. Par contre, et plus surprenant, le "parent pauvre" de cette distribution d’argent est, pour cette province, le service de médias du régime terroriste, avec 155.000 dollars.