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Jean-Marie Le Pen s'est présenté vendredi devant la justice pour attaquer sa suspension du Front national, qui a mis en route la suppression de la présidence d'honneur des statuts du parti d'extrême droite, dirigé depuis 2011 par sa fille Marine Le Pen.
"Il n'y a strictement aucune garantie de démocratie dans le fonctionnement interne du FN", a justifié le cofondateur du FN, bientôt 87 ans, en quittant le tribunal de grande instance de Nanterre (Hauts-de-Seine).
Impassible à l'audience, les yeux parfois clos, il demandait l'annulation de sa suspension en tant qu'adhérent, prononcée le 4 mai par la plus haute instance du parti, une décision "illégale, anormale et excessive", selon lui.
Après plus de deux heures de débats centrés sur le droit des associations et les statuts du FN, le tribunal a renvoyé sa décision au 2 juillet.
Le "Menhir" contestait surtout la "privation de ses droits" en tant que président d'honneur qui en a découlé, estimant que cette fonction dont il jouit depuis 2011, qui le rendait membre de droit de toutes les instances internes à vie, selon lui, n'est pas liée à sa qualité d'adhérent.
La présidente du FN, Marine Le Pen, avait fait suspendre son père après une nouvelle salve de provocations début avril, guère nouvelles sur le fond: répétition de sa vision plusieurs fois condamnée par la justice des chambres à gaz, "détail" de l'Histoire, défense du maréchal Pétain, du "monde blanc" et critique en règle de la démocratie.
"Un prétexte pour se débarrasser de Jean-Marie Le Pen", selon l'intéressé. Et de dénoncer le "virage politique à gauche" sous l'influence de Florian Philippot, vice-président du parti et "vrai patron" du FN.
- 'Faire avaler la pilule' -
Non loin du tribunal de Nanterre, un bureau politique (BP) réuni au siège du parti vendredi pendant dix heures a travaillé sur la "refonte" des statuts du parti. Les adhérents devront les valider lors d'une "assemblée générale extraordinaire" par courrier, convoquée dans la foulée de la suspension de "Le Pen" et dont les résultats seront connus "avant le 10 juillet".
Suppression, donc, de l'article 11 bis qui prévoyait une présidence d'honneur. Mais aussi création d'un "référendum consultatif interne", "assouplissement des conditions de candidature à la présidence" du parti, création d'un "Conseil des élus locaux", selon un communiqué de ce BP, sans que ces nouveaux statuts ne soient disponibles pour la presse.
Des nouveaux statuts adoptés à l'unanimité, soit une quarantaine de voix, moins trois abstentions, celles des historiques et proches de Jean-Marie Le Pen, Alain Jamet et Marie-Christine Arnautu, ainsi que celle de Catherine Salagnac, une proche de Bruno Gollnisch.
Ce dernier avait voté plus tôt contre la suppression du "11 bis". "Je voterai contre" la réforme des statuts, a-t-il annoncé à l'AFP, "pas dépourvue d'intérêt" mais "destinée à faire avaler la pilule de la suppression de la présidence d'honneur".
Jean-Marie Le Pen accuse le FN de vouloir le "museler" avant le vote de ses 42.000 adhérents à jour de cotisation (chiffre datant du congrès de fin 2014).
Au tribunal, son conseil a tenté de démontrer que le bureau exécutif qui a suspendu M. Le Pen n'en avait pas la compétence. Et de citer les Tontons Flingueurs: la politique, "c'est du brutal !".
"Le respect de la procédure interne a été appliqué", a riposté l'avocat du parti, Me Frédéric-Pierre Vos, rappelant que M. Le Pen avait séché le bureau exécutif qui l'a suspendu.
L'avocat a demandé au tribunal de se déclarer incompétent sur cette affaire interne à la vie d'un parti ou à défaut d’inviter à une conciliation.
Marine Le Pen avait déclaré vendredi matin sur LCI et Radio Classique n'avoir "aucune crainte" quant à l'offensive judiciaire paternelle.
"L'objectif", la suppression de la présidence d'honneur, "est fixé, de toute façon il ira à son terme", a aussi balayé M. Philippot vendredi soir sur BFMTV. Qu'importent les recours, jugent les proches de Marine Le Pen: la base militante suivra, selon eux, la proposition des instances du FN.
L'arrivée de Jean-Marie Le Pen au tribunal a par ailleurs occasionné vendredi matin une violente bousculade entre policiers, journalistes et membres du service d'ordre du parti. Une journaliste de l'AFP a été interpellée lors de ces incidents pour avoir mordu un policier. Elle est convoquée au tribunal le 6 janvier 2016.