Trois jours après l'attaque d'une église à Saint-Etienne-du-Rouvray où un prêtre a été tué, les enquêteurs tentent de retracer le parcours des assaillants. Le Premier ministre français reconnaît un "échec" dans le suivi judiciaire d'Adel Kermiche. D'après Le Monde, l'individu aurait été influencé par un certain Adel Bouaoun. Du côté d'Abdel Malik Petitjean, fiché "S", une nouvelle vidéo vient d'être publiée par l'EI où le jeune homme menace la France. Trois personnes sont en garde à vue. Le point sur l'enquête.
Deux hommes dans les radars de l'antiterrorisme: Adel Kermiche et Abdel Malik Petitjean avaient tenté de rejoindre la Syrie et prêté allégeance au groupe Etat islamique. Mais l'attaque contre une église de Saint-Etienne-du-Rouvray a-t-elle été commanditée depuis les terres du djihad?
Abdel Malik Petitjean était fiché "S" pour avoir voulu gagner la Syrie. Le Savoyard de 19 ans, né dans les Vosges, a été formellement identifié comme l'un des deux auteurs de l'assassinat du prêtre mardi grâce à des prélèvements ADN sur sa mère. Le jeune homme, sans casier judiciaire, était connu depuis peu des services antiterroristes, soupçonné d'avoir voulu se rendre en Syrie.
Il était parti le 10 juin en Turquie avec un Français de 20 ans, fiché "S", qui avait été refoulé du pays dès le lendemain. Petitjean, qui n'envisage sans doute pas de se rendre tout seul en Syrie, rentre alors en France le 11 alors qu'il n'a pas encore été signalé par Ankara aux services français. "Fin juin", un signalement est fait et, le 29, une fiche "S" émise à son encontre. Le Français de 20 ans a été interpellé mercredi et placé en garde à vue.
Ressemblance avec un homme suspecté de préparer un attentat
Petitjean, lui, ressemble fortement à un homme suspecté de préparer une attaque en France, dont la photo avait été diffusée le 22 juillet à plusieurs services de police et de gendarmerie. Mais en l'absence d'identité, de cible, de date ou de modus operandi pour ce projet d'attentat, les enquêteurs ne savent alors pas de qui il s'agit.
Trois personnes en garde à vue
Trois personnes sont en garde à vue ce vendredi matin, dont un demandeur d'asile syrien, dans l'enquête sur l'attaque, et deux autres ont été relâchées, a-t-on appris de sources judiciaires et proches de l'enquête. Un Français de 30 ans, dans l'entourage familial d'Abdel Malik Petitjean, et un mineur de 16 ans dont le frère, proche de l'autre tueur Adel Kermiche, est parti dans la zone irako-syrienne en mars 2015, étaient toujours entendus par les enquêteurs. Un Syrien a par ailleurs été interpellé jeudi dans un centre d'accueil de demandeurs d'asile de l'Allier, selon une source proche de l'enquête qui confirmait des informations de La Montagne.
La police retrouve une vidéo dans laquelle un individu ressemblant à Petitjean se réclame de l'EI
Le 24 juillet, au cours d'une perquisition administrative chez un homme, également fiché "S" et placé depuis en garde à vue, ils retrouvent une vidéo dans laquelle une personne, ressemblant fortement à Petitjean, prête allégeance à l'EI.
Les recherches resteront vaines: deux jours plus tard, il est abattu par les forces de l'ordre à la sortie de l'église alors qu'il s'élance sur les policiers aux cris d'"Allah Akbar". Sa carte d'identité est retrouvée au domicile de l'autre tueur, Adel Kermiche, un élément essentiel qui met les enquêteurs rapidement sur sa piste.
Des proches de Petitjean toujours en garde à vue, l'homme apparaît dans une vidéo de l'EI
Trois personnes dans l'entourage familial de Petitjean étaient toujours en garde à vue jeudi après-midi. Rien ne dit à ce stade qu'elles auraient pu avoir un lien avec l'attaque.
Petitjean apparaît dans une vidéo diffusée par un organe de propagande du groupe Etat islamique, l'agence Amaq, a révélé jeudi le centre américain de surveillance de sites jihadistes SITE. Sur la vidéo d'une durée de 2 minutes 26 secondes, il profère des menaces en français, entrecoupé de phrases en arabe, à l'encontre de la France et s'adresse directement à François Hollande et à Manuel Valls.
Adel Kermiche: "une bombe à retardement" mais libéré en mars
Kermiche, 19 ans, qui souffrait de troubles du comportement et était obsédé par la Syrie, a été décrit comme "une bombe à retardement" par plusieurs témoins. Jamais condamné, l'homme avait été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire dès mars 2015 pour avoir tenté de rejoindre les terres du djihad. Après une seconde tentative en mai 2015, il avait été incarcéré, période au cours de laquelle il se serait encore davantage radicalisé, avant d'être libéré en mars 2016, contre l'avis du parquet, et assigné à résidence sous surveillance électronique.
L'influence d'Adel Bouaoun?
Un troisième nom apparaît dans l'enquête: celui d'Adel Bouaoun. D'après Le Monde, l'homme de 19 ans vient de Normandie et se trouverait en Syrie, et serait surtout un proche d'Adel Kermiche. Les deux hommes se sont rencontrés en février 2015 devant la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray, là où l'attaque sur l'église a été perpétrée. C'est Adel Bouaoun qui aurait initié Adel Kermiche, alors âgé de 17 ans, à la propagande de l'Etat islamique. Pour Kamel Aït Bessal, vice-président de l'association locale Pass 276, dont "Le Parisien" rapporte le témoignage, ce serait plutôt Adel Kermiche qui aurait influencé Adel Bouaoun, dont le père l'avait justement mis en garde sur ses nouvelles fréquentations.
Les deux hommes se radicalisent de plus en plus, et en mars 2015 Adel Bouaoun décide de quitter la France pour rejoindre l'Etat islamique en Syrie. L'homme serait parti avec la carte d'identité d'Adel Kermiche, qui a essayé de le rejoindre avant d'être interpellé avant d'atteindre la Syrie. De son côté, Bouaoun parvient à rejoindre Daesh et poursuit sa propagande sur internet. En mars dernier, c'est d'ailleurs via Facebook qu'Adel Bouaoun a essayé de prendre des nouvelles de son ami Adel Kermiche.
Le petit frère d'Adel Bouaoun, 16 ans, est en garde à vue depuis mardi. Il aurait été arrêté alors qu'il se trouvait dans le périmètre de sécurité autour de l'église Saint-Etienne-du-Rouvray.
Comment Kermiche et Petitjean se sont-ils connus?
Les enquêteurs continuent de faire parler les téléphones et ordinateurs saisis aux domiciles des deux tueurs, qui vivaient à 700 kilomètres l'un de l'autre, pour comprendre comment ils se sont rencontrés. Seule certitude à ce stade: leurs téléphones ont borné dès le 23 juillet, trois jours avant l'attentat, à Saint-Etienne-du-Rouvray, "aux mêmes endroits", notamment dans la zone du domicile de Kermiche, selon une source proche du dossier.
Deux téléphones appartenant aux assaillants ont été retrouvés sur l'autel de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray. "A ce stade, aucune vidéo de la scène de crime n'a été retrouvée dans ces téléphones et aucune caméra sur les lieux", selon cette source.
Des complicités?
L'EI a revendiqué l'attentat et diffusé une vidéo où les deux hommes prêtent allégeance à son chef, Abou Bakr al-Baghdadi.
Ont-il été directement mandatés depuis la Syrie? Le frère d'un mineur de 16 ans, actuellement en garde à vue, intéresse particulièrement les enquêteurs. Ce jeune de 19 ans, proche d'Adel Kermiche, est sous le coup d'un mandat d'arrêt pour être parti dans la zone irako-syrienne en mars 2015 avec les papiers d'identité de son ami. A-t-il pu jouer un rôle depuis la Syrie?
Les investigations ont démontré que des proches de Kermiche et de Petitjean ont tenté de partir dans ce pays ou sont déjà sur zone.
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