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L'enquête sur le financement de campagnes électorales du Front national rattrape la direction du parti de Marine Le Pen, avec la mise en examen cette semaine de son vice-président chargé des questions juridiques, Jean-François Jalkh.
Encarté à 17 ans en 1974, compagnon de route de Jean-Marie Le Pen, député entre 1986 et 1988, Jean-François Jalkh est un cacique du parti d'extrême droite peu connu du grand public.
Il a été mis en examen mardi en tant que secrétaire général, depuis 2012, de Jeanne, le microparti de Marine Le Pen, ont annoncé vendredi à l'AFP des sources proche du dossier et judiciaire.
Elu député européen en 2014, il est soupçonné d'avoir commis, durant la campagne des législatives de 2012, des délits d'escroqueries, d'abus de confiance et d'acceptation par un parti politique d'un financement provenant d'une personne morale, en l'occurrence la société de communication Riwal.
Les enquêteurs pensent que Jeanne et Riwal, les deux personnes morales mises en examen, ont élaboré un système frauduleux d'enrichissement et de financement politique illégal avec de l'argent public. Avec "plusieurs millions d'euros" en jeu, estime une source proche du dossier.
"Il n'y a eu à aucun moment une intention frauduleuse de notre part", "ce dispositif a été exposé à la commission des comptes de campagne qui l'a validé. On ne peut à aucun moment conclure que les pouvoirs publics ont été dans l'ignorance du dispositif. L'abus de confiance et l'escroquerie ne peuvent donc être caractérisés", a réagi Jean-François Jalkh, sollicité par l'AFP.
Marine Le Pen n'apparaît pas dans les statuts de Jeanne. Mais ce microparti est géré par ses proches et joue un rôle de premier plan dans le financement des campagnes frontistes.
- "On n'est pas en Union soviétique" -
Il s'agit de la huitième mise en examen dans ce dossier après notamment celle d'un proche de la présidente du FN, Frédéric Chatillon, dirigeant de Riwal, qui conçoit et réalise l'essentiel des documents de propagande électorale du parti. Trésorier de Jeanne et actionnaire de Riwal, Axel Loustau est également mis en examen. Les deux hommes sont des anciens du GUD, syndicat étudiant d'extrême droite.
Lors de la campagne, Jeanne prêtait de l'argent à une grande majorité des candidats FN et leur fournissait des kits de campagne (photos, tracts...) fabriqués par Riwal pour environ 16.000 euros le kit. Ce système, utilisé par 525 des 577 candidats selon une source proche du dossier, leur aurait été présenté comme obligatoire, un terme réfuté en février par Marine Le Pen.
Ce sont les intérêts perçus par Jeanne et le prix des kits, ouverts à remboursement sur fonds publics, qui sont à l'origine de cette nouvelle mise en examen. "Le fait qu'un parti facture des prestations, le fait qu'un parti prête de l'argent aux candidats, y compris avec des intérêts, est parfaitement légal. La somme de choses légales ne peut donner un résultat illégal", a argumenté Jean-François Jalkh.
Les enquêteurs jugent les kits surfacturés, avec pour effet d'alourdir les remboursements publics. Ces prix sont soumis "au régime de la liberté du commerce et de l'industrie, on n'est pas en Union soviétique" et Riwal "c'était tellement de la qualité que ça s'est traduit dans les résultats électoraux", répond l'eurodéputé.
Autre interrogation: les facilités de paiement accordées par Riwal à Jeanne, jugées particulièrement importantes par une source proche de l'enquête, et dont les enquêteurs pensent qu'il pourrait s'agir d'aides financières déguisées au FN et au microparti.
"Pourquoi quand il s'agit du PS et de l'UMP, cela ne constitue pas un don déguisé, et pourquoi quand il s'agit de Jeanne c'est un don déguisé?", a demandé Jean-François Jalkh évoquant les crédits accordés par les fournisseurs des autres partis.
Le FN est visé par une autre enquête sur l'emploi litigieux de ses assistants au Parlement européen.